Etrange situation
Voilà les comptes publics à nouveau en péril, nous dit-on. Bercy s'affole d'un coup, alors que les clignotants n'étaient pas dans le rouge, il y a peu, Un nouveau réarmement se prépare dans le domaine des finances publics. Mais aura-t-on assez de cartouches? Mais pourquoi donc a-t-on autant favorisé la désindustrialisation? Pas question de toucher aux impôts, on va rogner sur divers budgets, même ceux qui sont en phase critique, comme dans l'Education nationale. En "oubliant " le fait que certaines ponctions, indolores pour la nation, pourraient largement aider à surmonter une période sans doute plus difficile. Mais il y une mine de recettes possibles auxquelles on ne veut surtout pas toucher. L'Espagne n'a pas hésité à le faire. Comme le Canada...En son temps de crise majeure, Roosevelt a osé trancher dans le vif, sans tendresse pour les plus hautes fortunes, largement responsables d'une crise ruineuse. Il y a tant de leviers politiques. Au niveau de la planète entière. L'indécence de certains revenus, pour ne parler que d'eux, interroge le citoyen moyen, même aisé. .Les surprofits, parfaitement identifiés, ne manquent pas et les profiteurs de crise ne sont pas un mystère. Alors que le droit du travail se trouve une nouvelle fois malmené. Quelle cohérence? ___ L'obsession de la dette, de nouveau agitée, revient comme un leitmotiv, de manière toujours aussi caricaturale, avec cette confusion de fond entretenue entre dette privée et dette publique. Comme le dit l'économiste Chavagneux, en poussant un peu le bouchon par provocation, la dramatisation ne s'impose pas:
"L’annonce par l’Insee d’un déficit public élevé pour 2023 (154 milliards d’euros, soit 5,5 points de PIB) a suscité beaucoup d’analyses. Il s’en dégage un consensus selon lequel ce dérapage par rapport aux prévisions de Bercy (4,9 %) a tenu essentiellement à de moindres recettes (+2 % seulement alors que le PIB nominal a augmenté de 6,2 %). L’occasion d’ouvrir un débat sur de nécessaires hausses d’impôts, ce que certains n’hésitent plus à faire dans la majorité présidentielle tant les pistes sont nombreuses qui, sans toucher les plus pauvres ni les classes moyennes, permettraient de faire rentrer des recettes fiscales à même d’équilibrer nos comptes publics. Mais, en attendant que le gouvernement se décide à une action en ce domaine, la dette publique continue d’augmenter. Elle a progressé l’an dernier de 147,4 milliards pour atteindre 3 101,2 milliards d’euros. Comme elle augmente moins vite que l’activité, son poids s’est réduit de l’équivalent de 111,9 points de PIB fin 2022 à 110,6 % à la fin 2023. Pour autant, l’Agence France Trésor, qui gère notre dette, indiquait fin 2023 qu’elle allait quand même devoir trouver, cette année, l’équivalent d’environ 10 points de PIB pour assurer le refinancement de cette dette. De quoi s’inquiéter ? Non, car nous avons reçu ces derniers temps trois bonnes nouvelles sur nos emprunts publics. Première bonne nouvelle, les créanciers sont très friands de la dette française. Après le lancement du quantitative tightening (QE) par la Banque centrale européenne (BCE), on restait dans l’incertitude quant à la volonté des créanciers de se substituer à la Banque centrale pour financer les dettes. Or, dans sa dernière analyse, l’Agence France Trésor constate que, « après la fin des achats nets d’actifs de la BCE en juillet 2022 (APP+PEPP), les investisseurs domestiques et étrangers ont augmenté leur exposition aux obligations souveraines de la zone euro ». Une situation qui devrait continuer à perdurer cette année : « Nous nous attendons à ce que les investisseurs continuent d’augmenter leur exposition aux obligations d’Etat de la zone euro après des années de ventes nettes dans le cadre de la politique de QE de la zone euro ». D’ailleurs, depuis le début de l’année, l’écart entre les besoins des pays de la zone