lundi 5 octobre 2015

Verrou médiatique

Vers-où allons-nous?
                                   L'enfermement médiatique.
       On connaissait les verrous de Bercy, ceux qui bloquent certains dossiers embarrassants ou compromettant pour le pouvoir ou ses amis, mais qui lèsent les recettes publiques.
       On parle moins de verrous plus complexes, plus multiformes, qui retiennent, brident, limitent, déforment ou censurent l'information ou la noie dans l'inessentiel, le détail, le superficiel, l'éphémère, l'anecdotique, le spectaculaire. en délaissant les analyses de fond, la véritable investigation.
    Certes plus rien à voir avec la vieille censure de temps de guerre, fondée sur le silence ou la désinformation.
   La spécificité de la plupart des censures dans les medias d'aujourd'hui, c'est qu'elle est masquée ou à peine perceptible, sauf pour des esprits avertis ou un brin inquisiteurs. Ils se répètent quasiment l'un l'autre, le plus souvent à partir des données des mêmes agences de presse. 
Qu'avons-nous su de la vraie nature des interventions irakiennes ou de l'affaire lybienne?..
   .Faire sauter le verrou médiatique est une tâche qui reste à accomplir, pour donner à la presse d'opinion, la respiration et la liberté qui lui manquent. La libérer du poids de l'argent, de la vitesse, de l'insouciance citoyenne, du divertissement, de la polémique inutile, de l'incompétence parfois. Lui donner les moyens de se déconcentrer, de se diversifier dans une indépendance maximale, de faire sa mutation en matière d'analyse et d'investigation, de retrouver le courage d'informer, au sens fort, à la recherche des causes, malgré les risques. Comme de rares organes de presse tentent de le faire encore.
 [Par exemple, en Espagne aujourd'hui, une réaction s'esquisse pour remonter une pente dangereuse: « Le paysage médiatique connaît une situation à la Berlusconi. Tous les gouvernements, que ce soit à Madrid ou dans les communautés autonomes, exercent un pouvoir très fort sur “leurs” médias locaux », s’inquiète Miguel Mora, un ancien correspondant d’El País à Paris, qui a lancé, début 2015, Contexto, site gratuit d’opinions et d’enquêtes, doté d’un budget très serré (un plus de 100 000 euros, aucun des journalistes fondateurs n’est rémunéré). « Au fil de la crise, il y a eu un glissement : les journaux papier sont passés de contre-pouvoirs à des appendices du pouvoir. »]
     Mais il ne suffit pas de le dire, d'en faire le voeu.
  Développer une presse indépendante,  faire aussi loin que possible la vérité sur les faits, voilà une      tâche difficile mais nécessaire. Comme le concevait Albert Londres, comme le souhaitait au début H.Beure-Méry. Un fait est un jugement, disait J. Fauvet.  Faire l'opinion est une démarche ambigüe.
    Un citoyen informé est un homme plus libre, plus disponible pour une démocratie moins minées par les ambitions, les corruptions, les détournements de sens en tous genres.
        Les censures médiatiques épousent de multiples formes que nous ne soupçonnons pas toujours. Parfois trop tardivement. 
  C'est une censure souvent soft, indirecte, s'appuyant sur l'argument d'autorité,celle qui vient du pouvoir de l'argent et des réseaux qu'il cautionne et entretient. Qui contrôle la presse contrôle l'information, par formatage, pression idéologique insidieuse plus que par l'intimidation et la force.     Le récent cas Bolloré n'en n'est qu'un exemple récent. La CSA devrait se poser des questions....
Les chiens de garde sont au coeur d'une presse d'opinion réduite à quelques titres.
      Le mouvant maquis médiatique français demande à être un peu exploré pour apprécier les jeux de pouvoirs qui se jouent. C'est toute la presse qui est malade.
                        ____________ Le grand nombre de titres de presse écrite, de chaînes de télévision, d’éditeurs de livres masque l’ampleur de la concentration dans les médias et ses effets dévastateurs.
                La concentration au sein de chaque média (concentration dans la télévision, la
presse…) n’est qu’un aspect de la concentration car les groupes les plus puissants sont multimedia. Ils ont des positions fortes à la fois dans la télévision, la presse, l’édition, … et sont intégrés à des groupes industriels (Lagardère, Bouygues,Dassault, …). La concentration est aussi amplifiée par les alliances entre les groupes de médias : des convergences d’intérêts naissent à travers des entreprises dont le capital est détenu conjointement par les groupes alliés (alliance Vivendi-Lagardère, alliance TF1-M6, …)    L’ampleur de cette concentration met en cause l’indépendance des hommes politiques vis-à-vis des médias, le pluralisme et la qualité de l’information et rend donc nécessaire, et urgente, l’adoption d’une loi limitant réellement la concentration dans les médias.
