Surdité sociale.
Les liens qui unissent, lient les hommes entre eux sont plus profonds et plus importants qu'on ne le croit. Consciemment ou inconsciemment ils nous font être ce que nous sommes (pas d'homme sans culture) et régissent notre être social, autrement dit notre humanité elle-même. Nous n'existons que par les rapports, conscients ou inconscients, même limités, même imparfaits et triviaux, que nous entretenons avec les proches ou les moins proches. En ce sens, la conversation, l'échange quotidien avec nos semblables ont une place plus fondamentale que nous croyons, même en parlant de la pluie et du beau temps, de choses sans importance. Or, le repli sur soi, l'individualisme propre à notre époque d'hyperconsommation, d'échanges de plus en plus virtuel, du culte du portable, jusqu'à la nomophobie, mettent en péril les modes d'échanges traditionnels, jugés souvent "dépassés". Or même le papotage peut être jugé important, à l'heure où les gens se côtoient de plus sans se parler. "...« Autrefois, il arrivait qu’on s’excuse auprès de son voisin de train quand, après avoir discuté, on sortait un livre. Comme si le mode par défaut était d’échanger. A présent, le mode par défaut, c’est d’être plongé dans son téléphone et de s’excuser si on doit lui adresser la parole »...
__ On sous-estime l'importance des conversations quotidiennes, apaisées ou non. « ...La conversation est la base première des relations sociales directes entre les personnes. En tant que processus se déroulant en temps réel, la conversation constitue un échange réciproque et rythmique d'émissions verbales. C'est un processus de partage qui développe une expérience sociale commune. D'après cette explication, une conversation est la façon dont les gens s'engagent dans une interaction sociale dans leur vie de tous les jours. De ce point de vue, une conversation est un processus purement verbal. Pour nos besoins, nous préférons la définition de Susan Brennan : « La conversation est une activité conjointe dans laquelle deux participants ou plus utilisent des formes linguistiques et des signaux non verbaux pour communiquer de manière interactive. Brennan différencie les conversations, qui peuvent impliquer deux personnes ou plus, des dialogues, qui n'impliquent que deux personnes. Pour nos besoins, cette distinction n'est pas critique. Ce qui est essentiel, c'est que les conversations sont l'une des formes les plus courantes de communication interpersonnelle. On craint de plus en plus que dans le monde hautement médiatisé d'aujourd'hui, la simple conversation ne devienne une chose du passé. Sherry Turkle est l'une des plus éminentes chercheuses sur la façon dont les humains communiquent à l'aide de la technologie. Elle raconte l'histoire d'un garçon de 18 ans qui utilise les textos pour la plupart de ses interactions fondamentales. Le garçon a dit avec nostalgie à Turkle : "Un jour, un jour, mais certainement pas maintenant, j'aimerais apprendre à avoir une conversation." Lorsqu'elle demande aux Millennials de tout le pays ce qui ne va pas dans le fait de tenir une simple conversation : « Je vais vous dire ce qui ne va pas dans le fait d'avoir une conversation. Cela se passe en temps réel et vous ne pouvez pas contrôler ce que vous allez dire. C'est donc la ligne de fond. Envoyer des SMS, envoyer des e-mails, poster, toutes ces choses nous permettent de nous présenter tel que nous voulons être. Nous pouvons éditer, et cela signifie que nous devons supprimer, et cela signifie que nous devons retoucher, le visage, la voix, la chair, le corps - pas trop peu, pas trop, juste ce qu'il faut. Est-ce le monde dans lequel nous vivons maintenant ? Les gens sont-ils devenus tellement dépendants de leur technologie que tenir une simple conversation est devenu obsolète ?.." Le lien social est permanent, quoi que nous pensions, mais il peut être vulnérable.___________________
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