mercredi 17 mars 2021

Syrie: 10 ans après

 Le roi des ruines

                   Il se trouve que mon épouse et moi avions programmé un voyage en Syrie. Un Syrie dont nous rêvions depuis longtemps. Nous avions nos billets mais le vol fut annulé à cause de le fameuse éruption islandaise, qui cloua les avions au sol pour quelque temps. La tragédie là-bas commença peu après, d'abord à bas bruits, puis de façon de plus en plus intense.  Il ne fait plus aucun doute que nous n'irons jamais là-bas. Nous ne sommes pas dans l'humanitaire...                        ___ Comment faire un bilan de ces dix années terribles, sans doute une des plus grande tragédie de l'histoire récente au MO, qui a produit un champ de ruines difficilement imaginable? La reconstruction n'est pas à l'ordre du jour. Un tiers des infrastructures du pays ont été détruites, sans parler des villes: Alep, Palmyre,etc...     L'imprévisible, l'effroyable  arrivèrent, dans un chaos où il fut bien difficile au début de trouver les fils interprétatifs. Se révélèrent peu à peu les enjeux et les influences au coeur d'un système qui apparaissait relativement stable, dont une famille élargie, dans une minorité qui avait tout intérêt à défendre le statu quo bec et ongle, en trouvant des alliances parfois improbables, qui firent de ce conflit en enjeu régional, voire au-delà, où se croisaient les intérêts les plus contradictoires. La moitié de la population de la Syrie fut affectée : outre les quelque 5,6 millions de personnes qui ont quitté le pays, le dernier bilan des Nations unies faisait état de 6,2 millions de déplacés internes.

          "...Après une série de victoires militaires ces dernières années l’Etat syrien a repris le contrôle de plus de 70 % du territoire, reléguant les lignes de front à des zones plus restreintes du pays. Environ 2,9 millions de personnes vivent dans la région d’Idlib, la dernière zone encore aux mains de la rébellion contre le régime Assad – notamment le groupe islamiste radical Hayat Tahrir Al-Cham – dans le Nord-Ouest ; quelque 2,6 millions dans les territoires administrés par les forces kurdes, dans le Nord-Est et l’Est ; et environ 1,3 million sont dans des poches de territoires dans le Nord frontalier de la Turquie, sous le contrôle des forces turques et de leurs supplétifs syriens..."                                                       ____Amère victoire. Le système Assad portait en son sein des germes de déflagration du pays, dans le contexte des printemps arabes et de la libéralisation du pays au profit d'une caste. L'instrumentalisation des forces les plus extrêmes a favorisé un chaos, qui déclencha l'intervention de forces étrangères profitant de l'occasion pour avancer leurs pions ou défendre leurs intérêts, au gré des alliances les plus machiavéliques. Comment reconstruire, étant donné l'ampleur du champ de ruines matérielles et humaines? La jeunesse est soit partie, soit réfugiée, soit anéantie moralement. Cette sale guerre laissera des traces pour longtemps, elle qui a commencé par des compromis plus que douteux, libérant des forces incontrôlables, ce qui produisit l'enfer.                                                                                __ "...Le régime Assad  a d’emblée joué la carte djihadiste pour diviser et décrédibiliser l’opposition, libérant des centaines de détenus djihadistes durant les mêmes mois de 2011 où des milliers de militants pacifistes étaient embastillés, torturés ou liquidés. Daech, l’acronyme arabe de “l’Etat islamique en Irak et en Syrie”, a été proclamé en avril 2013 à Raqqa, la première capitale provinciale libérée du régime Assad. D’emblée, les djihadistes ont éliminé les autres factions de l’opposition dans cette ville pour y imposer leur règne sans partage, avant d’étendre leurs réseaux ailleurs dans le pays. Mais les révolutionnaires ont fini par prendre la mesure du danger en déclenchant, en janvier 2014, leur “seconde révolution”, cette fois contre Daech, qui fut ainsi expulsé d’Alep et du nord-ouest de la Syrie....  Malgré cette mobilisation anti-djihadiste, les Etats-Unis ont maintenu leur politique de soutien a minima de l’opposition syrienne, dont les bastions, dépourvus de toute défense aérienne, étaient la cible de bombardements sévères du régime Assad. Mais Daech, ainsi refoulé en Syrie, s’est détourné vers l’Irak, où Abou Bakr Al-Baghdadi a proclamé son pseudo-califat en juillet 2014. La coalition menée par Obama contre Daech s’est concentrée sur le volet irakien de sa campagne, avant d’étendre ses opérations à la Syrie, où elle a préféré miser exclusivement sur les milices kurdes, leur accordant une couverture aérienne qu’elle avait toujours refusé aux forces révolutionnaires.  L’entrée en guerre directe de la Russie, en septembre 2015, a eu beau se faire au nom de la “lutte contre le terrorisme”, Moscou a laissé à Washington et ses alliés l’essentiel de la campagne anti-Daech. C’est ainsi que Daech a permis à Moscou de soutenir encore plus activement Assad, alors que les puissances occidentales accordaient désormais la priorité à la menace djihadiste...." _______________________  

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