Un problème mal posé
____________________Les députés ont voté, dans la plus grande confusion, jusqu'à en perdre leur latin.
Il y a sans doute de bonnes raisons, par commodité, à maintenir l'anglais comme langue de publication à un niveau de recherche élevé dans les sciences dures, étant donné la nécessité de fait de lire et de transmettre des données à une échelle internationale.
Comme dit un chercheur,"...L’anglais est, de fait, la lingua franca des sciences et
techniques, comme l’a été le latin par le passé. C’est parce que nos
collègues coréens, japonais, italiens, allemands, espagnols,
hongrois, etc. écrivent leurs articles scientifiques en anglais que
nous, scientifiques français, pouvons les lire : un chercheur dont
le métier serait, par exemple, les mathématiques, ne pourrait se
permettre d’apprendre toutes ces langues. Cet anglais est, certes,
limité - ce n’est ni la langue de Shakespeare ni celle de Nabokov ;
mais, si ces articles, ces monographies et ces thèses étaient écrits en
français, ils ne seraient ni dans la langue de Montaigne ni dans celle
de Proust.
Le langage scientifique se veut précis et univoque, son vocabulaire
est codifié : il s’agit de transmettre des faits, des concepts, des
idées, des démonstrations, sans se préoccuper de style. Il porte sur des
phénomènes indépendants des cultures..."
___Certes, mais hors ce domaine très spécialisé, c'est une aberration de vouloir enseigner en anglais systématiquement, hors des cours spécifiques à cette langue naturellement.
Ce sont des universitaires étrangers eux-mêmes qui nous incitent à ne pas renoncer à notre capital linguistique, surtout parce que: "Les langues ne sont pas interchangeables, on ne dit pas la même chose
dans une langue et dans une autre. Vous avez la chance de disposer en
français d’un formidable capital d’intelligence lié à une tradition
plusieurs fois séculaire : ne le dilapidez pas en renonçant à la langue
qui le constitue. Il est absurde de considérer le français comme un
obstacle à l’attractivité de votre pays : dans la concurrence mondiale,
il représente votre avantage comparatif, votre valeur différentielle..."
****___________________Ce n’est pas l’anglais qui nous menace, belle langue au demeurant,
c’est l’anglomanie généralisée, le globish imposé, dont se moquent nos
amis anglophones.
Même les Québecois déplorent un de nos travers qui s’aggrave et s’élargit : la fatigue linguistique de la France.
Allons-nous un jour devenir étranger à notre propre langue ?
"Quand la France s’anglicise
avec enthousiasme et désinvolture, bien au-delà de ce qu’exigent
ses intérêts, quand elle donne l’exemple du zèle dans la soumission
au nouvel empire, elle trahit ceux et celles qui depuis Léopold
Senghor ont cru à une universalité de la culture française qui
survivrait au déclin du pouvoir politique de la France. Le prestige
de la culture grecque n’avait-il pas survécu à l’affaiblissement de
la Grèce ? «
____________Un article du New-York Times soulignait "ce phénomène d’anglomanie qui semble se généraliser dans toute la France et
dont les illustrations ne laissent pas d’étonner. La langue de tous
les jours en est affectée ; dans les commerces, les médias, les
publicités, en politique, on emprunte directement à l’anglais pour
faire moderne, tendance, à la page, pour se distinguer de la « plèbe »
restée franchouillarde, pour marquer son appartenance à un monde
unifié, globalisé, interconnecté, électrostatique, sans frontières. Les
emprunts à l’anglais sont de plus en plus délibérés, choisis à la
manière d’une signature, d’un logo, d’une image de marketique qu’on
lance à la volée pour épater le Gaulois ; plus l’emprunt est
fracassant, grossier, tonitruant, meilleure est la réclame.
Ainsi à la télévision française organise-t-on des « Talk », comme si
la langue française était sans ressource pour nommer une émission de
variété. Même le monde de la littérature se place sous le patronage de
l’anglo-américain. Ainsi,
s’inspirant du Courrier International, pourtant fondé comme une
entreprise d’ouverture à la diversité linguistique, un magazine de
recensions de livres a pris le nom de Books , façon désinvolte d’annexer une publication française au modèle anglo-saxon de revue littéraire (comme le New York Review of Books).
