mardi 16 décembre 2008

Psychiatrie en détresse



" La psychiatrie publique va mal. Délaissée, ballottée au gré des faits divers. En vingt ans, elle a perdu plus de 100 000 lits, sans qu’ils soient, le plus souvent, remplacés par des structures intermédiaires. Pendant ce temps-là, les malades sont pris en charge, parfois avec chaleur, d’autres fois avec des pratiques inhumaines. Souvent, ils attendent des semaines avant d’obtenir une consultation. Et nombre d’entre eux sont renvoyés dans la rue ou en prison."

Les psys appellent à un électrochoc:

"...L’onde de choc est violente. Depuis le 2 décembre et le discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital psychiatrique d’Antony (Hauts-de-Seine), où il a présenté «un plan de sécurisation des hôpitaux», le monde de la santé mentale est sens dessus dessous. Comme sidéré par ces annonces, formulées après l’agression mortelle d’un étudiant grenoblois par un patient de l’hôpital de Saint-Egrève.Le 2 décembre, le chef de l’Etat a parlé de réformes de la loi d’hospitalisation ; demandé la création de 200 chambres d’isolement ; exigé le contrôle des permissions de sortie ; proposé la systématisation des soins sous contrainte. Plus saisissant, il a suggéré l’utilisation de bracelets électroniques pour les malades, à l’instar des délinquants. Un discours perçu comme un terrible retour en arrière. En écho, se multiplient initiatives et prises de positions, parfois contradictoires. Jusqu’à cet «Appel des 39», ce week-end, demandant aux soignants de «sortir de la résignation» (lire page 4).Vendredi soir, dans un local syndical à Paris, ils sont donc 39 à tenter d’apporter une réponse commune. Fait peu habituel, il y a là les représentants de presque tous les syndicats de psychiatres, mais aussi des psychologues, des psychanalystes, des infirmiers. Ils sont réunis à l’initiative d’Hervé Bokobza, psychiatre à Montpellier, à l’origine des Etats généraux de la psychiatrie en 2003. Ce fut, alors, un moment fort, mais qui n’a débouché sur rien. Cinq ans plus tard, la communauté des psys va-t-elle se réveiller ?«En tant que jeunes internes, on se sent coincés. Les chambres d’isolements ? On y a été habitués. L’omniprésence des neuroleptiques aussi. Les psychiatres sont complices. C’est un appel aux plus vieux ! Réveillez-vous, prenez position», a lancé le président des internes en psychiatrie.«La majorité de nos collègues ont été choqués par le discours du Président. Mais comment réagir ? Faut-il aller trop vite, trop loin ?» s’est interrogé Angelo Poli, qui dirige le Syndicat des psychiatres d’exercice public.«Attendez, lâche un confrère, dans mon petit hôpital de province, je me bats déjà tous les jours contre les consignes du préfet, qui veut restreindre toutes les sorties des malades. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir.» Patrick Chemlat, psychiatre reconnu, qui dirige un secteur à Reims : «Des traitements obligatoires, en ambulatoire, c’est-à-dire quand les patients sont chez eux, jamais je ne pensais que je verrais cela.» Une colère, évidente, massive, s’est déversée durant la soirée. Et, au final, un appel. «Il y a plein d’îlots de résistance, il faut les unir», a insisté Hervé Bokobza.Que va-t-il se passer ? Au sein de la psychiatrie française, la situation reste un brin confuse. Entre les tenants d’une réponse forte et ceux qui ne veulent pas se laisser enfermer dans un discours «pour ou contre la sécurité».Reste que la psychiatrie publique va mal. Délaissée, ballottée au gré des faits divers. En vingt ans, elle a perdu plus de 100 000 lits, sans qu’ils soient, le plus souvent, remplacés par des structures intermédiaires. Pendant ce temps-là, les malades sont pris en charge, parfois avec chaleur, d’autres fois avec des pratiques inhumaines. Souvent, ils attendent des semaines avant d’obtenir une consultation. Et nombre d’entre eux sont renvoyés dans la rue ou en prison."

