vendredi 10 décembre 2010

Françafrique: la belle époque...

_Quand Paris, après la décolonisation proclamée d'une terre prétendue sans histoire avant l'arrivée des blancs, faisait la pluie et et le beau temps dans son pré-carré élargi ,en maintenant de fortes dépendances, économiquement profitables.
-Quand la France pouvait encore, avec 500 hommes, changer le cours des choses en terre africaine.

_Quand certains chefs d'Etat africains, adoubés par l'Elysée, pesaient sur notre politique intérieure.

_Quand la Cellule Francafrique, depuis De Gaulle à Chirac, en passant par Giscard et Mitterrand, suivait de près les affaires politiques et surtout économiques de nos anciennes colonies, au nom d'intérêts et d'affaires plus ou moins troubles tournant autour de matières premières abondantes dont manquait l' ex-mère patrie: pétrole, uranium, bois, minéraux divers...
Quand Bongo disait encore:«L’Afrique sans la France, c’est une voiture sans chauffeur. La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant»(Libération en 1996.)

_________Certes, la Françafrique de papa n’est plus tout à fait ce qu’elle était,
les rapports se modifient, mais il reste encore quelques bons restes
: en saluant Foccart, Sarkozy renoue avec la Françafrique.
Mais les choses changent, il est obligé
de faire le grand écart ...

"...Si on prend l'exemple de Laurent Gbagbo, en Côte d'Ivoire, il a très bien compris qu'il pouvait jouer sur la fibre nationaliste, être l'homme qui dit non à la France et, dans le même temps, se servir des grands groupes français pour faire de la diplomatie d'influence. Il met Nicolas Sarkozy en stéréo avec Martin Bouy
gues et Vincent Bolloré, qui sont les deux plus gros poids lourds français en Côte d'Ivoire. Bien sûr que les hommes d'affaires ont une grosse influence.... Il demeure bien sûr une défense des intérêts français en Afrique. Mais Nicolas Sarkozy, c'est le CAC 40: il fait 17 heures d'avion pour se rendre à Luanda signer un contrat Total. Il va au Niger et en RDC avec Anne Lauvergeon, PDG d'Areva, il va à Brazzaville pour installer Bolloré, etc. Nicolas Sarkozy a peur de l'Afrique. Sa seule ligne est le business. En déplacement avec Anne Lauvergeon, Sarkozy n'est pas le président de la France, mais le patron d'Areva..."(P.Benquet)
______C'est ce que nous rappelait France2 hier soir, dans une rétrospective partielle mais intéressante, qui nous menait de De Gaulle à aujourd'hui.
La face cachée d'une
Françafrique dont les secrets étaient bien gardés, une politique étrangère parallèle particulière, menée par des hommes de l'ombre comme l'incontournable J.Foccart, qui provoquait tout de même parfois certains scandales, comme
l'affaire des diamants de Bokassa...
________Pour
Achille Mbembe, le temps est venu de tirer un trait sur cette histoire ratée, cette période
post-coloniale où la dépendance continuait sous d'autres formes, le pillage des matières premières, avec la complicité de chefs d'Etat corrompus, parfois entretenus à grands frais mais aussi conscients de leur pouvoir sur l'ancienne métropole (on pense aux frasques de l'"empereur" Bokassa et de ses relations troubles avec VGE, des interventions de Bongo, à même de faire révoquer certains ministres...) Cette diplomatie machiavélique, où les services secrets avaient beaucoup de latitudes, que De Gaulle encourageait mais ne voulait pas voir, en valait la chandelle, à l'heure où la France se modernisait à grande vitesse: pétrole, uranium, bois rapportaient gros à de puissants groupes qui prospéraient à l'ombre de la République. Pinault, Bollloré, Bouygues entre autres, surent se rendre indispensables...tout en prospérant.
Visite du pré carré africain de la France...
Quel que soit le pays. Le
Gabon s'est particulièrement distingué, chouchouté par Total-Elf, état dans l'Etat, la Cote d'Ivoire n'a pas encore coupé le cordon ombilical, le Burkina Faso, la Centrafrique, etc...

