Fictions ?
Les Etats Unis en 2015 ...
- Obama, le nouveau logo de la marque Amérique:
"...cette élection a été une formidable pulsion spectaculaire, théâtralisée, ayant pour fonction de remplir ce vide angoissant de la chute finale. Car les USA, ivres de leur puissance impotente, ont, à l’instar de Noé, par trop découvert leur réelle nudité stratégique et économique dans de désastreuses guerres et dans une crise économique mondiale dont ils sont l’épicentre.Cette élection jette sur cette réalité un voile chatoyant. Les habits neufs de l’Empire donc..
.L’élection d’Obama couvre d’abord les crises internes. En effet, aux USA, l’inégalité économique est quasi abyssale. De plus, la société américaine reste clivée par l’idée de race : les mariages mixtes y sont rares, un quart des Noirs vivent en dessous du seuil de pauvreté (contre 8% pour les Blancs), la moitié de la population carcérale est noire.La crise des subprimes a touché de plein fouet les classes populaires, surtout non blanches, qui avaient vu dans leur maison leur american dream à eux. Ce sont celles-là même qui ont voté en masse Obama. Et pourtant, des milliards ont été et seront débloqués pour sauver un système avide quand le projet de sécurité sociale n’a jamais abouti.L’élection d’Obama a servi d’extincteur et de catalyseur à une possible colère sociale légitime en la transformant facticement en un creux regain d’espoir. Le coup de génie est d’avoir donné l’illusion d’une résolution du clivage racial horizontal blancs/non blancs par l’élection d’un métis afin de mieux faire oublier le clivage vertical riches/pauvres. Ainsi en racialisant ad nauseum l’élection, on a pu évacuer aisément les questions économiques de partage des richesses. Ou plutôt, en semblant dépasser le clivage racial, on a donné l’illusion d’avoir aussi résolu, dans le même mouvement, le clivage économique.
Sur le plan international, cette élection permet aux USA de reconquérir ce rôle d’Empire bienveillant, rôle sévèrement entamé par Bush fils. En effet, les USA ont construit leur politique internationale sur l’idée que leurs motivations sont pures quand bien même leurs mains seraient sanglantes. De même, ils se sont érigés en Empire du sens, celui par qui le monde prend une direction et une signification. Le problème est qu’ils sont clairement devenus l’empire du non-sens.Obama a pour mission de reconquérir ce leadership moral. Cependant, là encore, il s’agit d’un voile pudique couvrant d’autres réalités. En effet, les USA ont démontré leur incapacité stratégique totale quand leur volonté guerrière s’est heurtée à des réalités incontournables sur le terrain des guerres. Il ne reste plus à l’Empire que de sur-investir l’emprise symbolique sur le sens du monde pour mieux compenser sa perte de contrôle. L’Empire raconte (et se la raconte) à défaut d’être encore...Obama donne l’illusion d’en finir avec l’image de cet erratique empire tanguant sous l’hubris de sa puissance. Son slogan même, "Yes, we can", semble la réponse nette à des doutes internes et internationaux informulés. Au travers de ce slogan incantatoire, on entend surtout "Yes, we still can", nous pouvons toujours...
Enfin, cette élection permet à ceux qui ont soutenu les guerres bushiennes de ne plus avoir trop honte. Cela est particulièrement vrai en France où l’intelligentsia la plus pro-guerre peut tranquillement déclarer que ce Bush qu’elle avait pourtant ardemment soutenu n’est au final que l’accidentel et monstrueux rejeton d’une Amérique re-moralisée qu’elle s’aime d’aimer à nouveau...L’empire ne veut pas mourir. Et le mot d’Obama, "change", rappelle ceux de Lampedusa (le Guépard) : "Il faut que tout change pour que rien ne change et que nous restions les maîtres"... Yes, he can !"
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