mardi 8 septembre 2009

Italie berlusconisée?

Une étrange complicité

Comment expliquer la fascination d'une quasi majorité d'Italiens à l'égard de ce personnage sulfureux, sorti d'un film de Fellini,au pouvoir médiatique jamais égalé, à la fortune immense d 'origine douteuse, aux moeurs décadentes, au cynisme absolu?...

-Sa cote de popularité n’a baissé que de 4 points et reste forte: 49% des Italiens ont une opinion favorable du Cavaliere.
Un aveu et une dénégation:

"Une majorité d'Italiens aimeraient au fond d'eux être comme moi, et se reconnaissent en moi et dans la façon dont je me comporte", a déclaré le président du Conseil italien dans un entretien téléphonique accordé à une chaîne de télévision dont il est propriétaire."Ils savent également que Silvio Berlusconi n'est pas un voleur et n'utilise pas ses pouvoirs à des fins personnelles"

___________"Berlusconi a su exacerber des qualités et des attributs des Italiens un peu méconnus. Par exemple, l'esprit de la réussite individuelle, des succès économiques et sociaux, qui ne sont pas forcément bling-bling! J'ajoute que la gauche critique très vivement Berlusconi. Le fait d'avoir focalisé toute l'opposition sur l'anti-berlusconisme a peut-être ralenti ou effacé l'élaboration d'un vrai programme alternatif au gouvernement. Je vous rappelle enfin que les Italiens ont voté par deux fois en faveur de M. Prodi et de l'alliance de centre-gauche. Et ce sont les déchirures de la gauche qui ont donné le pays à Berlusconi sur un plateau d'argent."

____"En Italie,l'opposition n'existe plus, mais il y a un phénomène bien pire: il n'y a plus d'opinion publique. La mainmise de Berlusconi sur la télévision a ravagé la façon de penser des Italiens"(Nanni Moretti)
Marco Revelli: «L'Italie n'a plus rien de démocratique»
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-Berlusconi dans le paysage politique italien:
"...Du côté de Berlusconi, on connaît bien les arguments avancés pour expliquer son succès : modèle de réussite économique, self made man, porteur de la fameuse entrepreneurialité italienne, pas identifié aux aspects les plus traditionnels du système politique, vaste empire médiatique au service de la campagne. Tous ces éléments ont joué à des degrés divers dans son succès. On peut s’interroger en revanche sur le faible impact des deux éléments qui pouvaient considérablement discréditer sa candidature : d’une part, le conflit d’intérêt (première fortune d’Italie, quatorzième homme le plus riche du monde) et d’autre part, les affaires judiciaires en cours dont certaines mettant en évidence ses rapports avec la mafia. l’Italie confirme de ce double point de vue son anomalie si souvent retenue comme une caractéristique de ce pays par ses observateurs. S’il existe parmi les pays démocratiques développés des chefs d’État très proches des milieux économiques (à commencer par les Etats-Unis avec Bush et ses relations avec les grands groupes pétroliers), aucun n’est directement gouverné par un homme aussi riche, présent dans de nombreux secteurs économiques, de la télévision à la presse en passant par l’immobilier, et la production culturelle de masse. On imagine facilement les dangers posés par une situation où, étant donné l’étendue de l’activité économique des groupes contrôlés par Berlusconi, la plupart des décisions du gouvernement concerneront d’une manière ou d’une autres ses intérêts. Si l’incompatibilité des deux positions (le fameux conflit d’intérêt) a été âprement discutée en Italie et à l’étranger (avec des prises de positions de grands journaux européens qui paradoxalement ont peut-être servi Berlusconi), elle n’est jamais apparue comme un obstacle insurmontable à une candidature à la tête de l’Italie.Tout aussi inquiétant, et malgré l’affaire Mani pulite et les nombreuses publications, les procès en cours concernant directement Berlusconi ou ses proches n’ont pas affaibli sa candidature. Même si les procès terminés n’ont jamais pu déboucher sur une condamnation, les dossiers sont éloquents sur les rapports de Berlusconi avec la mafia. Difficile là aussi d’imaginer pareille situation dans un autre pays développé. Au-delà du cas Berlusconi, cela révèle sans doute plus profondément un grand malaise dans la société italienne quant à son rapport avec la justice et la façon de lutter contre la mafia..."

