lundi 9 juin 2014

Sauver l’Europe?

     Ouvertures?
                                      A l'heure où les dysfonctionnements de l'Union européenne apparaissent avec d'autant plus d'évidence que la crise s'installe, révélatrice de maux anciens, et où les critiques de toutes sortes et de tous bords, de forme ou de fond, se font jour plus nettement, des voix jusqu'ici silencieuses s'élèvent avec la prétention de sauver l'Europe...
   Une réformer à la marge ou pour en modifier profondément les structures et le mode de fonctionnement?
   Alors qu'un nouveau pays, la Lituanie, obtient son laissez-passer pour l'euro, beaucoup s'interrogent sur l'élargissement sans fin assignée d'un espace européen devenu sans cohérence politique et ingouvernable, où la convergence proclamée est devenue un mythe et la solidarité un idéal lointain.
       Hubert Védrine, jusqu'ici discret et modéré, demande d'urgence un plan pour sauver l’Europe des européistes, "ceux qui veulent toujours « plus d’Europe », une « Union sans cesse plus étroite », et que l’Europe soit gouvernée de Bruxelles, les gouvernements nationaux étant ramenés au rôle d’un « Sénat ». Qui répètent, obstinément, depuis vingt ans, les mêmes arguments inopérants, suivis après chaque scrutin des mêmes lamentations. Qui refusent de voir que la répétition mécanique de slogans éculés, les incantations, la grandiloquence historique, l’injonction d’avoir à voter « bien », et la stigmatisation de ceux qui s’apprêtent à mal voter – « l’excommunication des populistes » (Paul Thibaud) – n’ont aucun effet, ou même l’effet inverse..."
      Le versatile mais parfois lucide Michel Rocard vitupère contre le jeu européen ambigü des Britanniques, toujours un pied dedans et un pied dehors, qu'il voudrait voir quitter l'U.E, eux qui, toujours surtout soucieux des intérêts financiers de la City et de leurs relations privilégiées avec les USA, ont tant oeuvré pour les choix néolibéraux de la Commission de Bruxelles, cheval de Troie des intérêts d' Outre-Atlantique sur le vieux continent.
          Pierre de Boissieu, eurocrate s'il en est, parle en termes non conventionnels de l'Europe comme l'homme malade de la communauté internationale,  évoquant trois attitudes possibles face au mal qui ronge  la création d'après-guerre, qui promettait tant:
                    "La première consiste à dire : l’Europe subit une crise de croissance qui se résoudra comme d’autres crises se sont résolues dans le passé par la même recette : une dose plus massive. Il faudra plus d’Europe, il faudra faire le saut décidé dans la fédération.
    À l’inverse, il y a ceux qui considèrent que le malade est maintenant au stade terminal et qu’il est temps de débrancher les appareils, d’arrêter l’acharnement thérapeutique et de passer à autre chose.
   Entre les deux il y a toute la gamme de ceux qui, sans illusion sur la gravité du mal, ne désespèrent pas malgré tout du malade et, considérant qu’il serait trop horrible de l’abandonner à son triste sort, conçoivent des formules pour tenter de rétablir le malade par des soins intensifs et éclairés tout en lui ménageant un régime un peu plus modéré, des ambitions un peu moins hautes
..."

     Frédéric Lordon porte le flambeau de ceux pour qui l'acharnement thérapeutique est vain et qui demandent de nouvelles négociations pour reconstruire de fond en comble l'édifice sur des bases enfin démocratiques et sur une nouvelle logique économique, loin de la concurrence européenne destructrice.
    De l'autre côté du Rhin, un vieux sage, Helmut Schmidt, met en garde contre les dérives d'une Europe sans politique étrangère autonome et cohérente, trop atlantiste, trop liée à celle de Washington.
                 Peut-on encore évoquer la prémonition de Victor Hugo en 1849?
          Le 21 août, il prend la parole pour ouvrir le congrès de la paix. Il préconise une Europe des peuples, une Europe qui s’affranchit des frontières, qui s’affranchit donc des différences qu’induit l’appartenance à une nation. Il finit son discours ainsi :
        « Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! »   
    L’Europe doit-être ce territoire d’échange, de coopération, de fraternité qui, en abolissant les frontières physiques comme psychiques, conduit à la paix grâce à une convergence internationaliste, une convergence vers le progrès.....Propos qu'on peut juger utopiques, certes, mais l'utopie d'aujourd'hui, loin d'un européisme stérile, ne pourrait-elle pas être la vérité de demain, comme le suggérait le même Hugo?
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