jeudi 23 mai 2013

Psychiatriser la vie?

 Psychiatrie de nouveau en question
_______________________________Une tristesse indéterminée,  une mélancolie après un deuil, une nervosité soudaine sous l'effet d'une contrariété, une morosité tenace suite à un temps qui reste obstinément excécrable...Tous les bleus de l'âme.
Petits maux de la vie, sur lesquels parfois les mots n'existent pas...Aléas psychiques de l'existence, qui ne peut jamais être un long fleuve tranquille...Petits maux d'une civilisation qui supporte de moins en moins bien les frustrations inévitables, obsédée par une image du bonheur (impossible) qui hante notre environnement médiatique et nos désirs profonds.
Faut-il en faire faire l'objet de traitements médicamenteux? Psychiatriser, en plus des désordres psychiques majeurs, les mille et un problèmes existentiels? Et pourquoi pas les problèmes sociaux?...
__DSM, nouveau guide des maladies mentales, veut s'y employer, au grand dam de certains psychiatres à qui il reste encore un peu de bon sens et d'éthique professionnelle. L'existence tend à être médicalisée..dans ses dysfonctionnements normaux. Heureusement, des réactions se manifestent.
 "Aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays dont la France, la tension monte dans les milieux psy, à quelques jours de la présentation officielle de la nouvelle édition du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), prévue au congrès annuel de l'Association de psychiatrie américaine (APA) qui se tient du 18 au 22 mai à San Francisco."
Le débat est vif entre spécialistes. 
_____Patrick Landman crie Stop DSM, la bible de la psychiatrie, déclarant: "La lutte  contre ce détestable et dangereux  DSM V est un long combat, mené dans le monde entier contre l'hégémonie imbécile d'une vision scientiste et d'une conception profondément réactionnaire de l'humanité et de l'esprit humain en général, de la folie et de la psychiatrie  en particulier.
La politique scélérate de Sarkozy qui visait à criminaliser la folie cf (En France, les Innocents vont en prison ), et dont il faut souligner que pour l'heure Hollande n'y a rien changé, s'accomode parfaitement de ce DSM V, manuel de pilotage automatique dicté par une industrie pharmaceutique toute-puissante à une psychiatrie qu'elle espère réduire à un statut subalterne.
Une récente et très remarquable intervention sur France Info du psychiatre et psychanalyste Patrick Landman qui est à la pointe de ce combat en France mérite d'être écoutée attentivement ( ici)..."
_____Silvagni dénonce , " la situation désastreuse des malades mentaux, qu'ils soient hospitalisés, en obligation de soins, ou encore comme c'est de plus en plus le cas après les lois scélérates votées sous Sarkozy: en prison.
Quant à la psychiatrie, qui n'a plus d'internat, dont les infirmiers ne sont plus reconnus comme les vrais professionnels qualifiés qu'ils sont, et dont le budget est misérable: elle est à l'agonie, depuis que les DSM III et IV sont devenus, erreur fatale, la référence en matière de diagnostic et de prescription.
Avec le DSM V dont on annonce la prochaine entrée en vigueur,  désormais il y a le feu.
Voici le texte intégral d'une pétition. C'est un texte long, détaillé, qui ne peut se permettre de simplifier mais qui est accessible aux non-spécialistes au prix d'un effort pourtant nécessaire.
De plus, ce texte révèle une situation sinistrée et peu connue de l'opinion publique: il mérite d'être lu attentivement par toutes celles et ceux qui savent à quel point ce qui se joue dans le domaine de la santé mentale, et ce qui s'ourdit contre les plus vulnérables d'entre nous, est annonciateur des pires dérives en matière de libertés individuelles..."
____La psychiatrie va mal. Elle est soumise à des dérives, à des pressions, perméable à trop d'intérêts.. PV signale que de récents rapports parlementaires font état de son coût  (selon le dernier rapport du Sénat concernant la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, le coût social de la négligence de cette problématique coûterait 107 milliards d’euros par an à la France (une synthèse ici, et le document de 60 pages ).
Cette nouvelle édition, qui a coûté à l'Association américaine de psychiatrie 25 millions de dollars (19 millions d'euros), laisse... beaucoup à désirer sur le plan de la qualité scientifique, accusent les détracteurs du DSM-5. L'une des principales critiques, déjà ancienne, concerne la mainmise de l'industrie pharmaceutique sur les experts participant à l'élaboration du DSM. Ces collusions ont été notamment décortiquées par l'historien américain Christopher Lane, dans son ouvrage Comment la psychiatrie et l'industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions (Flammarion, 2009), et plus récemment par le philosophe québécois Jean-Claude St-Onge, dans Tous fous ? (Ecosociété, 236 p., 19 euros).
Allen Frances, professeur émérite à l'université de Duke (Caroline du Nord), qui avait coordonné le DSM-IV, note plutôt "les conflits d'intérêts intellectuels" des spécialistes des groupes de travail, "qui leur font voir les bénéfices possibles mais ignorer certains risques". Surtout, déplore-t-il, "le processus a été secret, fermé et incapable de s'autocorriger ou d'incorporer des réponses provenant de l'extérieur. Ainsi, les experts ont rejeté l'appel de 57 associations de santé mentale qui proposaient un examen scientifique indépendant".
Ce qui est rassurant, c’est que le DSM commence à être remis en cause aux USA.
____________Le normal et le  pathologique restent des concepts flous et relatifs, qu'il faut sans cesse redéfinir, dans le cadre d'une société donnée, à une époque donnée.
Il reste à repenser une psychiatrie plus libérée des impératifs des laboratoires et d'une vision étroitement positiviste et organiciste , une véritable anthropologie politique de la santé au sens global.
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- DSM : quand la psychiatrie fabrique des individus performants et dociles 
- Deuil, caprices, chagrin : l'invention de nouvelles "maladies"
-Classification très controversée
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-Publié dans Agoravox


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