mardi 12 mai 2009

Quand la politique perd la tête


Faillite de la régulation politique

De la crise, notamment immobilière,nous commençons à mieux comprendre les ressorts.C'est tout un système qui a failli . Le chaos nous menace dans cette crise systémique qui est loin d'avoir produit tous ses effets.L'économie financiarisée a pris des voies erratiques et la régulation, le contrôle politique ont été pris en défaut et le restent encore jusque dans la manière de traiter le mal

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-Lors de son discours à l’assemblée nationale du 17 Mars 2005, M. Sarkozy déclarait :« Il faut mettre en œuvre rapidement la réforme du crédit hypothécaire. Ce n’est quand même pas excessivement audacieux de proposer que les crédits immobiliers soient tout simplement et uniquement garantis sur la valeur des biens achetés ; ni excessivement anormal de demander aux banques d’accorder sur la même hypothèque un nouveau crédit, lorsque le précédent emprunt a été partiellement remboursé. Il faut inciter les banques à prêter à tous et pas seulement aux plus aisés. »
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-« Les gens qui ont conduit un bus scolaire les yeux bandés (et ont eu un accident) ne devraient jamais se voir confier à nouveau un autobus. Les institutions et les élites du monde économique ( universités, organismes de régulation, banques centrales, responsables gouvernementaux, organisations diverses employant des économistes) ont perdu leur légitimité avec l’échec du système. Il est irresponsable et stupide de placer notre confiance dans la capacité de ces experts pour nous permettre de sortir de ce pétrin. Au contraire, il convient de rechercher des gens intelligents, ayant les mains propres. »(N.N.Taleb)

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Réinstaurer le politique:

Le krach est le moment où les illusions se dégonflent, où les promesses se révèlent intenables, où l’on sort de la bulle, » écrit Paul Thibault, qui longtemps anima la revue Esprit. Il nous livre ici son analyse des mouvements de fond qui ont conduit à la crise : un processus de déterritorialisation généralisé qui a peu peu privé le politique - avec l’aval des élites - de ses moyens d’actions au nom de l’ « efficacité » économique, mais qui n’aurait sans doute pas pris une si grande ampleur si dans le même temps ne s’était installé le règne de l’individu, porteur de la délégitimation des institutions. L’effondrement du système met à nu l’état de délabrement auquel nous sommes parvenus, selon lui : « privé de légitimité par l’individualisme suffisant, privé de pouvoir et même de substance par le marché mondial, le politique, devenu affaire de communication, n’intervient plus que de manière erratique, au coup par coup, pour conjurer les difficultés bien plus que pour y répondre. »
"... Où est donc passée la confiance ? Qu’est-ce qui l’a fait fuir ? On soupçonne que c’est la levée des règles qui entouraient les activités commerciales et bancaires. Ces règles définissaient des rôles, ceux des banques de dépôt, des banques d’affaires, des assurances... En effaçant ces distinctions, nous sommes entrés dans un autre monde, où il n’y a plus de fonctions définies mais des activités, qui sont libres, auxquelles ceux qui s’y livrent donnent seuls forme, inventant des « produits » qu’ils offrent à l’appréciation des clients. L’activité bancaire a remplacé l’institution bancaire. L’encadrement, la caractérisation a priori, s’est effacé, il n’y a plus d’autre repère que l’évaluation a posteriori par les acheteurs.
Cette déréglementation emporte évidemment la déterritorialisation : c’est le politique qui est territorial, non le commerce. Elle entraîne aussi une fermeture sur soi du milieu des affaires. Que le public n’y comprenne rien, c’est une conséquence directe de la dérégulation. Si, pour ceux à qui elles s’imposent, les règles apparaissent comme des limites, pour l’extérieur elles sont un langage, elles sont l’expression du sens que la société et l’Etat attribuent aux actions considérées, elles créent de la clarté pour tous au prix d’une contrainte pour certains. Que la déréglementation mette hors jeu le citoyen ordinaire, que la banque pût devenir une activité ésotérique, c’était sans doute admis et même voulu par ceux qui ont mis en oeuvre le principal slogan de l’époque qui s’achève : libérer l’activité. Mais ce qu’ils n’avaient sans doute pas prévu, c’est ce qui fait désormais le quotidien de l’information : que les professionnels eux-mêmes, à force de pratiquer la dissimulation réciproque et de prendre des « positions risquées », peuvent finir par s’embrouiller dans leurs calculs. Morale de l’histoire : qui ne veut pas expliquer au public ce qu’il fait finit par ne plus le savoir lui-même.
Cet embrouillamini, cette illisibilité, peut être décrit comme une désinstitutionnalisation. Socialement, la lisibilité du monde et, même, la relative prévisibilité de l’avenir reposent sur des institutions, une cascade d’institutions (l’Etat, l’entreprise, la famille...) qui déterminent et distribuent rôles et règles. Dans le monde de la finance dérèglementée, il n’y a plus d’institutions pour nous protéger de l’inconnu, l’inconnu des comportements humains, l’inconnu de l’avenir. Les banques, dont on supposait qu’elles veillaient à la sécurité de nos dépôts en sélectionnant les bonnes demandes de crédit, se livrent surtout, apprend-on, à des spéculations qui ne produisent aucune clarté, mais qui se déroulent dans un brouillard dont les établissements financiers profitent. Spéculer, en effet, c’est espérer que les autres seront moins avertis ou moins malins que vous ; c’est espérer aussi que l’attrait du marché attirera sans cesse de nouveaux participants, et fera monter les cours, que le jeu sera toujours à somme positive. Les anciennes institutions financières ont, en s’adaptant au nouveau contexte, capitulé, choisi de profiter de la confusion créée par les dérégulations, au lieu de la dissiper. Mais elles peuvent arguer qu’elles y ont été contraintes par l’intensification de la concurrence, que ne disposant plus des amortisseurs qu’étaient, dans le cadre national, les tarifications, les dépôts non rémunérés, les complicités plus ou moins explicites, elles ont dû se lancer sur des terrains nouveaux et risqués. Le président de la MATMUT, assurance coopérative qui a perdu des plumes à la Bourse, s’est ainsi justifié : la concurrence empêche d’augmenter les primes alors que la législation, la jurisprudence, l’avidité des assurés accroissent les dépenses d’indemnisation, il faut donc se procurer d’autres ressources. Quel changement ! A partir d’une honnête mutualisation des risques, on est entré dans une sorte de casino où l’on pouvait distribuer plus que les assurés n’avaient apporté, grâce au talent des gestionnaires qui menaient, au détriment d’on ne sait qui, des raids profitables....

