mardi 2 mars 2010

Savoir arrêter une guerre


Fatal bourbier afghan

-Un engagement devenu illisible en Europe-

-"...Plus personne ne croit à une victoire militaire de l'Otan en Afghanistan. Trop d'erreurs ont été commises par les forces de la coalition. La population désespère également de la corruption et du népotisme en vigueur dans le pays et largement imputable à l'administration Karzaï. C'est à cause d'un tel contexte que les Talibans ont pu prospérer dans le sud et l'est du pays. A présent, une victoire militaire n'étant plus guère envigeable, il faut composer avec eux. Mais comment? A ce jour, ils se refusent à toute négociation, exigeant au préalable que les forces de l'Otan se retirent du pays, que la Constitution soit abolie, le droit du vote des femmes supprimé. Bref, des conditions qui sont absolument inacceptables pour les Occidentaux.
. Est-ce que ça existe, des talibans modérés ? Et en quoi ils sont «modérés» ?
Non, il n'existe pas de Talibans modérés, en revanche, il existe des Talibans qui ne sont pas de vrais Talibans, au sens idéologique, et qui ont rejoint le mouvement pour des raisons financières. Parce qu'ils ne supportent pas la présence de forces étrangères dans leurs villages, parce qu'ils ont eu des parents tués par les forces de la coalition, ou tout simplement parce qu'ils n'aiment pas Karzaï qui a largement favorisé certains clans pachtounes au détriment d'autres. Ceux-ci peuvent éventuellement changer de camps avec des incitations financières ou si on leur promet des postes importants dans les cercles du pouvoir..." (JP.Perrin)
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Points de vue:
-Il faut savoir arrêter une guerre perdue !, par Tahar Ben Jelloun:
"On aurait bien aimé appeler au téléphone le président Barack Obama juste quelques minutes pour lui dire quelque chose de simple, quelque chose d'évident: oubliez l'Afghanistan ! Vous ne gagnerez jamais cette guerre, pas parce que votre armée n'est pas bonne, pas parce que l'ennemi est plus puissant, pas parce que vous manquez d'alliés, mais simplement parce que ce pays est fait de telle manière qu'aucune armée n'a été capable de vaincre les rebelles sur le terrain.
Les Soviétiques qui y avaient envoyé des centaines de milliers de soldats avaient dû se rendre à l'évidence et se sont retirés en transmettant le problème à l'Occident. Dans ce pays aux paysages magnifiques mais complexes et difficiles d'accès, la barbarie a trouvé son refuge, sa source, sa grotte et nargue le monde avec une brutalité sans pareil. Appelons cette barbarie talibans ou trafiquants d'opium ou aventuriers sans foi ni loi. Des gens, au tempérament qu'aucun Américain ne peut percer, ne peut comprendre, sillonnent le pays et le ravagent...
Le pauvre président Hamid Karzaï, élu dans les conditions que l'on sait, tente de trouver une solution autre que militaire au problème qui ruine son pays. Il a proposé, le 28janvier dernier à la conférence sur l'Afghanistan à Londres, une nouvelle stratégie dite de "réconciliation" avec les talibans "modérés". II espère que ceux-ci déposeront les armes. Il précise: "Ceux d'entre les talibans qui ne sont pas membres d'Al-Qaida ou d'un autre réseau terroriste sont les bienvenus s'ils veulent rentrer dans leur pays, déposer les armes et reprendre une vie normale." Ce qu'il oublie de dire, c'est que la modération n'existe pas dans le vocabulaire taliban.
Si notre coup de téléphone à Obama ne suffit pas ou ne peut se faire, qu'il écoute au moins son général, McChrystal, commandant des forces internationales en Afghanistan qui vient de déclarer au Financial Times: "En tant que soldat, je pense qu'il y a eu assez de combats et je crois qu'une solution politique, comme dans tous les conflits, est inévitable." Comment y arriver? Comment convaincre les insurgés de se mettre à table et de négocier? Ce ne sont certainement pas des étrangers, américains ou européens, qui sauront leur parler...
Comme a dit l'ambassadeur américain à Kaboul (New York Times du 26 janvier): "Envoyer des troupes supplémentaires ne fera que décaler le jour de la passation de pouvoir aux Afghans et rendre difficile, voire impossible, le retour de nos hommes dans un délai raisonnable."
En fait, le problème peut se résumer à un conflit entre deux visions du monde. Et l'expérience irakienne a bien démontré qu'on n'exporte pas la démocratie comme on exporterait une boisson gazeuse. Seuls les Afghans peuvent décider de leur sort, et décider d'instaurer le système démocratique ou d'imaginer un système correspondant à leur histoire. Les valeurs de démocratie sont universelles, mais c'est aussi une culture, une pédagogie, un travail quotidien. Il est urgent de renoncer à la force pour trouver une solution à cette guerre. Seules la politique, la négociation, la ruse de la raison sont capables de sauver et ce pays et les hommes venus d'Amérique et d'Europe pour le pacifier..."