et ce que les créanciers sont prêts à acheter est plus fort qu’au cours des années précédentes. Résultat, à la fin mars, la France a déjà levé plus d’un tiers de son programme de financement de l’année. Les experts de Natixis CIB notent même une tendance à l’allongement de la maturité de détention des emprunts français par les financiers internationaux, ce qui « suggère une augmentation de la présence des assureurs et fonds de pensions étrangers, dont la stratégie d’investissement est par nature plus stable ». Bref, des gens qui sont là pour un moment. S’y ajoute un retour de l’achat des titres d’emprunts français par les banques. Après avoir bénéficié de programmes de soutien à leur liquidité de la part de la BCE, la fin annoncée de ces programmes pousse les établissements à chercher d’autres sources de liquidités, et la Banque de France a montré l’an dernier combien la dette française dispose d’atouts en la matière. On pourrait rétorquer que si les emprunts français sont refinancés facilement, compte tenu de l’incertitude liée au dérapage budgétaire, cela se produit à des taux d’intérêt plus élevés qu’avant. Deuxième bonne nouvelle, ce n’est pas du tout le cas. C’est que montre une analyse récente de l’économiste Patrick Artus. Il part du constat selon lequel le spread de taux de la France vis-à-vis de l’Allemagne, c’est-à-dire le surplus de taux d’intérêt par rapport à notre voisin que nous demandent de payer les créanciers, ne bouge pas pour rester autour de 50 points de base. Comment l’expliquer ? De nombreuses raisons sont mobilisées. D’abord, la politique économique française reste crédible. Les experts de Natixis CIB expliquent que, pour atteindre l’objectif du gouvernement d’un déficit budgétaire à 4,4 % du PIB cette année, il va falloir trouver 26 milliards. Bercy a déjà annulé 10 milliards de crédits, et une normalisation du lien entre recettes fiscales et croissance par rapport à 2023 rapporterait automatiquement une dizaine de milliards. L’essentiel du chemin est fait. Entrent en ligne de compte aussi les inquiétudes au sujet de l’Allemagne, enfermée dans une austérité budgétaire au moment où son activité est atone. Le Fonds monétaire international (FMI) n’a ainsi pas hésité tout récemment à cibler le manque de dépenses publiques d’infrastructures du pays au milieu de lourds problèmes structurels (démographie en berne, spécialisation industrielle dépassée…). Quand l’Allemagne réduit sa dette à marche forcée, elle réduit d’autant les titres publics disponibles, incitant les créanciers à se reporter sur le financement des emprunts français dont ils ne craignent pas un potentiel défaut de paiement, la France remboursant rubis sur l’ongle depuis la fin du XVIIIe siècle ! Enfin, dernière bonne nouvelle, même si les emprunts publics augmentent, le poids de leur coût reste relativement faible. On a l’habitude de le mesurer en ramenant la charge de la dette au PIB. Selon l’Insee, le ratio s’établissait à 1,8 % à la fin de l’an dernier, bien en-dessous de sa moyenne historique (1980-2023) de 2,4 points. De leur côté, les agences de notation regardent plus spécifiquement le poids de la charge de la dette dans le total des recettes fiscales et commencent à grincer des dents lorsque l’on s’approche des 5 %. Cela fait maintenant dix ans que la France est sous ce ratio, qui se situait à 3,4 % l’an dernier. Une normalisation des recettes fiscales associée à la baisse des taux d’intérêt de la part de la BCE au plus tard cet été contribueront à maîtriser encore ce ratio cette année. La France n’est pas en faillite et sa dette n’est pas sur « le toboggan de l’enfer » ! Qu’on se le dise : les emprunts publics français se font dans le calme, à des taux d’intérêt modérés, qui devraient diminuer cette année, le tout avec la bénédiction de nos créanciers." _________________
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