Victime de choix industriels qui étranglent l'Europe...elle se met en péril
"...Les entreprises allemandes investissent énormément dans les anciens pays de l’Est, là où la main-d’œuvre est bon marché. Certes, les brevets, les méthodes, les ingénieurs viennent de l’intérieur, mais les salaires, même s’ils sont faibles, sont payés à l’extérieur. C’est tout le paradoxe de cette économie exportatrice ; et les profits ? Et bien ils sont réinvestis à l’extérieur en partie aussi. Finalement ce qu’on a exigé en interne des citoyens ne leur a guère profité.
En fait, le nouveau dispositif allemand de relance est un plan hybride, avec une partie investissement public et une partie relance par la consommation par la baisse des impôts. On peut douter de l’efficacité de cette dernière mesure. La France qui est plus auto centrée, plus tournée vers elle-même semble moins fragile aujourd’hui que l’Allemagne. Le chômage y est plus faible (7 contre 9%) le niveau de vie identique. En période de récession, l’Allemagne dépend plus de ses partenaires que ses partenaires ne dépendent d’elle. La chute des investissements affaiblit ses exportations. Or elle représente 30% du PIB européen, et c’est le PIB européen qui fait sa propre croissance. Il est clair que la relance de l’Allemagne passe par celle l’Europe, qui elle même ne peut passer que par celle du couple franco-allemand...." (B.Maris)
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-L'Allemagne est-elle dans l'impasse?:
"...Quelque temps après son élection en 1998 dans le contexte du marasme économique prolongé des années 1990, Gerhard Schröder se lance dans l’ambitieux projet de rendre l’économie allemande plus compétitive. L’Agenda 2010 présidera, en outre, à une réduction des allocations chômage (loi Harz IV) et des remboursements médicaux. Mais surtout les salaires réels nets allemands ont baissé en termes absolus entre 2004 et 2008, du jamais vu sur une aussi longue période depuis l’après-guerre.
La compression des salaires (du « coût du travail » dans le langage châtré des économistes) permit de réduire la charge financière pesant sur les entreprises industrielles. Ainsi, en un sens, la mission fut « accomplie ». En 2004 l’Allemagne redevint la première puissance exportatrice mondiale, pour n’être détrônée par la Chine qu’en 2009.
___Mais à quel prix ? Et pour quel résultat ? On a vu que si les exportations se sont mieux portées, les performances de l’économie dans son ensemble sont plutôt ternes à l’heure actuelle. L’inégalité, quant à elle, a sensiblement augmenté. Selon le dernier rapport Croissance et inégalités de l’OCDE, le coefficient de Gini (le meilleur outil synthétique pour mesurer les inégalités de revenu) est passé en Allemagne de 0,27 à 0,30 dans les dix dernières années alors qu’en France il restait stable à 0.28. Enfin, la proportion d’Allemands vivant au-dessous du seuil de pauvreté est passée de 11% en 2001 à 18% en 2008.
Une telle régression sociale laisse pantois dans un pays qui, pendant les décennies d’après-guerre, avait prétendu parfaire une culture du consensus dans le champ politique et sociétal, ainsi qu’une « économie sociale de marché ».
___Or ces déséquilibres, qui génèrent une accumulation incontrôlée de dettes d’un côté et de créances de l’autre, ne sont pas viables à long terme – l’écroulement de la croissance des économies occidentales l’a amplement démontré. De fait, l’excédent commercial allemand et chinois s’est déjà réduit, et le déficit des balances des paiements américaine, britannique et espagnole a fait de même. Ces derniers pays ont compris qu’il était impératif de calmer leur fièvre consommatrice et de promouvoir leur propres exportations. L’Allemagne, comme la Chine, prennent lentement conscience qu’il leur faut réorienter leurs modèles de développement et que leurs exportations ne pourront plus être le moteur essentiel de la création de richesse.__Pour l’Allemagne, cela signifie, très simplement, que les sacrifices sociaux considérables exigés par l’Agenda 2010 ont été pour partie inutiles du point de vue de la croissance.
