Pour la diversification
Faut-il dire: L'économie est une science trop sérieuse pour être laissée aux économistes...
Ou: l'économie est une science trop imparfaite, voire une connaissance trop problématique, pour que nous lui fassions pleine confiance?..
Cela dépend de son objet, de ses hypothèses, de ses parti-pris, de ses présupposés et de ses ambitions, secrètes ou masquées.
Si elle a pour projet de donner une vaste synthèse sur les mécanismes de production et d'échanges à l'intérieur d'une société dans son rapport aux autres, de décrypter ses causes et ses effets en se projetant ambitieusement vers l'avenir, il est sûr qu'il faut se montrer particulièrement prudent, malgré l'intérêt que peut présenter l'éclairage particulier qu'elle présente.
Car l'économie (micro ou macro) n'est pas une science dure, elle n'est qu'une connaissance humaine ou sujet et objet sont inextricablement liés, où l'objectivité pose des problèmes spécifiques et aigus.
Beaucoup d'économistes le savent bien mais le disent trop peu.
Des débats, trop souvent feutrés ou méconnus, on lieu régulièrement entre eux, au sujet des méthodes et des limites de leur discipline.
Comme dans le récent échange entre André Orléan et Jean Tirole, dans le Manifeste pour une économie pluraliste publié cette semaine. Le premier réclame que J.Tirole, éminent représentant de l’économie dite
“néoclassique”, qui prône la dérégulation, soit le porte-parole d’un
courant parmi d’autres, et pas de toute l'économie. Il réclame un
pluralisme opposé à une forme de pensée unique. Un pluralisme qui vient
d’être refusé à l’Université…
« Historiquement l'économie a toujours été un lieu de débat, ce
n’est pas une science exacte et donc les débats ont toujours existé,
jusqu'aux années 90, explique André Orléan à Mediapart. La France
apportait beaucoup, elle était une terre d'accueil de ce pluralisme et
ça s'est arrêté parce que le corpus dominant, celui des néoclassiques, a
été de plus en plus dominant. La théorie néoclassique a pris des
positions de pouvoir et elle a perdu une espèce d'esprit critique. Les
néoclassiques se présentent tout le temps comme les seuls défenseurs de
la seule vraie science. Il n'y a plus aucun débat... On ne peut pas faire vivre la recherche de cette manière. Toutes ses
forces vont absolument dans le même sens, or la seule vraie force est
de dire "méfiez-vous, ce n'est pas parce que vous êtes puissant que
vous dites la vérité, ce n’est pas parce que vous avez le prix Nobel que
vous dites forcément la vérité". La vérité, c'est l'esprit critique,
et on ne peut pas faire un corps scientifique sans cet esprit critique
et sans cette humilité. La crise financière a quand même montré
au monde quels étaient les dangers d'une pensée unique qui ne
s'autocritique pas. Or rien n'a changé ! Les capacités d'autorégulation
de ce corps de néoclassiques sont nulles. »
Ce qui est reproché ici, c'est la quasi exclusivité laissée aux voix néoclassiques, qui sont, ouvertement ou non, instrumentalisées par les gouvernements et les médias, qui, sans le dire, défendent la pensée libérale.
C'est aussi l'absence de débats sur les résultats et surtout les présupposés, les choix, qui président à la recherche dans ce domaine. Il y a une réelle demande de changement.
Comme si on avait oublié l'état de désarroi, de déroute même, dans lequel s'étaient trouvés des économistes bien pensants après le choc de la crise qu'il n'avaient pas vu venir, et qui retournent dans les mêmes ornières, les mêmes errements qu'avant, parfois au service d'un groupe bancaire comme conseillers financiers.
L'hétérodoxie perd du terrain au profit de la doxa officielle, qu cède au dogmatisme, au conformisme ou à la pusillanimité.
Comme disait l'économiste Maurice Allais, A
toutes les époques de l’histoire, le succès des doctrines économiques a
été assuré, non par leur valeur intrinsèque, mais par la puissance des
intérêts et des sentiments auxquels elles paraissent favorables... La
science économique, comme toutes les sciences, n’échappe pas au
dogmatisme, mais le dogmatisme est ici considérablement renforcé par la
puissance des intérêts et des idéologies ». [Maurice Allais_ 1968]
-Krugman fustigeait naguère "la cécité de la profession sur la possibilité de défaillances catastrophiques dans une économie de marché"."Durant
l’âge d’or, les économistes financiers en vinrent à croire que les
marchés étaient fondamentalement stables - que les actions et autres
actifs étaient toujours cotés à leur juste prix"---- M. Greenspan
avouait qu’il était dans un état d’ « incrédulité choquée » car «
l’ensemble de l’édifice intellectuel » s’était « effondré ». Cet
effondrement de l’édifice intellectuel étant aussi un effondrement du
monde réel de marchés, le résultat s’est traduit par une grave
récession"( P.K.)_
« Lorsque
dans un pays le développement du capital devient un sous-produit de
l’activité d’un casino, le travail est susceptible d’être bâclé. », disait Keynes.
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