L'abstention ne cesse de gagner du terrain
Ne pas voter, c'est encore faire un choix. On le dit et on le répète régulièrement, surtout en période électorale. Le désinvestissement citoyen progresse toujours. Pas seulement en France. Le phénomène devient alarmant, au point qu'on se demande ce que vaut la légitimité de ceux qui gouvernent en notre nom. Un phénomène complexe, à la fois cause et conséquence de phénomènes socio-politiques qui se sont installés depuis un certain nombre de décennies. Ce qu'on appelle parfois la trahison des élites, l'excès de centralisation et la faiblesse ainsi que la relative impuissance de la représentation nationale ne datent pas d'hier. Les institutions sont en cause, héritage d'un hyper-présidentialisme souvent critiqué, mais pas seulement. C'est une vraie menace démocratique. La re-politisation s'impose. Le souci du bien commun est mis à mal. Mais s'en donne-ton les moyens? "... De scrutin en scrutin, l’abstention progresse. Déplorer cette tendance et disserter sur le désamour des abstentionnistes pour la politique est devenu un lieu commun, un passage obligé des soirées électorales. On a raison de s’inquiéter de ce phénomène : la faible participation sape la légitimité des élus et réduit leur représentativité. Cette tendance, que l’on observe dans la plupart des pays démocratiques, est d’autant plus inquiétante que, si rien ne l’arrêtait, une norme abstentionniste pourrait s’installer et être transmise aux nouvelles générations. Un phénomène concomitant de l’augmentation de l’abstention moyenne est le creusement des inégalités de participation : lorsque la participation électorale baisse, elle baisse davantage au sein des groupes à la marge entre le vote et l’abstention, en particulier les classes populaires. Or, ceux qui ne votent pas ne peuvent faire entendre leur voix, et les élus n’ont aucune incitation à tenir compte de leurs intérêts. Quels que soient leurs motifs, les absents ont toujours tort : en laissant à d’autres le soin de choisir leurs représentants, ils s’exposent à ce que des politiques publiques contraires à leurs intérêts soient mises en œuvre...." La représentation parlementaire est mise à mal et le problème est de la restaurer. Mais qui le veut vraiment, pour que les extrêmes ne deviennent pas les vainqueurs par défaut et que l'intérêt général soit bafoué. En 2022 encore, rien ne s'est amélioré chez nous: Une nouvelle fois, de manière inédite dans ce type d'élections, le pourcentage d'électeurs qui ne sont pas déplacés aux urnes atteint des sommets. Est-il encore possible de dépasser ces chiffres, qui interrogent autant qu'ils inquiètent. C'est le fonctionnement de nos institutions qui est en question, comme celui du vivre ensemble républicain. Le sens de l'intérêt général semble se dissoudre peu à peu dans l'indifférence générale ou la résignation massive, qui peuvent avoir plusieurs causes. Il n'y a pas que la crise citoyenne liée à un repli individualiste et consumériste, bien analysée par B. Barber, la dérive des institutions y prend une grande place, aboutissant à une hyper-présidentialisation croissante, telle qu'elle a été maintes fois décrite, qui ne donne plus à l'assemblée la capacité pleine et entière de proposition, de contrôle et de contestations.
Déjà " en 1962, dans La République moderne, Pierre Mendès France fustigeait la Ve République, qui souffrait selon lui d'une "totale absence d'équilibre entre les principaux organes de l'Etat", la concentration des pouvoirs dans les mains du président de la République faisant obstacle à la démocratie. Que dirait-il aujourd'hui, à l'heure des "hyperprésidents" ? Certes, nombreux sont ceux qui se réjouissent ou s'accommodent de cette prépondérance, reste que d'autres continuent à raison de s'en alarmer et appellent à repenser nos pratiques et notre Constitution. C'est le cas du think tank modéré Generation Libre, qui publie Déprésidentialiser la Cinquième République, un riche recueil collectif signé par huit auteurs - des chercheurs, des professeurs de droit, un ancien ministre ou encore un préfet. .." Sans aller jusqu'à la refondation d'une VI° République. Il s'agit ici de réflexion sur une réparation en profondeur pour faire barrage à de nouvelles dérives, qui pourraient faire le lit d'un régime de type autoritaire. La "confiance" politique est ébranlée. "...les Français sont ceux qui se méfient le plus. La France est le pays où ce phénomène est le plus accentué, avec seulement 12 % de confiance dans les partis politiques, avec une chute de 6 points de pourcentage en dix ans. C’est donc vraisemblablement le pays qui permet de comprendre le mieux ce qu’il se passe un peu partout dans les démocraties occidentales..." Un système oligarchique peu analysé y fonctionne plus qu'ailleurs, dont la présidentialisation excessive est la conséquence. Tant que la question fondamentale de la représentation ne sera pas repensée, le système poursuivra sa course, avec toutes les déconvenues prévisibles et ls dérives prévisibles. Les électeurs ont cessé progressivement de s'intéresser à ces élections parce qu'elles sont à ce point couplées à l'élection présidentielle qu'elles en sont devenues, aux yeux de nombre d'entre eux, une consultation inutile. Cette évolution est très inquiétante parce qu'elle contribue à affaiblir la démocratie représentative et les partis politiques qui en organisent le fonctionnement....Le scrutin majoritaire à deux tours avec un seuil de 12,5% des inscrits déforme de manière excessive la représentation des opinions. À défaut de modifier le mode de scrutin en instillant une dose de proportionnelle, il faudrait au moins modifier le seuil de 12,5%, dont les effets sont délétères. C'est une réforme simple, qui aura sans aucun doute l'assentiment de la plupart des formations politiques, et qui donnera aux Français le sentiment d'être un peu mieux représentés...." On ne s'étonnera pas d'une certaine désertion citoyenne dans un système devenu opaque et dont la dépendance par rapport à l'exécutif pose question. De Montesquieu ou de Rousseau, il reste encore beaucoup de principes simples à réinventer, contre la quasi-professionnalisation de la fonction politique, le domination des experts et l'affairisme délétère.. Pas seulement au niveau du discours. Repenser la démocratie est devenu une urgence. Elle est toujours en péril....Revoir les règles de la démocratie est une nécessité impérieuse. _________________________
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