L’Allemagne se trouve donc dans une triple impasse : économique, sociétale et démographique. Ayant sacrifié la justice sociale à une promesse de prospérité illusoire, elle est aujourd’hui affaiblie à court terme par un monde susceptible de tourner le dos à ses exportations, et minée à long terme par une démographie quasi cataclysmique.
-Il n’y a pas de modèle allemand:
"Depuis l’éclatement de la crise économique, une idée reçue a fait florès : il y aurait une vertu allemande, et pour l’Europe un modèle allemand. Cette sottise a pris racines dans un indicateur où le bon sens croit reconnaître la vertu : les échanges extérieurs allemands se soldent par un excédent courant imposant, tandis que la plupart des autres pays européens affichent un déficit.
Ceux qui en restent là justifient l’obstination allemande à serrer le cou des Grecs – au nom de la vertu, bien entendu.___Or le premier pas du bon sens est rarement suffisant. Il lui faut de toute urgence en franchir un deuxième, et se demander s’il est une vertu qui ne puisse être universelle, un modèle vers lequel ne pourraient jamais tendre tous les pays ensemble....___Tous les pays du monde pourraient-ils afficher en même temps un excédent de leurs échanges ? Evidemment non, puisque cela reviendrait à afficher un excédent mondial. Un excédent vis-à-vis de qui ? De Mars, de la lune ?
___Les échanges internationaux de marchandises, de services et de revenus sont forcément chacun un jeu à somme nulle. Ce qu’un pays importe, un autre l’exporte nécessairement. Ce qu’un pays verse, un autre le reçoit. Et tout aussi nécessairement, la somme des excédents courants égale très exactement la somme des déficits (1). Bref, il n’y a pas d’excédents sans déficits. Ni vice, ni vertu.___Le même constat vaut pour les mouvements de capitaux...___L’excédent courant allemand n’en est pas moins imposant. Près de 7% du PIB et plus de 240 milliards de dollars : il est, dans les deux cas, à l’échelle de l’excédent chinois, comme on le lit sur les deux premiers graphiques. Par son ampleur gigantesque, l’excédent allemand contribue largement aux déséquilibres internationaux...___L’Allemagne, toutes proportions gardées, est bien la Chine de l’Europe. Elle ne se distingue pas seulement des autres pays européens par son excédent courant gigantesque. Elle s’en distingue d’abord par le coup de frein donné aux salaires et à la protection sociale. Entre 2000 et 2008, le coût salarial unitaire (2) s’est accru de près de 15% en moyenne dans la zone euro. En Allemagne, il s’est accru de 1,9% .
Depuis la réunification, le partage de la valeur ajoutée des entreprises allemandes s’est considérablement déformé au détriment des salariés. Ceux-ci en ont abandonné plus de 10 points aux actionnaires entre 2000 et 2007 . Résultat : l’Allemagne s’est distinguée depuis dix ans par une des croissances économiques les plus lentes d’Europe .__C’est ce que certains appellent « la compétitivité allemande », un « modèle » qu’ils rêvent d’étendre à toute l’Union.__C’est évidemment une chimère, pour les raisons susdites. Ce serait surtout une compétition où il n’y aurait que des perdants : tous les peuples d’Europe confrontés à la déflation. Evoquer cette occurrence au conditionnel est un parti pris optimiste. N’entend-on pas déjà citer les « efforts grecs » comme des exemples à suivre ?..." (JF Couvrat)
-L'Allemagne, victime du tout export
-Le "modèle" allemand, l'Europe et la globalisation
-Le modèle allemand bat de l'aile
-Les dessous de l’Allemagne
-La France a-t-elle raison de critiquer le modèle allemand?