-Psychiatrie: vers un front du refus contre la politique sécuritaire de Sarkozy | Mediapart
" Douze jours après l'infâme discours de Sarkozy à l'hôpital d'Antony devant des professionnels de la psychiatrie publique, la résistance s'organise. Ce discours est sur www.ldh-toulon.net/spip.php?article2996. Peut- on approuver ce discours? L'article du Figaro, titré "Psychiatrie: Sarkozy veut sécuriser les hôpitaux" place l'exigence sécuritaire de Sarkozy comme simplement une "urgence" dans le cadre "des réformes gobales de la psychiatrie"qui devraient s'inspirer d'une commission, dite commission Couty, qui doit rendre prochainement ses avis au Ministre. Certaines interventions de syndicats de psychiatres, de syndicats d'infirmiers, d'associations de familles et d'associations de patients tentent de croire en la possibilité d'un dialogue avec ce pouvoir, avec la ministre de la santé , avec ce Président. Mais l'analyse du discours de Sarkozy, ce que j'ai tenté sur le site "contes de la folie ordinaire" de Mediapart, www.mediapart.fr/club/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/, montre que ce discours est sans ambiguité, qu'il n' y a aucun malentendu possible: Sarkozy est venu dire aux professionnels de la psychiatrie publique que leur coeur de métier était l'enfermement illimité des personnes dangereuses, et que sa "conviction" est que ces personnes dangereuses sont folles. Tel un colonel devant ses troupes rassemblées, il a donné ses consignes. Rien n'annonce la possibilité d'un dialogue dans ce discours.Des réactions virulentes se sont multipliées. Plusieurs articles sur cette édition "contes de la folie ordinaire"ont paru,www.mediapart.fr/club/edition/contes-de-la-folie-ordinaire . Hervé Bokobza a rappelé que "la psychiatrie n'est pas une discipline sécuritaire", il écrit"enfermer les fous, les mettre en prison, les cacher du regard des autres "humains"est un "crime social dont le prix à payer est et sera au prix fort, celui d'un retour à l'ancien régime". Puis un texte collectif fut mis en ligne par Yves Gigou, "la folie est redevenue, à la demande d'un président l'objet de la vindicte populaire".
Héritiers de la psychiatrie désaliéniste et de ce qui fut le courant de la psychothérapie institutionnelle, ils dénoncent "une décision d'une gravité exceptionnelle", car "jamais la stimatisation n'avait atteint ce niveau". Ils appellent "dans les plus brefs délais", à défendre notre société, ses malades", "dans la rue". Paul Machto, dans un article, "après la nuit de Bicêtre, les ténèbres d'Antony"se situe dans la même lignée, insiste sur les effets délétères que va avoir ce discours de Sarkozy dans la population, sur les patients et leurs familles, sur les soignants. "Des excuses faites aux patients devraient être exigées". Il conclut: "un ordre nouveau est en train de se mettre en place".Une lettre ouverte au président a beaucoup circulé, ecrite par Mickael Guyader, où il écrit à Sarkozy: "vous avez donc contribué à la destruction du lien social en désignant des malades à la vindicte(...) J'affirme ici mon ardente obligation à ne pas mettre en oeuvre vos propositions dégradantes d'exclure du paysage social les plus vulnérables".Cette lettre ouverte, comme nombreuses autres réactions ont été recensées sur http://serpsy.org/nouveautés/Nouveautés. Le syndicat SUD, l'association "Croix Marine", les CEMEA, le syndicat de psychiatres privés SNPP s'y expriment avec force. Le SNPP se déclare scandalisé par "tant de déni, de démagogie et d'ignorance" dans ces "propos intolérables du chef de l'Etat". Les communiqués du PCF et de la LCR sont virulents eux aussi.Un dépassement collectif de ces réactions dispersées est proposé par un texte qui a paru dans la rubrique "opinions" du Monde du 12 décembre, "Politique de la peur", lisible sur http://uspsy.org . Il regroupe le président de la Ligue des droits de l'homme, des membres du Syndicat de la magistrature, de l'Union syndicale de la psychiatrie, des associations CEDEP et Serpsy, de SUD santés-sociaux, et aussi des Verts, du PCF et de la LCR. Il met en série la loi de prévention de la délinquance de Sarkozy ministre de l'Intérieur, la récente loi de rétention de sûreté, le fichier Edvige et ce discours de Sarkozy. Et aussi la façon insupportable dont sont traités les sans-papiers, les collégiens, certains journalistes, les SDF. "Un ensemble liberticide" utilisant "un bulldozzer administratif et comptable". Ce sont les prémisses d'une logique totalitaire au sens de Hanna Arendt qui sont dénoncées, "un système dans lequel les hommes sont superflus".Contre cette "idéologie populiste" et cette "dérive sécuritaire": "nous déclarons que nous continuerons d'y résister concrètement et solidairement. Nous appelons tous ceux qui agissent à élaborer un manifeste constituant d'un front du refus." C'est entendu.(Pascal Boissel)

-Psychiatrie : Sarkozy veut "sécuriser"
-Sarkozy veut sécuriser les hôpitaux
-Les professionnels de la psychiatrie appellent à "garder la raison"
-Psychiatrie : le coup de colère des professionnels
-Face à la grande misère de la psychiatrie française
-Enfermés dehors (3/3): qu'avons-nous fait de nos fous?
-Contes de la folie ordinaire
-_La psychiatrie violentée
-La psychiatrie sinistrée
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- Psychiatrie sous influence

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