1. La télévision, un média très concentré.
          TF1 en position dominante.  L’entreprise TF1 a réalisé en 2002 un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros et capté plus de la moitié des recettes de la publicité à la télévision (54% en 2002 selon Secodip). La chaîne TF1 qui réalise près du tiers de l’audience totale de l’ensemble des chaînes de télévision en France (32,7% fin 2002 selon Médiamétrie) ne représente que 58% du chiffre d’affaires de TF1. Les chaînes de télé qui appartiennent à TF1 L’entreprise TF1 n’est pas seulement la chaîne gratuite TF1, c’est aussi le premier actionnaire du bouquet numérique TPS qui diffuse plus de 200 chaînes avec un million d’abonnés.    L’entreprise TF1 possède également les chaînes de télévision LCI, Odyssée, Eurosport, TPS Star, Cinétoile, Cinéstar, Télétoon, Infosport, sans compter des participations dans Série Club, TF6, TV Breizh, etc., …TF1, ce n’est pas seulement la télévision. TF1, c’est aussi le cinéma, à travers des participations dans des sociétés de production de films (49% de Téléma, 50% de Film Par Film et bien sur TF1 Film Production) et la distribution de films (à travers TFM, filiale commune de TF1 et de Miramax du groupe Disney). TF1, c’est également l’édition et la distribution de cassettes vidéo, de DVD, de CD musicaux. TF1 est le premier éditeur vidéo français (à travers TF1 Vidéo) (Les Echos, 14.05.2003). Sans oublier les produits dérivés, jeux de société, presse magazine (Tfou Mag, Star Academy)… et les investissements dans la presse écrite quotidienne gratuite. La participation de TF1 dans Métro-France (34%), les projets de gratuits spécialisés dans le sport, dans la télévision, en cours de réalisation marquent le choix stratégique de TF1 de s’implanter dans la presse écrite quotidienne.
    TF1 au sein du groupe Bouygues. Le groupe Bouygues contrôle TF1 avec 41,3% du capital. Si, au sein de Bouygues, TF1 ne représente que 12% du chiffre d’affaires du groupe, en revanche l’activité
média peut être utilisée pour favoriser les autres activités du groupe (construction,téléphone). Comme l’affirmait Francis Bouygues au moment de la privatisation deTF1 : « il y a des intérêts secondaires découlant de la possession d’un tel outil »(cité par P. Péan, C. Nick dans TF1, Un Pouvoir). Les groupes Pinault et Arnault, actionnaires de Bouygues. Qui possède le groupe Bouygues ? Si la famille Bouygues est le premier actionnaire du groupe, le groupe Pinault (FNAC, Printemps, Le Point, RadioBFM…) détient 8% du capital et le groupe Arnault (La Tribune, Investir, LVMH…)
près de 5%. Ainsi deux groupes, eux-mêmes impliqués dans les médias, détiennent une part significative du groupe qui détient TF1.
   TF1 et son allié M6.Le réseau Bouygues-TF1 ne s’arrête pas là, il s’étend à travers les alliances de TF1. La plus connue de ses alliances est la participation de TF1 au capital de lachaîne de télévision TV Breizh aux cotés de Berlusconi et de Murdoch. Mais l’alliance la plus importante en termes de chiffre d’affaires concerne les relations de TF1 avec M6. M6 est contrôlée par la multinationale allemande Bertelsmann qui, à travers le groupe RTL, est le premier actionnaire du groupe M6 (et contrôle M6 depuis le retrait de Suez). TF1 et M6 possèdent en commun deux chaînes de télévision SérieClub (50%-50%) et TF6 (50%-50%) et surtout le bouquet TPS (dont M6 détient
34% et TF1 66%). Les deux chaînes privées accessibles sans abonnement au plan national, TF1 et
M6, sont ainsi reliées par des intérêts communs importants. TPS à lui seul représente 11% du chiffre d’affaires de TF1 et plus encore de celui de M6. Les groupes TF1 et M6 sont certes concurrents dans la recherche d’audience, clé des recettes publicitaires, mais sont aussi alliés. Or l’ensemble TF1 et M6 représentait 46% de l’audience totale de la télévision en 2002 (TF1 32,7%, M6 13,2% selon
Médiamétrie). La domination est encore plus forte dans le domaine des recettes publicitaires 76,8%du marché de la publicité à la télévision leur revient (en 2002 : 53,9% pour TF1 et 22,9% pour M6 selon Secodip).