-Obama, comme ses prédécesseurs !
(John R. MacArthur, directeur de Harper's Magazine,éditorial du 7 décembre 2009,Le Devoir de Montréal)
"Maintenant que Barack Obama s'est décidé à intensifier sa folie en Afghanistan, ce serait peut-être le bon moment de réfléchir aux origines d'une stratégie à première vue carrément débile. Je ne parle pas là des objectifs tactiques à court terme poursuivis par les conseillers politiques du président. Pour eux, les archiréalistes, il est évident qu'une augmentation des troupes dans le pays des Pachtounes n'a rien à voir avec la possibilité de gagner quoi que ce soit d'un point de vue antiterroriste ou militaire.___D'une part, tous ceux qui connaissent ce pays, sauf les théocrates doctrinaires de la contre-insurrection, savent que la guerre en Afghanistan est déjà perdue. Entité impossible à quantifier, Al-Qaïda existe un peu partout dans le monde musulman (y compris chez nos chers alliés en Arabie saoudite), donc les bombardements de drones contre la population civile à Kandahar ne mènent à rien, sauf à un recrutement accru de partisans pour les talibans. Se défendre contre Al-Qaïda est un travail de police, de contre-espionnage et de diplomatie (rappelons-nous qu'Oussama Ben Laden a rompu avec la famille royale à Riyad lorsqu'elle a permis à l'armée américaine de lancer l'invasion du Koweït et de l'Irak depuis la terre sainte de La Mecque)..."

-Analyse géopolitique de la stratégie Obama - AgoraVox:
"...Presque tous les analystes militaires et politiques, aussi bien dans le monde qu’aux États-Unis, affirment qu’il faudrait des effectifs de 300 à 500 000 hommes pour parvenir à stabiliser l’Afghanistan, et Obama espère malgré tout parvenir à n’en aligner que 140 000 d’ici 18 mois !
Il a cependant trouvé une argumentation imparable pour soutenir son antépénultième stratégie. À de jeunes officiers de West Point, qui n’apprennent plus ni l’histoire ni la géographie, il a dit, en levant très haut le menton selon son habitude :
“ Si je ne pensais pas que la sécurité des États-Unis et des Américains était en jeu en Afghanistan, j’ordonnerais avec plaisir le retour de chacun de nos soldats dès demain. ”
-Afghanistan : check list - AgoraVox

-Destruction de la société afghane : Y a-t-il un plan B ? - AgoraVox :

"...Quel est le bilan actuel de la guerre ? Au-delà des bavures qui ciblent des enfants et des femmes, les drones armés américains qui visent les taliban dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan ont tué entre 830 et 1210 personnes, dont 32% de civils, depuis 2004, selon un décompte publié jeudi 25 février par la New America Foundation, les Etats-Unis ont procédé à 114 frappes de drones depuis 2004, dont 53 en 2009. 1666 militaires ou civils travaillant pour les forces armées avaient perdu la vie, toutes causes confondues (combats, accidents, etc.) dont 1007 Américains. En 2009, selon les estimations du gouvernement afghan et de la coalition, environ 20.000 combattants taliban avaient été tués. Le tonnage de bombes largué par l’Usaf, est de 12.742 tonnes sur l’Afghanistan. En août 2008 il y avait 70.000 soldats étrangers en Afghanistan.
___En janvier 2009, le think tank International Council on Security and Development a estimé dans un rapport que les taliban étaient actifs dans environ 72% du territoire afghan, conclusions contestées par le commandement de l’Otan. Le site National priorities estime à plus de 255 milliards de dollars le coût de la guerre. Le gouvernement Karzaï est désormais parfois ironiquement nommé « maire de Kaboul » par la population voire par des officiels. Le général Mc Chrystal, qui a pris le commandement du théâtre afghan récemment, avoue, lui aussi en 2009, l’incompétence et la corruption du gouvernement central qui a réussi à rendre les Afghans « nostalgique(s) de la sécurité et de la justice du régime taliban » La corruption se développe dans des proportions alarmantes estimées entre 260 et 465 millions de dollars pour la seule année 2007. Cette corruption touche tous les fonctionnaires de l’Etat jusqu’au président Karzaï lui-même
___Le CF2R, le centre de recherche sur le renseignement français n’hésite pas à comparer la guerre en Afghanistan au Vietnam. La note n°189 du 5 octobre 2009 intitulée CF2R - Afghanistan : des airs de conflit indochinois, se termine par une conclusion explosive : « Mais ce retrait en annonce un deuxième qui sera moins glorieux : le départ de toutes les forces étrangères du pays car les opinions publiques ne pourront tolérer longtemps les pertes occasionnées et le coût que cette guerre représente, sans espoir de voir poindre l’ombre d’une solution. » En effet, les Etats-Unis ont estimé leurs dépenses à 65 milliards de dollars pour la guerre en Afghanistan, montant déclaré par le Congrès pour 2010. Or, avec 32,7 millions d’habitants, on peut estimer le coût à 2446 dollars par afghan, soit près de 2 ans de salaire moyen (60$ US par mois)..."

-La guerre se gagne avec l'opinion publique
-«Il faut composer avec les talibans en Afghanistan, mais comment?»
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-Afghanistan : l'impasse
- Bourbier afghan
- Afghanistan : mourir pour du pétrole ?
- Aventure afghane ?

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