Quand, maintenant, les bourses et les banques font appel aux Etats, c’est donc un retournement complet et général qui se dessine. On ne sait pas sur quoi cela débouchera, mais on voit bien ce qui ne marche pas : l’économie laissée à elle-même et plus encore, ayant autorité sur l’organisation sociale, porteuse de vérité (la « vérité du marché », disait-on). Hypostasiée, l’économie a perdu la tête, la vérité dont elle est porteuse est locale et non universelle, relative à un cadre qu’elle ne saurait déterminer. Cet échec n’est pas seulement technique (celui d’un ensemble de professions à se discipliner), il est celui de toute une culture qui a privilégié un secteur d’activité pour qu’il serve de boussole sociale. Est donc particulièrement en question la stratégie des couches dirigeantes françaises qui ont parié depuis les années 1980, depuis Jacques Delors, que l’intériorisation des disciplines économiques imposées d’ailleurs, une modernisation importée, obligerait les peuples à un comportement plus rationnel, et en ce qui concerne les Français, à abandonner leur idée redistributive de la solidarité ainsi que leur égalitarisme trompeur et paralysant.Cette idée d’une vertu instillée par le marché n’a pas réussi, et cet échec pédagogique n’est pas propre à la France, ailleurs il a seulement pris d’autres formes : les Etats-Unis, l’Angleterre ont connu une austérité salariale plus stricte que nous, mais en s’endettant follement, les gagne-petit ont dans ces pays manifesté qu’ils restaient attachés au rêve d’abondance que l’on voulait leur enlever de la tête. Ce sont même ces gagne-petit qui, en s’endettant déraisonnablement, en jouant maladroitement (sans en avoir les moyens) le jeu du capitalisme, ont fait s’écrouler (sur eux) tout l’échafaudage...
En Occident, les ouvriers d’industrie ont été la catégorie la plus touchée alors que les bénéficiaires principaux étaient les multinationales devenues donneurs d’ordre mondiaux. Les gagnants et les perdants étaient les mêmes que ceux de la révolution reaganienne - que la gauche a dû avaliser, faute d’avoir trouvé une autre réponse aux difficultés auxquelles cette révolution a répondu. C’est pourquoi, sans que l’on voie vraiment qu’un seuil était franchi, les délocalisations lointaines ont paru s’inscrire dans la ligne de ce qui avait commencé à domicile. La continuité a été également celle d’une censure frappant toute évocation d’un volontarisme politique en économie, que l’on associait automatiquement à l’archaïsme de gauche, ou même au soviétisme...
Le président de la République a parlé de reconstruire, et même refonder, le capitalisme. Si cela peut être fait, ce sera en équilibrant la puissance, la mégalomanie du capitalisme, par une forte légitimité du politique. Donc, ce qui est d’abord à reconstruire, c’est la politique, dont le défaut est la toile de fond de beaucoup d‘erreurs d’orientation qui nous ont amenés là où nous sommes...."
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-Dimensions de la crise financière
-Pour une autre mondialisation
-Capitalisme dérégulé : le glas ?
-Faillite d'un modèle
-Crise: Que peut, que doit faire l'Etat ?
- Crise: subie ou provoquée ?

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