   Dans la télévision payante, l’alliance Vivendi-Lagardère Le groupe Canal Plus, propriété de Vivendi Vivendi a vendu une partie très importante de ses activités médias (édition,presse), et rien n’assure qu’elle restera, à terme, présente dans la télévision. Néanmoins, aujourd’hui, la télévision payante est dominée par Vivendi qui contrôle 100% du groupe Canal Plus. Le groupe Canal Plus contrôle la chaîne à péage Canal Plus et ses 4,8 millions d’abonnés, une vingtaine de chaînes thématiques (MultiThématiques dont Canal Plus détient 63,9% du capital), StudioCanal qui tient une place importante dans la production et la distribution de films et deprogrammes de télévision (ce qui est d’ailleurs une obligation légale de Canal Plus). C’est aussi la plate-forme CanalSatellite avec 2 millions d’abonnés qui diffuse quelque 230 chaînes de télévision et de services interactifs. Si l’on inclut NCNuméricable, c’est 8 millions d’abonnés que compte le groupe Canal Plus fin 2003. Le chiffre d’affaires de la télévision à péage du groupe Canal Plus a été de 2,7 milliards d’euros en 2002 (1,5 milliard pour la chaîne Canal Plus). Toutefois, l’audience de Canal Plus n’étant que de 3,5% de l’audience totale de la télévision, le pouvoir que donne la détention de Canal Plus est beaucoup plus faible que celui du groupe Bouygues qui contrôle TF1 dont l’audience est dix fois plus forte.
  L’alliance Vivendi-Lagardère dans la télévision Dans la télévision Vivendi est allié avec le groupe Lagardère. Vivendi et Lagardère possèdent en commun CanalSatellite (34% Lagardère et 66% Canal Plus) et MultiThématiques (27,4% Lagardère et 72,6% Canal Plus). Le contrôle conjoint de CanalSatellite crée des intérêts communs importants entre Vivendi et Lagardère, d’une part parce qu’il y a plus de 2 millions d’abonnés à CanalSatellite et un chiffre d’affaires en 2002 de 782 millions d’euros (bien plus que TPS), et d’autre part parce qu’en contrôlant l’entrée dans ce bouquet satellite, les deux alliés détiennent le pouvoir de fixer la rémunération de chacune des chaînes diffusées et les conditions d’accès à ces chaînes par les téléspectateurs. Le contrôle conjoint par Vivendi et Lagardère du capital de MultiThématiques, qui regroupe des chaînes de télévision autour de huit marques (Planète, Planète Future, Planète Thalassa, Canal Jimmy, Season, CinéCinéma, AlloCinéInfo et EuroChannel) est une autresource d’intérêts communs entre Vivendi et Lagardère.
__Les chaînes de télévision contrôlées par Lagardère.  Lagardère contrôle en propre cinq chaînes de télévision : deux chaînes musicales (MCM et Mezzo), deux chaînes jeunesse (Canal J et Tiji), Match TV et la chaîne météo. Le groupe Lagardère produit et distribue aussi des programmes pour la télévision (premier producteur de fiction prime time en France en 2002). Quelles relations entre le pôle TF1-M6 et le pôle Vivendi-Lagardère ? La télévision privée comporte donc deux pôles, d’un coté l’alliance TF1-M6 (Bouygues-Bertelsmann) et de l’autre l’alliance Lagardère-Vivendi    Quelles sont les relations entre ces deux réseaux ? Vivendi et le groupe Bertelsmann ont longtemps été alliés. Ainsi l’un des dirigeants de Bertelsmann siégeait au conseil d’administration de Vivendi jusqu’à ce que Bertelsmann rachète la part de Vivendi dans France-Loisirs (édition) qu’ils détenaient conjointement. Jusqu’en janvier 2004, le groupe Canal Plus et RTL Groupe étaient présents dans le capital de Sportfive (droits sportifs), … Aujourd’hui, ce sont surtout les relations entre le groupe Lagardère et le pôle en principe concurrent (TF1-M6), qui sont inquiétantes. Lagardère et M6 participent l’un et l’autre au capital de la chaîne de télévision Téva. Certains administrateurs du groupe Lagardère sont administrateurs du groupe Bouygues. Arnaud Lagardère lui-même est administrateur de LVMH qui appartient au groupe Arnault, lequel est actionnaire de Bouygues ! L’actualité récente montre que Lagardère se rapproche de Bouygues, puisqu’il vient d’entrer dans le capital de TV Breizh au coté de TF1, Berlusconi et Murdoch. Et si, commecela est régulièrement évoqué, CanalSatellite et TPS étaient regroupés pour améliorer la rentabilité de l’ensemble, ou encore si Lagardère mettait la main sur Canal Plus, la télévision privée ne serait plus qu’un ensemble d’interconnexions capitalistiques formant un seul réseau.
       Une concentration inacceptable. La télévision privée est dans les mains de trois groupes industriels multinationaux (Bouygues, Lagardère, Vivendi) et un géant mondial de la communication (Bertelsmann) qui sont aussi présents, et souvent aux premières places, dans les autres médias (presse écrite, radio, cinéma, musique). A l’affrontement, ces groupes préfèrent des stratégies d’alliance, les concurrents deviennent ainsi des partenaires, que l’on ménage et qui vous ménagent, même si chaque groupe cherche à accroître l’audience de ses chaînes ou à attirer plus de publicité. Cette concentration pose des problèmes politiques sérieux : danger pour la pluralité et donc la qualité de l’information, dépendance du pouvoir politique vis–à-vis du pouvoir télévisuel, capacité, pour les groupes qui la contrôlent, d’utiliser le pouvoir que donne la télévision au bénéfice de leurs autres activités (défense, bâtiment, téléphone, …). La législation anti-concentration est manifestement insuffisante puisqu’elle n’a, dans les faits, entravé ni la constitution d’alliances entre les majors de la télévision privée, ni les liaisons dangereuses entre les activités industrielles et le contrôle de la télévision. Non seulement la législation anti-trust est insuffisante, mais les quelques protections existantes sont attaquées de toutes parts. Ainsi le projet de « loi sur les communications électroniques et les services de communication audio-visuelle » prévoit de lever, pour la télévision numérique terrestre, l’interdiction de cumuler les fréquences nationales et locales. Dans un contexte où il serait essentiel de renforcer les moyens de la télévision publique, de nombreuses mesures tendent à affaiblir la télévision publique : menaces sur le budget, partenariat imposé avec TF1 dans la Chaîne Internationale d’Information…
__2. La concentration dans la presse
              Le paysage de la presse.Trois leaders français multi-secteurs, deux groupes étrangers
Alors qu’il a longtemps été un monde de petits entrepreneurs, voire d’artisans, le secteur de la presse écrite connaît une accélération de la concentration depuis deux ou trois ans. Le regroupement entre Le Figaro et L’Express, d’une part, et entre Le Monde et PVC, d’autre part, aboutit à ce que les cinq premiers groupes représentent plus de la moitié du chiffre d’affaires des 25 premiers groupes. La
récente absorption du groupe Excelsior par Emap semble confirmer cette tendance : L’arrivée de Dassault sur le marché de la presse aboutit à rassembler dans le même groupe, après que l’avionneur ait pris le contrôle de la Socpresse (il en détient aujourd’hui 80%) trois hebdomadaires (L’Express, Figaro Magazine et Valeurs Actuelles) et plusieurs quotidiens nationaux ou régionaux ; L’absorption du groupe PVC (Télérama) par Le Monde permet à la nouvelle entité d’être elle aussi présente sur plusieurs marchés (quotidiens, magazines télé, culture, etc.) et les échanges de participation entre Le Monde et le groupe Nouvel  Observateur semblent augurer d’un renforcement potentiel de ce pôle ; L’absorption du groupe Excelsior Publications (Sciences et Vie, Biba, Vingt ans, etc.) par l’anglais Emap permet à ce groupe de rattraper une partie de l’écart avec les leaders (surtout Hachette Filipacchi Média et Socpresse). Trois groupes français, Hachette-Filipachi Media, Dassault-Socpresse et Le Monde PVC se détachent donc du paysage de la presse écrite. Ils ont en commun de tendre à être présents sur la plupart des différents segments de marché du secteur : quotidiens nationaux, magazines économiques et financiers, féminins, presse de divertissement, hebdomadaires de télévision, magazines culturels. Derrière ce trio de tête apparaissent des groupes d’origine non hexagonale : Prisma Presse-Berstelsman et Emap sont puissants dans tous les segments de la presse magazine, tout en évitant une présence sur les marchés de la presse quotidienne ou d’opinion, jugés trop « politique ». Un groupe réalisant 150 milions d’euros de chiffre d’affaires, n’est plus aujourd’hui que de taille moyenne. Il devient une proie pour des groupes ayant franchi le cap des 500 millions. Ce risque est encore plus grand si l’on prend en compte les 13 groupes de presse se situant en dessous de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, parmi lesquels on trouve Libération ou le Point, propriété de François Pinault. Dans le paysage tel qu’il se met en place, l’existence d’un journal, quotidien ou hebdo, isolé risque de devenir précaire.
      Les groupes spécialisés. A un troisième niveau apparaissent des groupes “ spécialisés ” qui se contentent de dominer leur secteur :Le groupe Amaury, présent sur le marché de la presse quotidienne, qui vient de constituer son propre réseau de diffusion (notons que Lagardère est présent au capital de ce groupe) ; DI Groupe (Arnault, La Tribune) et le groupe Pearson (Les Echos) restent
cantonnés, pour l’essentiel, dans l’économie et la finance ; Le groupe Marie Claire se contente des féminins (mais Lagardère est présent au capital de ce groupe) ; Plusieurs groupes régionaux restent circonscrits à leur région (Ouest France, Sud- Ouest, etc.)
      Vers des mega-groupes de communication ?
Certains groupes tentent de couvrir tous les champs de la communication : Hachette est présent dans la télévision, la presse magazine, l’édition et la distribution de livres comme de journaux ; Du temps de Jean-Marie Messier, la même tentation était perceptible chez Vivendi à travers la stratégie dite des contenus ; En prenant une participation dans le quotidien gratuit Métro, en lançant certains
produits dans les kiosques ou en librairie (TF1 Editions) et en préparant des gratuits spécialisés (sports, télé), le groupe TF1 tend à devenir multisectoriel ; De la même manière, le groupe M6 réalise une partie croissante de son chiffre d’affaires dans des produits dérivés parmi lesquels peuvent figurer des produits d’édition ou de presse. Quelques tendances lourdes.Multiplication des alliances.
Au-delà de la concentration, comme dans la télévision, on voit apparaître des coopérations, voire des alliances entre groupes dans des domaines précis : L’alliance (par échange de participations) entre les groupes Le Monde et le Nouvel Observateur est censée préparer la succession de Claude Perdriel, lefondateur du groupe ; Le groupe Lagardère prend des positions tous azimuts. Il est présent tant dans le groupe Amaury que Marie-Claire. Il participe au pôle de presse gratuite qui vient dese constituer avec Socpresse et Amaury. Enfin, il renforce ses positions dans la presse quotidienne régionale à travers Version Fémina ; Un pôle Socpresse-groupe Amaury vient de se constituer pour lancer des quotidiens gratuits puisque le lancement de projets concurrents aux gratuits paraît la seule stratégie possible pour concurrencer l’offensive de Métro et de 20 Minutes ;
Des offres publicitaires globales (c’est-à-dire une proposition faite aux annonceurs de passer simultanément dans plusieurs organes de presse moyennant un tarif avantageux, avec jusqu’à 50% ou 60% de remise) se multiplient pour permettre aux éditeurs d’afficher une audience concurrentielle avec les médias audiovisuels. En regroupant Le Monde, Le Figaro, L’Express, Le Nouvel Observateur, on peut prétendre toucher plusieurs millions de lecteurs. L’offre groupée démultiplie la
puissance commerciale : l’annonceur obtient un tarif attractif pour toucher plus de cadres. Plusieurs regroupements de cette nature se sont mis en place (Cadre Emploi par exemple), ce qui constitue un obstacle redoutable pour les magazines agissant seuls ou de faible diffusion, qui n’ont pas accès à ces regroupements. Ces processus de globalisation de l’offre publicitaire ne peuvent qu’accentuer, à moyen terme, la concentration.
     Crise de la presse quotidienne.
La presse quotidienne vit une crise qui se prolonge depuis une quinzaine d’années : la plus grande partie des quotidiens nationaux (excepté Aujourd’hui-Le Parisien et Les Echos) et régionaux subit une érosion plus ou moins lente du lectorat. Leur audience chez les jeunes devient résiduelle, ce qui fait craindre une marginalisation, surtout de la presse quotidienne régionale. Face à ces difficultés,
les groupes semblent adopter des stratégies essentiellement défensives : Lancement de gratuits pour concurrencer les gratuits existant (exemple de La Provence à Marseille, d’un projet du Parisien à Paris, …) ; Négociation de positions dominantes dans les projets de télévision locale, pour
continuer à bénéficier de la manne publicitaire locale ; Adossement à des magazines jugés plus rentables pour contrebalancer la perte structurelle liée au quotidien (Le Monde) ; Ajustements par le bas (restructurations, suppressions d’emplois, diminution de pagination (France-Soir, Libération, L’Humanité).
   Vers des journaux 100% publicitaires ?
L’apparition récente de journaux gratuits ne fait que poursuivre à son terme une évolution déjà sensible depuis une vingtaine d’années dans la presse magazine tendant à faire transformer l’économie du secteur. Traditionnellement la presse vit d’un double flux de recettes, celle des lecteurs-acheteurs et celle des annonceurs, acheteurs d’espace publicitaire. C’est l’audience, c’est-à-dire la certitude d’un annonceur de toucher x lecteurs, cadres ou femmes, ou décideurs, ou « fous »
d’informatique, etc., qui contribue à fixer le tarif de la publicité. Depuis les années 80, les gestionnaires des hebdomadaires ont conduit des stratégies visant à fidéliser des centaines de milliers d’abonnés par tous les moyens : abonnements à tarifs cassés, cadeaux d’abonnements, etc. A la limite, ces journaux “ achètent ” ainsi des lecteurs et font financer le journal par la publicité. Dans la presse féminine, la part des recettes provenant de l’achat d’espace publicitaire, qui, selon la loi, ne devrait pas représenter plus de 50% de la recette d’un numéro de magazine, tend à devenir essentielle grâce à différents artifices. Au fur et à mesure de l’explosion publicitaire, en particulier depuis les années 80, le poids des lecteurs tend à devenir résiduel dans l’économie des magazines. Avec la création des gratuits, le processus est conduit à son terme : pourquoi dépenser de l’argent pour conquérir des lecteurs et ne pas directement leur offrir le journal, ce qui est une façon de garantir à l’annonceur une diffusion ? Demain, la même logique conduite pour concurrencer les quotidiens pourrait bien être mise en oeuvre dans d’autres segments du marché, notamment de la presse magazine. Il va sans dire, et c’est ce que craignent un certain nombre de journalistes et même de patrons de presse,que ce processus rendrait les publications de plus en plus dépendantes des
annonceurs, c’est-à-dire des 100 ou 150 groupes français les plus importants.
3. La concentration dans l’édition
    Les multinationales dans l’édition. La concentration dans l’édition s’accélère au profit des groupes multinationaux. Après le contrôle de Flammarion par le groupe italien Rizzoli, la reprise par le
groupe Lagardère de 40% d’Editis (ex Vivendi-Universal Publishing), les éditions du Seuil viennent d’être absorbées par le groupe La Martinière (devenu La Martinière- Le Seuil). D’autres concentrations sont attendues, à travers en particulier la vente de la partie d’Editis non reprise par Lagardère (Nathan, La Découverte, Plon, Le Robert, Pocket, 10-18, Robert Laffont, …). Les multinationales contrôlent au moins 60% de l’édition française (Lagardère, Bertelsmann, Atlas, Rizzoli, Reed-Elsevier, Média Participations, Wolters-Kluwer, …). Dans les mains des multinationales, le livre est une marchandise, l’édition n’est qu’un contenu intégré dans la
communication. Les conditions de création d’une oeuvre intellectuelle et les possibilités de la faire connaître s’en trouvent altérées. La domination du groupe Lagardère: La domination de Lagardère sur l’édition française se lit dans la liste des maisons d’édition qu’il contrôle : Hachette, Fayard, Grasset, Hatier, Hazan, Le Masque, Marabout, Pluriel, Stock, Le Livre de Poche, … et bien d’autres (dont depuis peu Larousse, Armand Colin, Dalloz et Dunod). Sans oublier le pouvoir que détient Lagardère sur les éditeurs dont il distribue les livres ou avec lesquels il passe des alliances (ainsi Lagardère qui distribue les livres d’Albin Michel est aussi coactionnaire du Livre de poche avec Albin Michel). La domination de Lagardère apparaît dans le chiffre d’affaires qu’il représente dans l’édition : 1,3 milliards d’euros après le rachat de 40% d’Editis. La puissance du groupe tient aussi à son poids dans la presse et dans la commercialisation du livre. Le groupe n’est pas seulement le premier éditeur de livres, c’est aussi le deuxième libraire de France (réseau Relay, magasins Virgin), le premier éditeur de presse magazine (Paris- Match, Elle…), un intervenant important dans la presse généraliste (le Journal du Dimanche, La Provence, Nice-Matin…), la radio (Europe1, Europe 2, RFM, …) et latélévision (Canal J, MCM, CanalSatellite…). Le groupe Lagardère dispose donc d’un fantastique réseau de promotion de ses livres par les médias qu’il contrôle ou qu’il peut influencer par les budgets publicitaires du groupe, sans compter les articles favorables de tous ceux qui dans les médias sont auteurs ou conseils du groupe, ou qui espèrent le devenir (sans compter non plus les échanges de bons procédés avec les médias alliés). Marketing et pression médiatique contre le pluralisme
Pour une multinationale, le livre est une marchandise produite dans le seul but de générer des profits. Pour faire face aux exigences de rentabilité du groupe, les filiales adoptent de plus en plus les méthodes marketing habituelles dans l’industrie, ce qui les conduit à refuser des manuscrits qui ne sont pas jugés assez rentables sur le court terme (quelle qu’en soit la qualité) et à sélectionner les
manuscrits en privilégiant des critères sans rapport avec le contenu intellectuel ou culturel du livre : médiatisation de l’auteur, sujet permettant de lancer une polémique dans les médias, … Sous l’effet de la concentration, le succès n’est plus le résultat de décisions d’acteurs autonomes et nombreux (critiques, libraires, ,lecteurs…), mais de plus en plus le produit de la capacité des groupes d’édition à influencer ceux qui parlent du livre, qui présentent le livre, qui le font connaître. La concentration, à travers la pression du marketing et la puissance de diffusion qu’elle permet, conduit à l’uniformisation des livres, les mêmes règles marketing conduisant au choix des mêmes thèmes, pour les mêmes cibles, avec les mêmes techniques marketing de construction d’un livre. La concentration porte en elle un risque de censure particulièrement dans le domaine économique et politique. Un
livre politique majeur pour le débat démocratique peut ne pas être publié soit parce que sa rentabilité de court terme est jugée trop faible, soit parce que son contenu est considéré comme « sensible » par les groupes dominants, qu’il s’agisse de la critique de ces groupes ou de celle des hommes ou des entreprises avec lesquels ils sont en relation. Il n’existe aucune législation antitrust spécifique
En dépit des dangers de la concentration dans l’édition, pour l’expression plurielle des idées, il n’existe aucune législation antitrust spécifique. Seul s’applique le droit commun, comme si le livre était un produit industriel ordinaire. La décision de Bruxelles d’accepter la reprise par Lagardère de 40% d’Editis illustre le fait que le droit commun ne s’oppose, au mieux, qu’à la constitution d’un monopole privé, mais accepte la concentration. On ne peut donc pas compter sur la législation
actuelle pour résoudre les problèmes qui résultent de la concentration dans l’édition.
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L’inquiétante razzia des oligarques: 
       Xavier Niel et Matthieu Pigasse, alliés à un producteur, veulent créer un fonds d'investissement dans les médias doté de 500 millions d'euros. La mainmise des puissances d'argent sur l'information et la concentration des médias qui est en cours laissent muet le gouvernement.
    De gigantesques manœuvres sont engagées en France dans le secteur de la presse et de la télévision. S’il fallait un nouvel indice de la boulimie d’acquisitions dont font preuve quelques milliardaires, bouleversant le paysage médiatique français, c’est le dernier projet en date, porté par le propriétaire d’Iliad-Free, Xavier Niel, le banquier d’affaires de Lazard Matthieu Pigasse et le producteur Pierre-Antoine Capton, qui le fournit : le trio vient de créer un fonds d’investissement qui ambitionne de lever de 300 à 500 millions d’euros pour financer le rachat d’autres médias...
   La naissance de ce fonds d’investissement, c’est Le Figaro qui l’a révélée...
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