vendredi 20 novembre 2020

Business first

 Juteux marché

                   Vendre des armes est une bonne opération pour un Etat pas trop regardant sur l'usage qui en sera fait. C'est bon  pour le PIB et ça fait tourner des usines. Si on a quelques scrupules, on se contentera de quelques déclarations de bon usage. Ça peut marcher avec nos voisins belges qui ont quelques besoins de quincaillerie militaire, mais moins avec l'Arabie saoudite, dont on devrait savoir l'usage qu'elle  fera des mirages ou des chars Leclerc sur le Yemen voisin. Mais on ferme pudiquement les yeux ou on donne des garanties de papier.      Pourtant les preuves sont là: on retrouve des munitions made in France sur des chams d'opérations "imprévus", comme en Lybie. Ce n'est pas nouveau: on vendait déjà des canons de 75 aux Serbes avant la guerre de 14.  On dira que ce n'est pas de la responsabilité du vendeur, mais de l'acheteur et on s'en lave les mains. Sauf que un canon n'est pas un objet comme un autre et qu'on ne le vend pas pour faire bien dans les parades militaires. Et il n'y a pas que la France qui contribue à alimenter vertueusement les conflits, en assurant aussi le service après-vente. L'Allemagne aussi a son marché, sans parler des USA ou de la Russie, qui travaille en gros. On a beau avoir quelques réglementations, faire semblant d'avoir une "éthique", la vente d'armes en tous genres ne cesse de croitre dans le monde. Notre représentant de commerce, Mr le Drian, est satisfait. Et on tient régulièrement salon pour ça. Pour présenter le meilleur. On dira toujours que si on ne l'avait pas fait, d'autres s'en seraient chargé. Argument classique, éculé.  

             "...Depuis le début de son intervention militaire au Yémen en 2015, accusée par l’ONU de provoquer « la pire crise humanitaire du XXIe siècle », l’Arabie saoudite utilise des avions, des blindés, des navires ou encore des missiles qui lui ont été vendus ces dernières années par la France (lire iciici ou ), provoquant l’indignation répétée des ONG de défense des droits humains.   Mais la monarchie peut également compter, plus discrètement encore, sur le savoir-faire français pour former ses troupes de combat. Selon une enquête coordonnée par le média néerlandais Lighthouse Reports, avec le soutien d’Arte et Mediapart, des entreprises de l’Hexagone participent à la formation de soldats saoudiens sur des compétences essentielles pour son intervention militaire.   Des instituts de formation interviennent notamment auprès d’officiers saoudiens, malgré la guerre au Yémen, pour leur apprendre à manipuler des canons Caesar, selon des documents et témoignages de formateurs.   Produits par Nexter, une entreprise détenue par l’État français, les Caesar, des obusiers à longue portée montés sur des camions tout-terrain, ont été livrés par dizaines à l’Arabie saoudite ces dernières années : depuis 2010, 132 modèles ont été envoyés, selon le Sipri, un institut suédois spécialisé dans les transferts d’armements, et d’autres livraisons sont prévues jusqu’en 2023. C’est dans le cadre de l’exécution de ces contrats que des formations pratiques sont dispensées par du personnel français pour apprendre aux soldats saoudiens à utiliser les canons.    Et ce alors même que près de 50 de ces obusiers sont déployés dans des zones pouvant atteindre les populations civiles au Yémen, selon une note confidentielle de 2018 de la Direction du renseignement militaire (DRM), révélée par Disclose. Le rapport de la DRM relevait précisément que la « population concernée par les tirs d’artillerie potentiels » était alors de « 436 370 personnes ».             ___Les formations à l’usage des canons Caesar ont notamment été dispensées par la société Défense conseil international (DCI) – dont l’État français est le premier actionnaire, avec plus de 50 % des parts – dans son centre international de formation, situé à Draguignan, dans le Var. À Commercy, dans la Meuse, l’entreprise belge John Cockerill exploite aussi un centre de formation de tireurs canons pour soldats saoudiens, comme l’a révélé Amnesty International en juillet 2020.         Interrogée, la société DCI n’a pas répondu à nos questions sur ses relations contractuelles avec les forces saoudiennes (voir en Boîte noire). Le gouvernement explique pour sa part qu’il exerce « son contrôle à un double niveau » pour les formations opérationnelles de soldats saoudiens : les entreprises qui les réalisent doivent bénéficier d’une « autorisation de fabrication, de commerce et d’intermédiation (AFCI) » délivrée par le ministère des armées, mais aussi faire l’objet d’une autorisation d’exportation garantissant qu’elles « ne contreviennent ni aux engagements internationaux de la France, ni aux embargos décidés par les organisations internationales ».         Le gouvernement explique aussi que « les risques d’emploi contre les populations civiles sont systématiquement évalués », quitte à prendre – sans en préciser le contenu, ni dire si cela a déjà été fait – « des mesures de remédiation des risques d’utilisation inappropriée ».        Les autorités rappellent enfin que « l’existence de menaces contre le territoire saoudien est avérée », en évoquant notamment « les attaques lancées sur les installations pétrolières saoudiennes en septembre 2019 ». Elles ne disent par contre rien des canons Caesar dont le positionnement à la frontière yéménite est prouvé.      En plus de la note de la DRM de 2018, le groupe d’experts des Nations unies sur le Yémen a fait part en septembre 2020 de sa « préoccupation » (lire ici) quant au fait que les tirs imprécis, tels que ceux réalisés par les canons Caesar, peuvent donner « lieu à des pertes civiles importantes ».       L’ONG yéménite Mwatana for Human Rights a pour sa part recensé de nombreux incidents liés à l’utilisation de l’artillerie saoudienne qui auraient provoqué la mort de civils, adultes et enfants. « Cette guerre dure depuis trop longtemps, six ans de conflits incessants et de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme commis contre le peuple yéménite sont simplement ignorés et ne peuvent être ignorés. La communauté internationale ne peut pas dire que nous “ne savions pas” », s’inquiète Ardi Imseis, professeur de droit à l’université Queen’s de Toronto et membre du groupe d’experts de l’ONU.               _Ce contexte a poussé certains pays exportateurs à réagir de manière différente, en prenant plus de précautions, même si « peu de pays ont choisi d’être plus restrictifs à l’égard des exportations d’armes vers l’Arabie saoudite », explique Pieter Wezeman, chercheur à l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), qui cite les exemples de « l’Allemagne, la Suède, la Finlande, la Norvège et les Pays-Bas ». En Belgique, le Conseil d’État a récemment suspendu plusieurs licences d’autorisations d’exportation à destination de la Saudi National Guard (SANG), en considérant qu’« il ne peut être exclu qu’il y ait un risque réel pour les armes d’être utilisées dans le contexte du conflit au Yémen ou pour contribuer à la répression interne ».    Même lorsqu’elles ont des autorisations étatiques, les entreprises sont également tenues à plusieurs obligations. Elles doivent par exemple, selon les « principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme » (à lire ici)« éviter de causer ou de contribuer à des incidences négatives sur les droits de l’homme », et adopter un « processus de diligence raisonnable pour identifier leurs incidences sur les droits de l’homme ».    En d’autres termes, DCI est tenue de contrôler en interne les effets des formations qu’elle dispense et de mettre fin aux relations commerciales qui pourraient porter atteinte aux droits de l’homme..."    ____

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