A l'Est: rien de nouveau?
Rien n'est joué à Kiev. Le temps semble suspendu, dans l'attente des élections du 25 mai, tandis que les initiatives continuent d'un côté comme de l'autre. J.Kerry défend l'idée d'un retrait de l'influence poutinienne sur le pays, tandis que la Russie souhaite un acheminement de l'Ukraine vers un fédéralisme, tout en prônant l'apaisement: « Nous partageons la nécessité de trouver des points d'accord pour arriver à un règlement diplomatique de cette crise »
Mais les braises couvent encore, même si le gouvernement provisoire fait enfin un peu le ménage.
Pourtant, le parti neo-fasciste SVOBODA qui fit environ 10% de voix aux dernières élections y dispose de 6 ministres sur 19.
La réalité est plus complexe que ce qu'en disent nos medias de référence.
Confronter les points de vue sortant de la langue de bois mal informée est toujours utile. Sortir de la morale un peu courte et d'une histoire mal revisitée permet de prendre en compte des éléments de géopolitique qui nous échappent souvent.
Voici des avis qui ne coïncident pas toujours, mais qui révèlent quelques lignes de convergence.
Par exemple:
1) Celui de J.Attali, qui par ailleurs dit parfois des bêtises, a produit là-dessus un article intéressant et presque à contre courant de la bien-pensance:
"...Qu’on ne s’y trompe pas. On n’a jamais lu sous ma plume une
approbation du régime actuel de la Russie. Ni de sa stratégie
internationale. Et je ne parle ici que de l’intérêt de l’Occident, et
plus précisément de l’Europe. Et, pour moi, l’intérêt de l’Europe n’est
pas de se lancer dans un affrontement avec la Russie. Mais au contraire
de tout faire pour intégrer notre grand voisin de l’Est à l’espace de
droit européen.
Les historiens de l’avenir auront à mon sens beaucoup de mal à comprendre pourquoi nous nous sommes lancés dans une
escalade aux conséquences potentiellement terrifiantes avec la Russie,
pour s’opposer au vote majoritaire d’une province russophone, russe
pendant des siècles, et rattachée en 1954 à une autre province de
l’Union soviétique par le caprice du secrétaire général du parti
communiste d’alors, Nicolaï Krutchev. Un rattachement jamais
pleinement reconnu par la majorité des habitants de la Crimée, qui ont
toujours voulu conserver leur autonomie à l’égard du gouvernement de
Kiev, comme l’affirmait encore la première constitution ukrainienne de
1992.
Aujourd’hui, la Crimée, et la Russie ont choisi de profiter du chaos
issu de l’arrivée à Kiev d’un gouvernement fortement antirusse pour se
retrouver. En quoi cela nous gêne-t-il ? Pourquoi refuserait-on aux habitants de la Crimée de vouloir choisir leur destin, contre l’avis du pays dont ils sont membres,
alors qu’on s’apprête à autoriser les Ecossais à voter sur le sujet, et
que les Catalans ont bien l’intention d’en faire autant ?
Protestera-t-on contre « l’amputation du territoire de la
Grande-Bretagne » si les Ecossais choisissent l’indépendance ? Et que
fera-t-on si la Moldavie, la Biélorussie, ou la partie russophone du
Kazakhstan réclament leur rattachement à la Russie? Nous nous en
mêlerons ? De quels droits ? Au nom de la stabilité de
l’idée de nation ? Mais l’a-t-on imposé à la Tchécoslovaquie ? A la
Yougoslavie ? Au Kurdistan irakien ? A Gaza ? S’y opposerait-on si le
Québec décidait de son indépendance ? Et que ferait-on si la Wallonie
demandait son rattachement à la France ?..."
