Emmanuel nous a quittés
Mais son oeuvre reste Il a beaucoup compté dans ma formation, ce pionnier, ce défricheur, parfois loin des sentiers battus. L'histoire des hommes et celle du climat sont indissociables, sur le long terme surtout. Il est bon aujourd'hui de le rappeler. Il a fallu du temps pour prendre conscience de ce qu'il est convenu d'appeler "l'urgence climatique", devenue aujourd'hui un impératif catégorique, malgré quelques dénégations individuelles à la Trump et de ses acolytes conservateurs et affairistes, malgré les inerties des institutions internationales et les doutes entretenus sciemment par les grands groupes industriels. On commence à mieux faire la différence entre les modifications climatiques, classiques et normales, sur le court terme et les grandes tendances actuelles, s'inscrivant dans un temps relativement court, dans celui du développement industriel surtout depuis deux cents ans. On prend de mieux en mieux conscience surtout, que notre histoire et ces évolutions climatiques sont intriquées profondément, parfois sur le court terme. Surtout depuis les études de l'historien Leroy Ladurie, qui a ouvert la voie de manière très documentée..
L'étude approfondie de différentes époques historiques montre l'importance de transformations climatiques sur le long terme surtout. Longtemps on les a dissociées. L'événementiel et les modifications climatiques longues ou ponctuelles ne semblaient ne rien avoir en commun. Comme si on avait affaire à deux aspects différents, deux dimensions hétérogènes. On parlait du temps occasionnellement, en passant, comme si le problème du climat, du moins sur la longue durée, était réservé aux seuls climatologues. Les deux dimensions suivaient des chemins parallèles. Or, peut-on comprendre une bonne partie de la préhistoire sans recourir à l'éclairage climatique: les migrations africano-européennes, les premières apparitions de l'agriculture après la dernière glaciation, le "petit âge glaciaire" après le réchauffement global en Europe au tout début du Moyen-Age; sans compter les aventures historiques qui tournent court, faute de prévision de certains aspects climatiques, comme l'aventure napoléonienne mise en échec par l'hiver russe et plus tard, la déroute nazie aux portes de Moscou? Le "général hiver" avait tranché.. _____Aujourd'hui la question du climat nous saute cruellement à la figure. Par une prise de conscience tardive, nous obligeant à des choix douloureux au vu des impacts majeurs de la "course au progrès" sur le milieu naturel. C'est une forme de sidération qui nous affecte devant le grand basculement qui nous attend, dans une incertitude souvent paralysante. Que sera notre histoire demain, quelle géopolitique nouvelle se prépare?,...Nous sommes au seuil de grandes mutations, à n'en pas douter. L'homme et le climat sont des partenaires indissociables, pour le meilleur ou pour le pire. Ce n'est pas un problème à courte vue de météo. Ce n'est pas seulement et surtout une question de cadre de vie, mais de vie tout court, de conditions matérielles d'existence (ressources alimentaires, environnement thermique vital...)
A première vue donc, on voit mal ce que le climat a à voir avec le déroulement de l'histoire et particulièrement avec le déclenchements de conflits. Les vicissitudes météorologiques ont tout à voir avec la nature tandis que les événements historiques semblent ne relever que de la volonté, des désirs, des passions humaines et des concours de circonstances.
Mais ces deux aspects du réel ont plus de rapports qu'on ne le croit.
La nouvelle histoire, depuis Braudel, a mis l'accent progressivement sur les interactions entre nature et histoire, notamment Leroy Ladurie.
On a émis et confirmé l'hypothèse de l'importance d'un phénomène climatique majeur comme un des éléments déclencheurs de la Révolution Française.
L'historien du climat ne s'intéresse pas seulement au climat mais à ses conséquences humaines. Les aléas climatiques ont souvent des incidences sur l'histoire des hommes. Pour remonter aux origines africaines, cela relève de l'évidence.
Les émeutes de la faim des dernières années sont multicausales. Mais les variations aberrantes des marchés ne sont pas seules en cause..
La climatologie donne des lumières, mais qui ne peuvent pas être suffisantes, quand elles interviennent.
Pas de causalité directe, mais des corrélations parfois évidentes.
Le climat ne peut être considéré comme une cause mécanique, uniquement déterminante, mais comme une donnée incontournable pour comprendre certains changements de fond, par exemple au niveau de l'agriculture et des habitudes alimentaires, donc des progrès futurs, mais aussi des événements qui ont changé le cours des choses , comme le passage des Huns sur le Rhin gelé ou la défaite de l'armée allemande confrontée à l'hiver russe...
_________ Dans le cas syrien, des études récentes ont montré, pour expliquer en partie la naissance du conflit syrien, que:
Entre 2006 et 2011, la Syrie a connu la plus longue sécheresse et la plus importante perte de récoltes jamais enregistrée depuis les premières civilisations du Croissant fertile . Au total, sur les vingt-deux millions d’habitants que comptait alors le pays, près d’un million et demi ont été touchés par la désertification , ce qui a provoqué des migrations massives de fermiers, d’éleveurs et de leurs familles vers les villes . Cet exode a attisé les tensions provoquées par l’afflux de réfugiés irakiens qui avait suivi l’invasion américaine de 2003. Pendant des décennies, le régime baasiste de Damas a négligé les richesses naturelles du pays, subventionné des cultures de blé et de coton nécessitant beaucoup d’eau et encouragé des techniques d’irrigation inefficaces. Surpâturage et hausse démographique ont renforcé le processus. Les ressources hydriques ont chuté de moitié entre 2002 et 2008. L’effondrement du système agricole syrien résulte d’un jeu complexe de facteurs dont le changement climatique, une mauvaise gestion des ressources naturelles et la dynamique démographique.... _________
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