"..Les intérêts géostratégiques et économiques de la France au Gabon, ajoutés à la bienveillance sans limite de Bongo à l’égard des hommes politiques français ont renforcé les liens entre le patriarche et l’ancienne puissance colonisatrice. Même Nicolas Sarkozy, l’homme de la rupture, n’a pas pu s’attaquer au roc. La Françafrique, qui s’y frotte s’y pique ! Le téméraire Jean-Marie Bockel, alors ministre de la Coopération, en a fait les frais pour avoir vraiment cherché la rupture. Certes, le privilège de la première visite d’un chef d’Etat africain à l’Elysée après l’élection de Sarkozy n’a pas été réservé à Bongo. Certes, l’affaire des “biens mal acquis” révélée par des associations et la presse françaises a sonné à Libreville comme un crime de lèse-majesté. Mais la Françafrique, même ébranlée, demeure une réalité tenace. Elle survivra à “Papa Ondimba”. Car tant que les chefs d’Etat africains auront besoin de la France pour veiller sur leurs fauteuils et que, en retour, la France devra s’appuyer sur eux pour prolonger son système néocolonial sous le pudique manteau de la coopération, la Françafrique vivra. Tant que les dirigeants africains pourront exercer leur pouvoir à vie, faisant fi de l’alternance et de la démocratie, pourtant exportées sous nos tropiques par la France, la Françafrique s’enracinera toujours davantag
e. Tant que la Françafrique pourra continuer à rimer avec pillage et soutien à des présidents africains abonnés à la malgouvernance et à l’impunité, elle survivra. Tant que la Françafrique pourra s’appuyer sur des chefs d’Etat comme le Congolais Sassou Nguesso, le Tchadien Idriss Deby et le Camerounais Paul Biya, elle aura encore des jours heureux devant elle. Toutefois, avec la naissance et le développement d’une opinion publique de plus en plus critique, la Françafrique pourrait revêtir de nouveaux habits. Et ce relookage sera sans doute plus profitable aux peuples africains qu’à leurs seuls dirigeants, obnubilés par les richesses et le pouvoir à vie. “La France sans l’Afrique était une mendiante larmoyante”, comme l’a dit le célèbre opposant burkinabé, Laurent Bado. La Françafrique, c’est la garantie pour la France de perpétuer le pillage systématique des richesses des pays africains. Le Gabon, malgré son pétrole abondamment exploité par Total, n’a jamais décollé économiquement..." (Courrier International)
______Certes, les Noirs de l'Élysée se font plus rares, mais les affaires continuent et les vieilles habitudes perdurent. Les Maorais en savent quelque chose. Les serviteurs français de l'Elysée avaient les coudées franches et pas mal de naïveté parfois:
Par exemple, "Pour Maurice Delaunay et beaucoup d'autres, c'est une vieille histoire. Ils sont tellement dans le bain, avec une sorte de cynisme... Ils racontent les coulisses, benoîtement. Ils pensent que la période est terminée. Ce sont des patriotes, tous sur la ligne de Jacques Foccart: il s'agit de défendre la France et ses intérêts. Ils sont des hauts fonctionnaires qui croient à cette période de communauté de destin entre la France et l'Afrique. Ils croient à ce qui demeure une politique coloniale assimilationniste, il faut créer des gens à notre image!. L'Occident a confié à la France, donc à eux, la lutte contre les Soviétiques dans cette partie de l'Afrique, ce qui ne doit d'ailleurs pas empêcher la France de contrecarrer les intérêts anglo-saxons, d'où la guerre du Biafra, par exemple...
Lorsque Albin Chalandon, ancien président de Elf, lorsque la secrétaire de Mitterrand ainsi que Loïc Le Floch Prigent, lui aussi à la tête du coffre-fort Elf, nous racontent comment le groupe pétrolier a financé la politique française, cela nous semble une vieille histoire. Pour Nicolas Sarkozy, voir l'un de ses «conseillers» africains, l'avocat Robert Bo
urgi démentir tout financement extérieur, c'est dans l'ordre des choses mais évidemment plus sensible. Surtout quand il explique que oui, bien sûr, il y avait des financements lors des présidences précédentes, mais que brusquement, lorsque l'on parle de celui qui est en poste aujourd'hui, il n'y a plus de financements! Je trouve cela excellent.Tout le monde se marre et Bourgi répond aussi par un “Ça m'amuse” lorsqu'on lui parle de la cooptation des ministres du gouvernement par Omar Bongo en personne... Quel cynisme!...
Elf est au cœur de la Françafrique. Et, en termes géographiques, ce cœur, c'est le Gabon, avec Omar Bongo au pouvoir pendant plus de 40 ans ! Ce qui est passionnant, c'est qu'avec l'affaire Elf se produit une inversion des rapports de force. Avec ce scandale, Omar Bongo reprend la main sur un certain nombre de ses obligés français. L'affaire Elf est fondamentale dans les relations franco-africaines. Omar Bongo était le doyen de cette Françafrique, il était l'homme des services rendus, de la défense des intérêts français. Bongo se rend indispensable. Et c'est d'ailleurs pour cela qu'il explose des années plus tard avec les enquêtes judiciaires sur les «biens mal acquis», les investissements divers de dictateurs et chefs d'Etat à Paris. Comment, pense Bongo, je donne tout à ces Français, et ils me font cela!.."
(Mediapart)
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Françafrique, l'envers de la dette -
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Françafrique, pas morte
-Cameroun 1955-1962 : la guerre cachée de la France en Afrique
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Article repris dans Agoravox

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