-L'énigme Berlusconi sulfureux mais populaire:
"...Pour L’Express, ­Berlusconi est un bouffon et pour le Times de Londres… un clown. Le Guardian avait même souhaité que l’Italie soit exclue du G8 pour se débarrasser de sa présence embarrassante. Des jugements peu flatteurs qu’on pourrait multiplier à l’infini tant la presse internationale est unanime pour critiquer le président du Conseil italien.Pas de quoi troubler le sommeil du Cavaliere. Car durant les deux derniers mois au cours desquels la presse a révélé les dessous de sa vie sexuelle agitée – de sa relation avec une mineure à la présence répétée de prostituées à son domicile – sa cote de popularité n’a baissé que de 4 points.Ainsi, 49% des Italiens ont encore une opinion favorable de Silvio Berlusconi. Un score que tous les leaders européens lui envient après dix-huit mois de crise financière. Vue comme une énigme à l’étranger, cette extraordinaire résistance repose sur des motifs politiques et socioculturels.Les deux derniers gouvernements de gauche (de 1996 à 2000 et de 2006 à 2008) ont été des fiascos. Engluée dans ses contradictions, la coalition n’a jamais été en mesure de gouverner. Et la gauche n’en finit pas de sombrer. Sans leader, sans idées et divisée, elle ne représente pas une alternance crédible.La droite peut en revanche compter sur une majorité ­confortable, stable et totalement acquise à Berlusconi. Ce dernier a en effet fait table rase de ses concurrents potentiels à droite en 2009 en fondant le Parti de la liberté (PDL). Leader charismatique élu président par acclamation et objet d’un véritable culte de la personnalité, il exerce un pouvoir sans partage sur le PDL. Son alliance avec la Ligue du Nord lui assure en outre l’hégémonie sur le poumon économique du pays.Le gouvernement Berlusconi a également obtenu des succès indiscutables dans la gestion de l’urgence. La crise des ordures de Naples, la gestion du tremblement de terre de L’Aquila, l’organisation réussie du G8, la diminution du nombre d’immigrés clandestins grâce à un accord avec la Libye sont à mettre à son actif. Les Italiens ont, pour la première fois depuis longtemps, la sensation qu’il y a un pilote dans l’avion. Un pilote certes, mais un pilote embarrassant. «Je suis fait comme ça. Les Italiens m’aiment parce qu’ils sentent que je suis bon, généreux, sincère,loyal et que je maintiens mes promesses.» Jamais avare de compliments pour lui-même, le Cavaliere a toutefois bien saisi le lien qui le lie à ses ­concitoyens: il est un «archi-Italien». Self-made-man, il aime l’argent et ne supporte pas les règles dans un pays où être «fourbe» passe souvent pour une qualité. Il mélange avec art pragmatisme et naïveté, sympathie et instinct de tueur politique. «Dans le pays de Michel-Ange et de Dante il cultive la vulgarité», disent ses opposants. Peut-être, mais l’Italie d’aujourd’hui n’est plus celle de la Renaissance. Les «reality shows» et les navets battent tous les records d’audience, les librairies sont désertes et le Milan AC compte davantage que la Scala. Berlusconi est le reflet de cette Italie-là. Loin de s’indigner, une large partie de l’opinion publique, y compris les femmes, manifeste même une admiration pour la «vitalité» sexuelle du président du Conseil.Paradoxalement, la multiplication de détails piquants détourne l’attention des aspects les plus troublants des affaires récentes: la présence du proxénète Tarantini dans le premier cercle berlusconien, les fulgurantes carrières politiques des maîtresses du Cavaliere, un pathologique besoin de s’entourer de très jeunes femmes attirées par les paillettes du pouvoir et du spectacle, la censure imposée aux télévisions privées et publiques.Berlusconi fait sourire, mais il doit être pris au sérieux. En apportant au monde l’Empire romain, le catholicisme, la Renaissance et le fascisme, l’Italie a souvent été, pour le meilleur et pour le pire, le laboratoire de l’Occident.
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-L'Italie m'inquiète aussi

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