Sur la scène parisienne, se faire jouer les trésors de la littérature
française en anglais semble être du plus grand chic : ainsi le
renommé théâtre du Châtelet a-t-il mis à l’affiche du 28 mai au 4
juillet 2010 une production anglaise de la comédie musicale Les Misérables
d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg originalement conçue en
français d’après le célèbre roman de Victor Hugo. (Quand verra-t-on
sur les scènes londoniennes une comédie musicale Hamlet ou King Lear en français ?)
Dans
les grandes entreprises françaises, l’anglais a supplanté le français
dans les rouages névralgiques ; mêmes les entreprises à vocation
strictement nationale voient arriver à leur tête des armées de jeunes
managers formés à l’anglo-saxonne, pressés d’appliquer les recettes
apprises en anglais à la lecture de manuels américains. Les
universitaires français se convertissent aussi frénétiquement à
l’anglais. Le prestige des publications dans les grandes revues et
maisons d’éditions françaises a faibli ; les embauches dans les
universités, les promotions, les honneurs se jouent de plus en plus sur
la capacité à publier en anglais dans les forums mondialement cotés, à
s’insérer dans les réseaux de recherche « européens » où tout se
décline en anglais. Les grandes écoles et les universités françaises,
au nom d’une autonomie fraîchement accrue, multiplient les programmes
et les formations bilingues ou donnés strictement en anglais, dans
l’espoir de toucher une part du marché lucratif des étudiants étrangers
qui rêvent de vivre « a french experience » sans dépaysement
linguistique. Il n’est pas rare que des professeurs français se vantent
de donner leur cours en anglais, sans protestation des bacheliers
français, au grand dam des étudiants…. étrangers que la France séduit
encore par la langue et la culturex.
Même le vocabulaire de la politique française se ressent de cette
anglomanie. Le secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a
proposé en avril 2010 de renouveler les politiques sociales françaises
en s’inspirant du « care » britannique v. La diplomatie française s’est mise aussi à l’english, en publiant, sous l’impulsion de Bernard Kouchner, ses cahiers (Mondes) en version bilingue. On applaudit même en France à « l’impérialisme cool de l’anglais »,
ainsi que l’a fait le thuriféraire de la culture américaine Frédéric
Martel, dans un texte publié dans Le Point du 28 juillet 2010, « Français, pour exister, parlez English »,
où il clame sans ambages sa conviction que le français est incapable
d’être autre chose qu’une langue de Gaulois rétifs à la modernité,
sans dimension internationale ni même européenne.
Si le français fut l’une des langues fondatrices de la construction européenne, il se recroqueville aujourd’hui dans l’arrière-cour de l’Union européenne, détrôné par un « euroglish » triomphant. ..."
__Même Alain Touraine se croit obligé d’utiliser l’anglais pour faire une communication à Montréal , dans le cadre d’une réunion sur la francophonie !
Nos politiques pourraient montrer l'exemple, ainsi que Bruxelles, qui en rajoute....
Stop à l'anglomania!
****________________________La fuite en avant vers le tout-anglais correspond à des rapports de forces politiques clairement explicités:
A l'heure ou le libre-échange euro-américain va se mettre en place, il faut se remettre en mémoire quelques affirmations non dépourvues d'ambiguïtés:
-"L'Anglais est la langue du vainqueur", disait le général Jean Béca
-« L’anglais est l’avenir de la francophonie », osait B.Kouchner
-Dans son rapport de 1987/88, le directeur du British Council écrit « Le
véritable or noir de la Grande-Bretagne n’est pas le pétrole de la Mer
du Nord mais la langue anglaise . Le défi que nous affrontons est de
l’exploiter à fond. »
-« Il
y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à
ce que, si le Monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais
et que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de
communication, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines
et que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la
radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si
s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles
les américains se reconnaissent...Les
Américains ne doivent pas nier le fait que, de toutes les nations dans
l’histoire du monde, c’est la leur qui est la plus juste, la plus
tolérante, la plus désireuse de se remettre en question et de
s’améliorer en permanence, et le meilleur modèle pour l’avenir ...affirmait David Rothkopf dans Praise of Cultural Imperialism, 1997)
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- Universités en anglais : les déboires européens
- Avenir de la Langue Française
- Les mythes du tout-anglais
- L’enseignement supérieur en anglais véhiculaire : la qualité en question
- Le déshonneur linguistique
_ Ma langue
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