lundi 2 janvier 2017

Voeux sans modération

Voeux ordinaires et moins ordinaires. 
                                                                       Ça ne peut faire de mal.  
                                              Il était un temps où pour la nouvelle année, nous recevions des étrennes. Modestes présents qui venaient compléter les petits cadeaux que nous accordait la Noël, les étrennes étaient souvent des piécettes qui venaient tinter dans nos poches d’enfants. On se souhaitait alors une bonne année en se donnant rendez-vous l’année prochaine pour renouveler l’opération. La galette des rois servait de prétexte, on faisait le tour de la famille au risque de l’indigestion.
       Pour couronner le tout, la fève se fit objet de collection, on se l’arrachait, se la disputait à moins qu’elle ne vienne briser un plombage et contraindre à ajouter une couronne d’une autre nature. Tout cela demeurait bon enfant, les rois mages ne restaient pas Fanny, ils laissaient des miettes à leur passage en continuant de suivre leur bonne étoile. 
      Puis c’était la plongée dans les temps de diètes en attendant la fin du carême et le retour du pâté de Pâques. C’était un temps où l’on ne mettait pas tous nos œufs dans le même panier, que la prudence imposait de ne pas jeter l’argent par la cheminée. De la modération en toute chose, nous avancions ainsi sans le délire consumériste. Les cadeaux ne débordaient pas de toutes parts. 
    Puis la parole a pris le pouvoir. Les vœux ont cessé d’être pieux. Des cérémonies fleurirent un peu partout faisant sauter les bouchons de champagne et remplaçant la galette trop sèche par des petits fours de plus en plus sophistiqués. La bouche pleine, les goinfres de service, à grands coups de grimaces, pouvaient s’échanger vœux de façade et promesses vaines aux frais de la princesse.
    On se promettait la Lune et bien plus encore. La santé d’abord, la prospérité ensuite dans un Monde où l’argent devenait le Dieu vivant de l’heure. On en rajoutait dans la surenchère, remplissant des cartes, s’envoyant des messages qui bien vite se firent électroniques, musicaux et animés. La toile prit le relais de la poste, les vœux envahirent la vague.
    Ils ne se satisfirent pas d’occuper ainsi la première place, ils voulaient écraser toute concurrence, frapper un grand coup au douzième coup de la minuit. Le téléphone leur servit de cheval de Troie et le petit message stupide de truchement magnifique. La vague se fit torrent, le torrent déborda et envahit tout le réseau. Véritable inondation de niaiseries, les vœux s’exprimèrent en 144 caractères bien trempés.   
     Il fallut alors mettre en images ce que la limitation de la capacité d’écrire des quidams de service imposait. Les vœux passèrent aux pictogrammes, gifs, et autres icônes animées. L’ingéniosité des créateurs étant alors inversement proportionnelle à l’inculture crasse des utilisateurs. Plus c’est niais, plus c’est de mauvais goût, plus l’objet numérique fait fureur et se partage à l’infini.
   Les vœux se privent désormais de formules bienveillantes. Ils sont creux, vides d’espérance, sans sincérité aucune. Ils s’échangent comme ceux que les tenants de la modernité nomment des smiley, la nouvelle forme de la distinction évasive. Le message n’a d’ailleurs plus aucune importance, il existe en tant que telle, preuve d’intérêt pour des amis exclusivement virtuels.
    Autrefois on faisait un nœud à son mouchoir pour ne rien oublier. Aujourd’hui on distribue des vœux à tout vent pour être certain de n’oublier personne. On s’aime et pour se le prouver, on sème les messages, on les laisse se répandre, s’insinuer, se disperser. Ils sont légers, insincères, de pure forme. Ils sont à l’image d’un avenir qui nous promet le pire et qu’on noie sous les promesses illusoires, des espoirs qui ne sont que des formules interchangeables.
    Tous mes vœux donc, les meilleurs pour conjurer l’horreur, les calamités, l’inculture grandissante, la vacuité généralisée. Étrennons cette nouvelle année avec un billet qui n’est pas en monnaie de singe mais songe éveillé, un billet de plus de plus de quatre mille caractères, histoire de vous prouver que lorsqu’on aime, on ne compte pas.
                                                                  Nabum
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