Quelle impuissance?
________________ Jamais, depuis longtemps, le sentiment d'impuissance politique n'a été ou paru aussi grand.
Certes, nous ne sommes pas dénués de toute liberté. Celle de consommer n'a même jamais été autant exaltée. Mais pour qui et aux dépens de quoi?
La crise et ses conséquences enferment les gouvernements sur des voies qui trahissent leur soumission aux intérêts de puissances financières et industrielles qui imposent finalement leur logique et leurs conséquences sociales. Le débat démocratique se réduit comme peau de chagrin et le conformisme se fait pesant. Pire, le fatalisme devient un fardeau finalemant assumé.
Mais l'impuissance politique revendiquée souvent par des dirigeants ne serait-elle pas le plus souvent qu'une stratégie politique? On a les impuissances qu'on se choisit...
"..Si l’impuissance n’a fait que gonfler depuis trente ans c’est bien
dans le domaine des choix économiques. C’est devenu une rengaine :
sauver les banques, d’accord, par contre sauver Florange ou faire une
révolution fiscale, là, impossible. L’invocation de l’impuissance –au
nom de la mondialisation, des directives européennes, ou de la confiance
des entreprises, bref de contraintes forcément insurmontables– a
tellement servi de prétexte à une absence de volonté politique et de
projet économique qu’elle a noyé le vrai poisson : quelle économie
veut-on ?
La tragédie démocratique se joue tout de même ici : les politiques
arguent de la contrainte économique dans le temps même où les
économistes minimalement sérieux et progressistes désespèrent depuis
toujours de toute solution proprement économique –non seulement parce
qu’il n’y a aucun consensus possible mais parce que si l’économie se
veut une science, elle n’a aucune norme à édicter sur le réel commun,
c’est aux politiques de décider ce qu’ils veulent. Autrement dit, les
politiques se légitiment d’une impuissance économique que les
économistes ne peuvent assumer qu’en tant qu’impuissance politique.
Cercle vicieux de l’expertise : demander des raisons d’agir à ceux qui
s’en sont dépourvus a priori.
Cela ne signifie évidemment pas que la contrainte économique n’existe
pas –la science économique est précisément la science de cette
contrainte– mais que l’enjeu politique repose uniquement –et
essentiellement– sur le choix des sujets, lesquels sont les premiers à
affronter cette contrainte. Ne prenons qu’un exemple : quand les
mouvements altermondialistes réclament une lutte efficace contre les
paradis fiscaux, on leur répond que c’est très difficile, que ce sera
très long, qu’il faut tenir compte de la concurrence internationale,
mais quand Cameron a besoin de recettes fiscales supplémentaires, il lui
faut quelques jours pour imposer aux îles Caïmans (et autres paradis
sous souveraineté britannique) de transmettre toutes les informations
sur les comptes détenus par les citoyens de huit pays de l’Union
européenne..."
L'impuissance politique n'est jamais que relative et l'absence déclarée de choix est déjà un choix.
Ce qu'on appelle LA crise est largement la résultante d'une désertion de choix politiques majeurs, qui ont laissé, avec beaucoup d'inertie ou de complicité, se déchaîner des forces financières qui ont fini par prendre le pouvoir réel.
Un sursaut rooseveltien est-il encore même possible?
"Reconnaître l’extrême gravité de la crise que nous vivons sans
désigner le visage de l’adversaire revient à se condamner à
l’impuissance et à tromper ceux qui veulent agir pour le salut commun." disait Roosevelt. Il faut relire son discours d'investiture...
On attend des mesures radicales semblables à celles de l'ancien Président des USA (car notre situation, malgré les différences,
n'est pas sans analogies avec celle de son époque), qui renverseraient
un cercle vicieux qui se renforce avec le temps, rendant les
interventions, européennes notamment, de plus en plus chaotiques et sans
effet. La chimiothérapie liberale est sans issue.
Il est temps de changer la donne (new deal), pour éviter les réactions de rage désespérée, dont on sait qu'elles peuvent être lourdes de conséquences néfastes, chaotiques.
Un état des lieux est nécessaire
"... M. Bernard Arnault s’est... un jour réjoui de la perte d’influence des gouvernements démocratiques : « Les
entreprises, surtout internationales, ont des moyens de plus en plus
vastes, et elles ont acquis, en Europe, la capacité de jouer la
concurrence entre les Etats. (…) L’impact réel des hommes politiques sur la vie économique d’un pays est de plus en plus limité. Heureusement . »
En revanche, la pression subie par les Etats s’accroît. Et s’exerce à
la fois par le biais des pays créanciers, de la BCE, du FMI, de la
patrouille des agences de notation, des marchés financiers.
M. Jean-Pierre Jouyet, actuel président de la Banque publique
d’investissement (BPI), a admis il y a deux ans que ces derniers
avaient, en Italie, « fait pression sur
le jeu démocratique. C’est le troisième gouvernement qui saute à leur
initiative pour cause de dette excessive. (…) L’envolée des taux d’intérêt de la dette italienne a été le bulletin de vote des marchés. (…) A terme, les citoyens se révolteront contre cette dictature de fait ».
La « dictature de fait »
peut néanmoins compter sur les grands médias pour confectionner les
sujets de diversion qui retardent puis dévoient les révoltes
collectives, qui personnalisent, c’est-à-dire dépolitisent, les
scandales les plus criants. Eclairer les vrais ressorts de ce qui se
trame, les mécanismes grâce auxquels richesses et pouvoirs ont été
captés par une minorité contrôlant à la fois les marchés et les Etats,
réclamerait un travail continu d’éducation populaire. Il rappellerait
que tout gouvernement cesse d’être légitime quand il laisse se creuser
les inégalités sociales, entérine l’affaissement de la démocratie
politique, accepte la mise sous tutelle de la souveraineté nationale..."
________Ce que Mona Cholet avait appelé La tyrannie de la réalité mériterait un nouvel approfondissement.
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