samedi 17 février 2018

Gai, gai, marions-nous

   Nature et institution.      
                                  Si la reproduction humaine est, depuis l'origine de l'homme, un phénomène naturel, le mariage est, sous des formes diverses, une institution sociale, avec ses périodes de stabilité et de mutations lentes ou rapides.
     L'institution est depuis longtemps ritualisée, souvent sous des formes religieuses.
  Une institution sociale qui connaît aujourd'hui des mutations profondes, dues à l'effritement de la soumission féminine traditionnelle et à la transformation générale des moeurs et des croyances.
   Les récents débats souvent irrationnels sur ce qu'on appelé le mal nommé mariage pour tous sont des indicateurs des transformations que subit l'institution, pour l'essentiel immuable depuis le 13° siècle dans son aspect religieux.
    On voit ce que le mariage (ou l'union civile) est en train de devenir, sans pouvoir anticiper ce qu'il deviendra, avec l'évolution du droit, à la faveur du recul du religieux....La famille traditionnelle mérite-t-elle d'être autant sacralisée?
     "...Depuis le Ier siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c'est celui de l'Eglise, c'est la Sainte Famille. Mais, examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n'est pas le père : Joseph n'est pas le père de Jésus, le fils n'est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n'a jamais fait l'amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge. La Sainte Famille, c'est ce que Lévis-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté. Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l'adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l'impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l'adoption. L'Eglise, donc, depuis l'Evangile selon saint Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l'adoption : il ne s'agit plus d'enfanter mais de se choisir...", comme le remarque M.Serres.

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   La famille est toujours entre nature et culture et le mariage l'institution la plus ancienne.
               ....Il n'a pas été établi pour consacrer l'amour de deux êtres, car on n'a pas besoin d'une reconnaissance sociale pour s'aimer et vivre ensemble, mais pour assurer une protection juridique aux enfants appelés à naître de cette union et garantir leur droit à hériter.
Contrairement à une idée fréquemment entendue à l'occasion des débats sur le « mariage pour tous », le mariage n'est donc pas un « droit » qu'il s'agirait d'étendre à un maximum de personnes, mais un « contrat », autrement dit un ensemble d'obligations réciproques destinées à assurer une coexistence harmonieuse des personnes du foyer familial, vivantes ou à naître.
  Il a connu depuis le commencement de l'Histoire des évolutions contrastées, en lien direct avec le statut social de la femme...
  Les Égyptiens de l’époque pharaonique s’en sont tenus à une vision simple de l’humanité : des hommes et des femmes faits pour vivre ensemble sur un pied d’égalité.
   Cette harmonie apparente disparaît au Moyen-Orient et aussi en Grèce, dans le millénaire qui précède notre ère. Là, on voit surgir une conception très inégalitaire des sexes et un mariage réduit à un contrat entre l'époux et le père de la mariée.
Les époux se glissent dans le lit nuptial (miniature du XIIe siècle)
  Il faut attendre l’Empire romain, au début de notre ère, pour assister au retour d'une relative égalité des sexes. Elle s'accompagne d'une conception très moderne du mariage, lequel ne requiert même pas l’accord parental.
  Le terme romain employé à son propos est conjugium, dont nous avons fait conjoint et conjugal. Il signifie que les époux portent ensemble (cum) le même joug (jugium) et se traduit par une belle formule qu'échangent les époux au moment du mariage : « Ubi tu Gaius, ego Gaia » (Où tu es toi Gaius, je suis moi Gaia).
  À la fin de l'Antiquité, l'Église médiévale demeure en Occident la seule institution stable et respectée. Concernant le mariage, elle s'inscrit dans la tradition romaine et promeut l'égalité de l'homme et de la femme dans le couple. Elle met en avant aussi le devoir de solidarité et d'affection.
  Les clercs usent de leur autorité spirituelle pour imposer aux guerriers féodaux et aux souverains le respect de la monogamie, l'interdit de la répudiation et l'interdit de la consanguinité.
  En 1215, le grand concile œcuménique de Latran IV hisse le mariage au rang de sacrement religieux. Il devient indissoluble.
  L’adultère lui-même n’est pas un motif de dissolution et peut tout au plus justifier une séparation de corps car ce qui prime au regard de l'Église est l'intérêt des enfants et la cohésion familiale. Toutefois, dans les familles dirigeantes, le mariage peut être assez facilement annulé sous le prétexte de consanguinité.
  Plus important encore, l’Église médiévale impose le libre consentement des époux au mariage, devant un prêtre. Autrement dit, les parents n’ont pas leur mot à dire. Cette disposition favorise les mariages d’inclination et concourt à l’émancipation juridique des femmes. Mais elle ne fait pas l’affaire des grandes familles de la haute aristocratie et de la bourgeoisie... À la fin de la Renaissance, ces dernières ont raison du mariage chrétien.
  En France comme dans la plupart des grands pays européens, les souverains réintroduisent l’obligation du consentement parental, au moins dans les grandes familles. Cette mesure entraîne la disparition des mariages d’amour dans les classes supérieures et va de pair avec une singulière régression du statut juridique de la femme, laquelle redevient comme dans l’Antiquité une mineure soumise d’abord à son père puis à son mari.
   Par ailleurs, les protestants légalisent le divorce en avançant le fait qu'il existait déjà dans l'Ancien Testament. Cette ouverture a l’effet paradoxal de rendre les sociétés concernées beaucoup plus exigeantes à l’égard du mariage. Celui-ci se doit d’être sans tache et, pour échapper aux tentations coupables, les époux s’astreignent à l’austérité dans les vêtements et les mœurs, ainsi qu’à une extrême pudibonderie.
   Le XVIIIe siècle ou Siècle des Lumières est aussi le siècle du clair-obscur, mêlant le pire et le meilleur, avec des comportements divergents face au mariage, selon que l'on appartient aux classes supérieures ou aux classes populaires.
   Les premières réduisent le mariage à une alliance contractuelle entre familles, avec mise en commun de titres et de fortunes. Les secondes, moins sensibles à ces aspects, montrent davantage de liberté en matière de mœurs et restent attachées au mariage d’inclination. Ces divergences se retrouvent au siècle suivant avec la concurrence entre mariage arrangé et mariage d'amour, entre pudibonderie et liberté sexuelle, entre soumission de la femme et émancipation.
    La fin de l'Ancien Régime et la Révolution voient les femmes s'émanciper, en France comme en Angleterre et dans le reste de l'Europe occidentale. Par ailleurs, les révolutionnaires ouvrent le droit au divorce... et il s'ensuit des excès, beaucoup de femmes se trouvant abandonnées sans ressources. 
  Cette parenthèse révolutionnaire se referme bien vite avec l’accession de la bourgeoisie aux commandes au début du XIXe siècle. L’Église perd définitivement son monopole sur l’institution matrimoniale mais il faut attendre en France 1884 pour que le divorce soit à nouveau légalisé, avec cette fois un droit à pension pour les femmes.
   Après la Seconde Guerre mondiale, les États occidentaux lèvent les contraintes qui pèsent sur le mariage, rendent sa dissolution plus aisée et assurent une parfaite égalité juridique des sexes. Mais ces acquis se retrouvent plus que jamais menacés en ce début du XXIe siècle avec, sous l'effet de l'immigration, la confrontation à des pratiques archaïques : mariages arrangés, mariages forcés d’adolescentes, polygynie, voile et claustration des femmes.... (Merci à Hérodote.net)
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