Bien des ombres et des équivoques planent encore sur l'événement historique et symbolique devenu comme central dans notre histoire nationale.
Les mythes furent nombreux.
Les récits d'époque sont rares et partiels. Dans le flux des événements qui se bousculaient les premiers historiens-reporters sont rares.
L'événement fut très vite connu à Versailles et engendra rapidement des réactions:
...Le 16 juillet, le duc de Dorset, ambassadeur d’Angleterre et familier du comte d’Artois, écrivait au Foreign Office : « Ainsi,
mylord, s’est accomplie la plus grande révolution dont l’Histoire ait
conservé le souvenir, et, relativement parlant, si l’on considère
l’importance des résultats, elle n’a coûté que bien peu de sang. De ce
moment, nous pouvons considérer la France comme un pays libre. »
Pour Charles James Fox, c'est « le plus grand événement qui soit jamais arrivé au monde.»
Ce spectacle inouï provoque chez Edmund Burke un tel étonnement qu'il ne sait s'il doit y souscrire ou le condamner
La Bastille était désuète: Louis XVI envisageait de la faire démolir:
A la veille de la Révolution, explique l’historienne Monique Cottret dans La Bastille à prendre,
la forteresse n’était plus la prison bondée et nobiliaire du règne de
Louis XIV. Ni même la geôle roturière devenue le passage obligé des
contestataires sous Louis XV. Tombée en désuétude, elle reflétait
l’affaiblissement de l’absolutisme. 5279 prisonniers y ont été
incarcérés entre 1659 et 1789. Elle trouva son démolisseur: En
ce 14 juillet 1789, il suffit de quelques heures pour prendre la
Bastille. Mais sa démolition, commencée le soir même, dure près de deux
ans. Sous la direction du citoyen Palloy, dont l’historienne Héloïse
Bocher raconte le parcours dans Démolir la Bastille, elle devient une affaire juteuse autant qu’une commémoration permanente.___Pierre-François Palloy, entrepreneur en bâtiment, se trouve en ce jour historique sur
un chantier avec une douzaine d’ouvriers quand toute l’équipe est
entraînée par la foule. Ils prennent eux aussi les armes et
entrent dans la forteresse, dont Palloy s’autoproclame aussitôt le
démolisseur. Deux jours plus tard, il obtient officiellement les droits
de ce chantier titanesque. Et doit même avancer les frais, qui
avoisinent le million de livres, sur ces propres deniers. Les ouvriers
affluent, en moyenne 800 par jour, et les curieux aussi. Certains
viennent participer bénévolement aux travaux, par foi patriotique. Mais
la Bastille attire surtout promeneurs, fêtards et hommes publics. Palloy
et ses ouvriers en profitent. Ils font très vite payer des visites
guidées, qu’ils mettent en scène avec récits de torture et exposition de
restes humains retrouvés sur place. Et l’entrepreneur en bâtiment de se muer peu à peu en marchand des reliques de la tyrannie.
En juillet 1790, c’est Palloy qui organise une commémoration dans la
forteresse. Opération qu’il renouvellera régulièrement, faisant ainsi de
la Bastille un lieu de mémoire. A l’automne de la même année, notre
homme envoie des maquettes de la prison dans chaque département, créant
et entretenant avec énergie un culte autour des pierres de la
forteresse. Pour Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt, auteurs de The Bastille, Palloy
a compris le besoin qu’a le peuple de rendre concrets les concepts
politiques de liberté et de despotisme. Mais, grâce à un sens certain
des affaires, tout ce battage autour de la Bastille lui permet aussi
d’écouler les produits dérivés de la démolition, qu’il s’agisse
des pierres ou des chaînes de la prison. Il ouvre d’ailleurs bientôt
une boutique remplie d’estampes, bijoux, tabatières, statuettes, dominos
et autres cartes à jouer en souvenir ou à l’effigie de la forteresse
détruite… La vente des pierres en tant que matériau de construction,
elle, rapporte beaucoup moins qu’espéré.
___________(Books)_________
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