La citoyenneté et sa formation en péril
Dans la vague populiste montante, il devient de plus en plus difficile pour le citoyen moyen, surtout s'il lit peu et ne dispose que de peu de moyens d'information relativement sérieux, de culture minimale et d'esprit critique un peu exercé, de se forger une relative bonne opinion de la la marche du monde et de ses implications dans le réseau des actions politiques et économiques. De s'informer, quoi! Même si une presse totalement objective n'existe pas au sens strict. Pas plus qu'un relai télévisuel, même non orienté, non marchandisé ou non partisan. Ce qui n'exclut pas des ligne éditoriales différentes. Ne parlons pas des réseaux dits sociaux, qui véhiculent le meilleur et le pire, jusqu'aux fake news les plus grossiers. C'est aujourd'hui au niveau mondial que se pose le problème. Les ados sont particulièrement visés, mais pas seulement. La confiance est ébranlée sur les sujets les plus discutés, où les esprits se crispent, enracinés dans leurs idées préconçues, leurs parti-pris. La polémique domine. Les échanges critiques fondés et argumentés se réduisent au profit d'opinions le plus souvent non vérifiées ou seulement affectives ou partisanes, voire passionnelles. "... Les conditions de l'indépendance de l’information sont les premières à avoir été balayées. Dès la fin de la décennie 2020, les grandes entreprises du numérique ont définitivement capté le marché de la publicité. L’assèchement des recettes publicitaires a conduit tous ceux qui en dépendaient, même partiellement, à la faillite. Plusieurs acteurs de l’information autrefois essentiels sont devenus une cible de choix pour ceux-là mêmes qui les ont privés de cette source de revenus. Certains ont été intégrés, dans une logique de concentration horizontale, à ces grandes firmes du numérique qui contrôlent désormais toute la chaîne de valeur, des matières premières aux terminaux en passant par l’infrastructure. Les autres sont réduits à un rôle de sous-traitants, fournisseurs de données dites « propres ». Dotée jadis d’une valeur commerciale directe (par la publicité, la vente au numéro ou à l’abonnement), l’information n’a plus, pour ces grands acteurs du numérique, qu’une valeur indirecte. Au premier rang desquelles l’information résumée à sa plus stricte expression, sa plus stricte valeur d’usage : de la data – et encore : de la data moins qualifiée que celle récoltée directement par ces entreprises de la tech auprès des publics, en aspirant leurs données (émotionnelles, de santé, communication, travail, consommation, etc.) du berceau à la tombe. L’information indépendante d’intérêts économiques n’existe donc plus. C’est ensuite la vérification qui est devenue impossible. La désintermédiation initiée par les réseaux sociaux au début du XXIe siècle, couplée aux progrès de l’intelligence artificielle générative a donné naissance à une industrie du faux sans précédent. Parler de « faits », de « vrai » qui serait opposé au « faux », est, depuis le début des années 2030, devenu impossible. Au-delà des tentatives de manipulations géopolitiques, au-delà de son exploitation par des acteurs politiques internes, ce sont finalement les publics eux-mêmes qui ont donné le coup de grâce à la notion de vérification, en décrochant de l’information. Ils ont tout simplement fini par s’en détourner complètement, démunis devant le coût de plus en plus élevé de vérification leur incombant en bout de chaîne. Pris en étau entre le déluge d’informations et l’indistinction des contenus, les citoyens ont fait un choix radical : celui de l’évitement..." Et le ludique finit par primer sur le théorique. Comprendre est devenu trop compliqué et fatigant, à l'heure de l'homme pressé . La démocratie en pâtit. C'est le choc des opinions sans modération. "Comprendre est souvent devenu superflu. Les avis ou les prises de parti se donnent à l'état brut. Une certaine "brutalisation" des débats se généralise, les mots devenant des armes, les réponses jaillissant avant la réflexion, comme si vaincre valait plus que convaincre. Le débat sur la labellisation qui agite certains responsables est biaisé. L'heure n'est pas à un contrôle plus ou moins officiel de l'information , mais à un réalignement des organes qui se veulent encore d'information sur leurs fondamentaux et sur la fidélité à la déontologie journalistique, si mal respectée. Personne ne devrait y échapper. Y a du boulot! ________________
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