samedi 22 octobre 2011

Gare aux nano-Brothers!

Citoyens sous contrôle

___Avant de quitter la CNIL, Alex Tük n'y va pas par quatre chemins ; il ne fait ni dans les circonlocutions ni dans la langue de bois. Il fait part de ses craintes concernant les atteintes possibles à la vie privée que sont susceptibles de provoquer des technologies de plus en plus sophistiquées, que nous ne remarquons souvent pas ou auxquelles nous adhérons parfois avec enthousiasme. Il pense que Big Brother sera bientôt impossible à arrêter...tout en sachant se rendre indispensable.
"... Ce qui m'inquiète le plus est le laisser-faire. Dans cinq ou dix ans, notre mode de vie aura été profondément bouleversé, la protection des libertés individuelles aura été altéré, mais il sera trop tard. Il faut que les pouvoirs publics, en France comme ailleurs, mettent en place des instruments d'évaluation des avantages et dangers des technologies, en particulier dans les domaines de vidéosurveillance, de biométrie, de géolocalisation et de développement du réseau internet. Pour l'heure, rien n'est fait. Et je suis extrêmement pessimiste sur l'avenir, je ne me fais aucune illusion... Avec mon livre "La vie privée en péril" [éd. Odile Jacob], j'ai voulu prendre date sur ce que j'ai pu constater durant mes huit ans de présidence de la Cnil et alerter sur l'état d'urgence. Nos libertés sont chaque jour un peu plus rognées, de manière lente et progressive. Un jour, on s'en rendra compte, mais il sera trop tard, cela aura été trop loin..."
__Il n'est ni le premier ni le seul à exprimer des craintes à ce sujet, mais son autorité et son expérience leur donnent plus de poids. Par ailleurs, il déclare:
"La multiplication et la miniaturisation des systèmes de géolocalisation et d'identification va aboutir à une société où il ne sera plus possible de cacher aux autres où nous nous trouvons, redoute le président de la Cnil. La Cnil a peur de la géolocalisation sur Internet et de ses effets. A l'occasion des Assises du numérique jeudi soir, lors d'une table ronde consacrée aux droits et devoirs des citoyens en ligne, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés a lancé une sévère mise en garde : «Nous risquons d'entrer dans une société où il ne sera jamais plus possible de cacher aux autres où nous nous trouvons, et avec qui nous nous trouvons. Ce serait une société invivable».
C'est pourtant vers cette société que l'on se dirige, selon Alex Türk, car la géolocalisation s'immisce partout. Sur Internet, elle est désormais intégrée à Facebook, où l'on vient partager volontairement sa position avec ses amis, grâce à la puce GPS de son smartphone. La Cnil avait déjà exprimé
sa méfiance contre ce service en octobre. Google n'est pas en reste. Il sait déjà suggérer des recherches en fonction de l'emplacement de l'internaute, et garde en mémoire le parcours de ses utilisateurs. La géolocalisation s'invite aussi dans les lieux publics ou les entreprises, grâce à des dispositifs d'identification en apparence inoffensifs. Dans les stades, les caméras vidéo qui balayent les tribunes peuvent reconnaître un spectateur, identifié par son billet équipé d'une puce RFID. Elles savent donc, à son insu, où il est placé et ce qu'il fait. Ce qui vaut pour la sécurité aujourd'hui peut être étendu à la publicité. Cette semaine, des militants antipub ont barbouillé dans le métro parisien des écrans publicitaires équipés de capteurs, qui comptent les passants et leur temps d'exposition. «Comment fera-t-on pour réguler ces choses-là ?»
A l'avenir, cette mobilisation sera plus périlleuse car les technologies seront toujours plus discrètes. «L'utilisation des nanotechnologies fera que l'on ne sera plus dans l'hypothèse d'un bon gros Big Brother, mais de millions de petits Big Brothers disséminés dans la nature de manière métastatique», prévient Alex Türk. Or, il est bien plus difficile de s'opposer à des ennemis diffus qu'à une autorité bien identifiée. «Comment fera-t-on pour réguler ces choses-là ? On ne se pose pas ce genre de questions», juge-t-il.

__Rien à craindre, dira le citoyen pensant n'avoir rien à se reprocher. Pas si simple. Le problème déborde largement celui de la prévention affichée de formes diverses de délinquance.
Il semble que nous prenions le chemin d'une
traçabilité totale, qui remet en question la notion même de vie privée dans des domaines que nous ne soupçonnons pas toujours. Un small brother discret et permanent....
Le fichage, parfois de sinistre mémoire, n'est pas nouveau, mais il prend aujourd'hui des formes aussi pernicieuses qu'insoupçonnées. Même le smartphone nous espionne dans notre poche.
Chacun peut être
pisté sans qu'il le sache et pas seulement pour des raisons commerciales.

___Il est urgent de rappeler
, avec Antoinette Rouvroy que la vie privée n’est pas un droit fondamental parmi d’autres, elle est la condition nécessaire à l’exercice des autres droits et libertés fondamentaux” et que “le droit à la protection de la vie privée joue notamment le rôle d’un “système immunitaire de l’espace psychique”“.
«Plus on est habitué à être observé, moins on est sensible aux atteintes à la vie privée»

Le numérique pourrait bien se révéler un de nos pires ennemis, si des règles et des garde-fous ne sont pas rapidement mis en place. Le droit à l'oubli numérique, notamment, devrait être érigé en norme absolue. Ce sont nos libertés qui sont en cause.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire