lundi 18 novembre 2024

De Tocqueville à Trump

Hier et aujourd'hui

       Tocqueville a encore quelque chose à nous dire, malgré le décalage temporel et les changements historiques. En ce qui concerne l'actualité politique des USA, il a perçu le risque de la rencontre d'un exécutif sans limites et d'une majorité d'égoïsmes individuels. Peut-on encore parler de démocratie?.. Comme se le demandait John R.McArthur, qui voyait dans son pays plutôt la domination d'une ploutocratie, d'une sorte de caste, d'une oligarchie de puissantes forces financières.  Le cynisme aidant... 


                                                                                               " «        Comme le notait Tocqueville, "Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux Etats-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. Et ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu`on y trouve contre la tyrannie. Lorsqu'un homme ou un parti souffre d`une injustice aux Etats-Unis. à qui voulez-vous qu`il s'adresse ? à l`opinion publique ? c'est elle qui forme la majorité ; au corps législatif ? il représente la majorité et lui obéit aveuglément ; au pouvoir exécutif ? il est nommé par la majorité et lui sert d`instrument passif ; à la force publique ? la force publique n'est autre chose que la majorité sous les armes ; au jury ? le jury, c`est la majorité revêtue du droit de prononcer des arrêts : les juges eux-mêmes, dans certains États. sont élus par la majorité. Quelque inique ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre. On ne peut pas dire d'une manière absolue et générale que le plus grand danger de nos jours soit la licence ou la tyrannie, l'anarchie ou le despotisme. L`un et l'autre est également à craindre, et peut sortir aussi aisément d'une seule et même cause, qui est l'apathie générale, fruit de l'individualisme ; c'est cette apathie qui fait que le jour où le pouvoir exécutif rassemble quelques forces, il est en état d'opprimer, et que le jour d'après, où un parti peut mettre trente hommes en bataille, celui-ci et également en état d'opprimer. Ni l'un ni l'autre ne pouvant rien fonder de durable, ce qui les fait réussir aisément les empêche de réussir longtemps. Ils s'élèvent parce que rien ne leur résiste et ils tombent parce que rien ne les soutient. Ce qu'il est important de combattre, c'est donc bien moins l'anarchie ou le despotisme que l'apathie, qui peut créer presque indifféremment l'un ou l'autre »                                                                                                                                              Il faudrait ajouter, outre le déficit de formation, surtout politique en l'occurrence, ainsi que le formatage des esprits par des médias comme Fox News, par exemple, l'obsession du "rêve américain", qui neutralise toute pensée critique et toute citoyenneté assumée. Quand on voit la manière dont Trump réalise ce qu'il a annoncé, en confisquant l'essentiel des pouvoirs, après l'appui des proches qu'il a nommés et qui font craindre le pire, pour la justice, la santé, le climat, dans un climat de revanche et de peur....On peut légitimement craindre le pire dans ce contexte jamais vu, qui aura des incidences mondiales.

       Certes, Tocqueville n'a pas pu entrevoir ce que pourrait devenir une démocratie dévoyée Outre- Atlantique, mais il avait pointé les risques de dérives, du fait de l'histoire particulière de ce pays hors-norme, de ses institutions et de ses prétentions planétaires.                                                        "...Donald. J. Trump a gagné, haut la main, les élections américaines et devient le 45e président des États-Unis. La nouvelle est assez surprenante ! Pour une majorité d’observateurs, analystes, firmes de sondages et autres amateurs de boules de cristal, Trump n’avait aucune chance de remporter cette élection. Il est un candidat atypique, sans expérience politique, un affairiste au passé douteux, un menteur patenté et mal vu par « l’establishment », un électron libre largué par son parti, misogyne et, de surcroît, un raciste déclaré. Mais qui diable oserait donner son vote à un type comme celui-là ?

Certes, la réponse aurait pu être « personne » si le monde politique était soumis aux déterminismes physico-mathématiques où les mêmes causes ne peuvent produire que les mêmes effets, mais, hélas, ce n’est pas le cas quoi qu’en disent ceux qui veulent soumettre l’action et le comportement de l’homme à des lois semblables à celles des sciences physiques.

Donald J. Trump n’est autre que le produit de son environnement. Il est le reflet d’une ou des réalités américaines que certains cherchent, en vain, à cacher, à ignorer ou à dénaturer. Disons-le, il y a un problème américain, une crise américaine ! L’Amérique rurale n’est pas l’Amérique des grandes villes. L’Amérique des Blancs n’est pas l’Amérique des Noirs et surtout l’Amérique de Wall Street et de la Maison-Blanche n’est pas l’Amérique de « Joe the plumber ».   Alexis de Tocqueville, fin connaisseur de la démocratie aux États-Unis, disait, il y a déjà deux siècles, qu’« on peut considérer le moment de l’élection du président des États-Unis comme une époque de crise nationale», en confirmant dans un autre passage que « plus la situation intérieure d’un pays est embarrassée, et plus ses périls extérieurs sont grands, plus ce moment de crise est dangereux pour lui ». Le clivage entre les riches et les pauvres, entre les Blancs et les Noirs, entre les hommes et les femmes, l’embourbement dans des conflits interminables au Moyen-Orient et ailleurs, la multiplication des attaques terroristes contre les intérêts américains ne sont que quelques exemples de la situation embarrassée des États-Unis. ___Homme d’affaires aguerri, Donald Trump a su comprendre et tirer avantage de ces problèmes en profitant d’une adversaire au passé contestable et dont la sincérité et l’authenticité sont mises à rude épreuve ; une adversaire représentant le « changement dans la continuité » d’un « establishment » déconnecté de la réalité d’un peuple divisé et en proie à toutes les formes de lassitudes. Pour les Américains, l’élection du président est le meilleur moment pour exprimer leur désarroi et pour se servir «en général, du nom du candidat à la présidence comme d’un symbole; ils personnifient en lui leurs théories», pour reprendre les mots de Tocqueville. C’est un moment propice pour que les Américains « sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent ».    ___Paradoxalement, un milliardaire qui se vante de ne pas payer ses impôts est devenu le symbole de l’antisystème, le symbole de ce désir de changement ! Si on suit le raisonnement de Tocqueville, Trump ne peut naître que de ces décombres, car «les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître. » Il est vrai que les Américains chérissent leur constitution dont la liberté et l’égalité sont les clés de voûte, mais «il dépend [d’eux] que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères ». Wait and see! "     A voir ou à revoir....   _____________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire