Une révolution en marche
Celle du développement de l'e-santé, d'une médecine de plus en plus liée à l'informatique et à ses applications présentes et à venir. La télémédecine n'en est qu'un des aspects, le moins discuté.
Parfait dira-t-on. Il faut être de son temps, épouser son époque. Un eldorado serait à nos portes...
Oui, mais.la médecine du futur , malgré des innovations intéressantes déjà présentes et à venir, parfois fantasmées, pose bien des problèmes:
François Berger...évoque les neuroprothèses et la
robotique, soutient que les algorithmes sont la solution pour décrypter
la complexité du vivant, propose la création de laboratoires sur puces
avec code barres pour surveiller les maladies. Pour autant, il prévient
des écueils du tout technologique. Il condamne la prolifération
d’accessoires connectés liés au bien-être qui se font hors des sentiers
bien balisés de la santé pure et dure. «Un bracelet connecté n’a rien à voir avec le médical, déplore-t-il. L’intervention sur un homme sain doit se faire dans des conditions d’essais cliniques».
Le philosophe Eric Sadin juge inquiétante cette nouvelle ère
technologique. Une confusion des genres entre l’industrie et la santé
qui menace la société. «Jamais le champ de la médecine n’a autant été guidé par l’industrie et le profit».
La santé est devenu un bien consommable régit par des start-up qui ont
envahi le secteur, au nom de l’emploi et de la croissance. Une dictature
du bien-être et des courbes évolutives. A cela s’ajoute la
marchandisation alarmante des données issues du corps humain : le
sommeil, le réveil, l’activité sportive, les pulsations du cœur etc.
Eric Sadin lance quelques signaux d'alarmes, en pointant les risques de technologisation et de libéralisation d'une médecins perdant certains de ses repères déontologiques:
Vu l’ampleur des mutations actuellement en cours, il relève d’une
urgence de procéder à un strict encadrement juridique, d’élaborer une
charte déontologique et éthique commune impliquant tous les métiers de
la santé, et de nous demander si la médecine à laquelle nous aspirons
est celle qui à chaque instant de nos quotidiens nous signalera le bon
geste à adopter, en vue principalement de nous inciter à acquérir des
produits et des services supposés adaptés à nos états.
Le techno-libéralisme a lancé un assaut final sur la santé.
Montesquieu avait en son temps insisté sur la nécessaire séparation des
pouvoirs en politique ; il y va d’un enjeu politique majeur de défendre
la nette séparation des compétences en médecine. Faute de quoi chacun de
nos corps deviendra une sorte de tiroir-caisse ouvert 24h/24 et 7j/7 à
l’attention de compagnies et de start-up qui ne cessent d’affirmer
vouloir œuvrer au «bien du monde» et qui dans les faits sont
littéralement portées par des instincts hautement prédateurs. C’est à
nos sociétés dans leur ensemble de veiller à fermement les contenir et à
défendre sans concession l’inaliénable intégrité humaine.
Le corps connecté? Oui, mais avec de solides garde-fous
Car,comme dit le Dr J.Lucas: En France, on s’identifie dans le système de soin
avec sa carte vitale. Aux Etats-Unis, pour caricaturer, on s’identifie
avec sa carte bancaire et cela a permis d’accélérer le développement de
la e-santé. Ce n’est pas lié à l’ingéniosité américaine mais au
libéralisme du marché...
Les risques d'une médecine standardisée ne sont pas à prendre à la légère.
La médecine de demain, si riche de promesses et de dérives, demande qu'on y réfléchisse sérieusement...
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