-Merkel essaie de noyer le poisson
-Pour Merkel, l'Europe ne fait que "gagner du temps"
-Sarkozy-Merkel: l'entente impossible
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"Il y a beaucoup à dire sur la voie dans laquelle le gouvernement allemand veut engager l'Europe. Exiger le retour aux critères de Maastricht sur une période aussi courte que trois ans, alors que l'Europe est en crise économique, est considéré par de nombreux économistes aussi divers que Martin Wolf, Paul Krugman, Nouriel Roubini, Michel Aglietta, Frédéric Lordon, Joseph Stiglitz, Jacques Généreux, comme un projet intenable voire suicidaire. Tous insistent sur les risques de voir l'Europe plonger dans une spirale déflationniste et récessive qui pourrait créer de grands troubles économiques, sociaux et politiques, voire conduire à son éclatement.______Le cas de l'Estonie, citée en exemple par Angela Merkel, dans son entretien au Monde donne un avant-goût de ce qui pourrait menacer l'ensemble de l'Europe. Frappé par la crise dès 2008, le gouvernement estonien a choisi de laisser sa monnaie arrimée à l'euro mais de mener «une dévaluation compétitive interne», en imitant la politique allemande. Résultat? L'économie a chuté de près de 20%. Le chômage a explosé, passant de 2 à 15,5%. Selon les prévisions du FMI, la croissance devrait au mieux atteindre 0,8% cette année; et l'Estonie sortirait en 2015 moins forte qu'en 2007, au vu de la destruction économique et sociale."
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Scénario allemand? __"Les Allemands anticipent déjà l’échec du sauvetage de la Grèce et des garanties sur l’euro. Pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le futur, c’est une Europe à deux vitesses.__Il y a quinze ans, en pleine gestation de l’euro, on parlait de l’Europe à deux vitesses. Une rapide, composé des pays « centraux » à l’économie solide et au budget discipliné, et une autre lente pour le reste. Les pères de la monnaie unique tentèrent de conjurer ce scénario en fixant des conditions que tous les pays membres de la zone euro devraient remplir parce que, pour qu’existe une unité monétaire, il était indispensable que tous partagent des critères communs. Les deux plus importants étaient de ne pas s’endetter et d’éviter que le déficit budgétaire dépasse la barrière des 3%. Ce que firent les économies du sud et le Royaume-Uni. Avec cette seule différence que ce dernier pays pris soin de ne pas intégrer l’euro.
__Le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le quotidien généraliste allemand le plus lu, vient de terminer un exercice d’histoire économique fiction qui se situerait en 2013. Sous le titre « Un regard en arrière depuis 2013 : l’alternative », le journal de Francfort trace les lignes de ce que serait une brève histoire de la chute de l’euro et de sa reconversion en deux devises : une solide réservée à l’Allemagne et à certains de ses voisins, une plus faible, dévaluée pour les autres membres de l’ex-zone euro.__La rupture serait provoquée par les élections fédérales allemandes de 2013. Angela Merkel, très usée politiquement et avec le spectre d’un parti populiste opposé au sauvetage, devrait se résigner à l’inévitable. Ensuite, tout se passerait très rapidement. D’après le Frankfurter, l’Allemagne serait accompagnée des pays du Benelux, de l’Autriche et de la Finlande, c’est-à-dire les pays qui orbitaient déjà autour de l’Allemagne aux temps heureux du Deutsche Mark.__On remarquera le fait que la France n’est pas incluse dans ce groupe ; signe que les Allemands commencent à se méfier de celle qui a été leur associé principal durant les 60 dernières années. En fin de compte, c’est bien Paris qui s’est montrée la plus intéressée au sauvetage de la Grèce via un plan milliardaire qui provoque le rejet presque total des Allemands. Et là, on ne parle plus de science-fiction, mais d’histoire réelle. Le revers de la CDU lors des élections régionales en Rhénanie du nord-Westphalie n’est qu’un avant-goût de ce qui viendra lors des comices suivantes.___Le sentiment qui s’installe clairement en Allemagne – le Frankfurter Allgemeine Zeitung n’est pas exactement un journal sensationnaliste – c’est que le sauvetage de la Grèce et les garanties sur l’euro ne serviront seulement qu’à prolonger une agonie qui, tôt ou tard, devra s’achever par un bon gros coup de poing sur la table de la part du moteur de l’euro, l’Allemagne, le pays qui supporte sur ses épaules la crédibilité et la valeur de la monnaie unique..."
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-Europe en péril - Allemagne en crise -Angela à la peine
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