2) Celui de Jean-François Kahn: " ....La sphère médiatique, au sens le plus large, fait preuve, à propos des événements d’Ukraine, de Crimée et de Russie, d’un
tel binarisme, d’un tel simplisme, d’un tel infantilisme, que l’on
assiste à une autre aberration : le retournement pro-Poutine d’une bonne
partie de l’opinion. Cela fait des années que l’on perçoit cette déplorable évolution : une
approche de plus en plus bichromique, bicolore et, incidemment,
néoconservatrice, des grandes questions internationales, un partage du
monde entre des gentils qui ne peuvent se conduire que de façon
séraphique et des méchants qui ne constituent qu’un ramassis de
Belzébuth : un manichéisme de plus en plus puéril qui n’est pas
étranger à la redoutable désaffection du public envers ce qui devrait
constituer le coeur et l’âme de la démocratie : les médias... si comparer Poutine à Hitler (certains ont osé) est d’une
confondante idiotie, l’homme s’apparente plus, en effet, à un nouveau
tsar qu’à un démocrate moderne. On peut à cet égard se demander,
d’ailleurs, pourquoi Eltsine, lui qui était bien pire, bénéficia d’une telle indulgence
: parce qu’une Russie en voie de quart-mondialisation plaisait ? Or, si
un envoyé spécial à Berlin, du temps du nazisme, avait systématiquement
décrit, pour complaire, une Allemagne dévaluée, dévalorisée, minable,
aux abois, il aurait, fût-ce inconsciemment, péché à la fois contre
l’objectivité journalistique et contre la cause du camp démocratique.
A-t-on le droit de poser cette question : un pays où la plupart des éditoriaux, parlés ou écrits, paraissent avoir été rédigés par Bernard-Henri Lévy (membre du Conseil de surveillance du Monde) constitue-t-il un exemple de pluralisme ?
Oui, la brutalité avec laquelle a été bousculée, en Crimée, la
légalité internationale est inadmissible. Mais pourquoi, lorsque les
nouvelles autorités de Kiev ont décidé, dans un premier temps, d’abolir
le statut de la langue russe dans les territoires russophones, nos
médias n’ont-ils pas mis en garde contre cette décision provocatrice et
aventureuse ? Pourquoi le non-respect de l’accord signé par les
ministres européens, dont Fabius, à Kiev n’a-t-il suscité dans les
médias aucun regret ? Pourquoi aucune prise de distance à l’égard de certains propos extrémistes
(c’est une litote) tenus par les leaders radicaux de la révolution de
Maïdan, alors que ces outrances faisaient évidemment le jeu de la
Russie, qui les a instrumentalisés ?...
Il y a deux principes aussi défendables l’un que l’autre. Le premier,
c’est le respect de l’intégrité territoriale des nations. En fonction
de quoi, une sécession de la Crimée, même votant son rattachement à la
Russie, est incontestablement condamnable. L’autre principe est le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes. En fonction de quoi l’OTAN est
intervenue militairement pour aider le Kosovo à s’émanciper de la
Serbie, ce que souhaitait la majorité de sa population. Les deux
principes étant souvent contradictoires, il convient, en droit
international, de privilégier une fois pour toutes l’un ou l’autre. Soit
l’intégrité territoriale, soit le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes.
Ce qui, en revanche, n’est pas soutenable, c’est de se
réclamer de l’un de ces principes les jours pairs et de l’autre les
jours impairs..."
3) Celui de Hubert Védrine, qui avance cinq propositions pour sortir de la crise ukrainienne.
4) Celui de Jacques Sapir, qui souligne la responsabilité des pays européens dans cette affaire.
5) Celui de Hélène Carrère d’Encausse, spécialiste de l'histoire de la Russie, remet quelques vérités sur le tapis.
6) Celui, un peu plus tranché, de JL Mélenchon.
_______Si on tient compte des interventions officielles et secrètes des USA en Ukraine, malgré la désescalade diplomatique provisoire, on aura une idée un peu plus complexe et nuancée que la soupe qui est servie journellement sur nos medias favoris.
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-Point de vue
- La presse dit-elle la vérité au sujet de l’Ukraine ?
- Union Européenne et Russie : les inquiétants malentendus de deux visions diplomatiques
- Aux racines économiques du conflit ukrainien
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