vendredi 4 décembre 2009

Identité nationale: dérapage?



Quand un débat légitime s'égare

Une droite piégée?

Le sujet est sensible , les questions mal posées, le calendrier discutable

"L'objectif de Nicolas Sarkozy est de consolider les positions qu'il a prises en 2002 sur l'électorat traditionnel du Front national, en vue des régionales"

-"Il est temps aujourd’hui de réaffirmer publiquement, contre ce rapt nationaliste de l’idée de nation, les idéaux universalistes qui sont au fondement de notre République"

-"Quand on pose de mauvais questions, on obtient de mauvaises réponses. Avec ce questionnairepréparé par le ministère de l'immigration], on est dans un vrai foutoir. Je regrette qu'on ne réfléchisse pas avant de lancer des débats pareils...
Au fond, la seule question identitaire qui vaille, c'est «qu'est-ce que l'homme?» Or pour moi, c'est une question universelle, pas nationale... En ces temps où l'on redécouvre toute l'humanité d'Albert Camus (Nicolas Sarkozy ayant proposé de transférer au Panthéon les cendres de l'écrivain, mort il y a bientôt 50 ans), comment peut-on ouvrir un débat aussi douteux? Pour éviter les crispations, j'aurais préféré qu'on se demande: «Qu'est-ce que la Nation?» Pour moi, c'est tout simplement la République. A partir de là, les élus auraient pu s'interroger sur les politiques mises en œuvre à l'école, dans les quartiers, à travers l'urbanisme, pour apprendre à être français..."
[ (M.Piron -UMP]
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-Identité nationale : Sarkozy piégé:
"Jusque-là, le pouvoir avait toute raison de se féliciter de son idée de débat sur l'identité nationale, lancé depuis la case « immigration ». Cela marchait comme sur des roulettes. Malgré quelques protestations -justifiées- contre les arrières-pensées électorales de l'Elysée, le débat a « mordu » dans l'opinion et a pris de l'ampleur.______Les intellectuels s'y sont plongés avec délice, noircissant les pages « opinion » des journaux ; les Français se pressent aux réunions organisées sur le sujet ; Eric Besson, traître à la gauche devenu sa cible, est désormais auréolé de ce succès, au point que même Libération juge qu'il « trahit avec panache ». Le pouvoir, quand à lui, anime le « grand débat » sans grande orientation : l'essentiel est que l'on entende les mots « national », « immigration » et « sécurité ».______L'objectif de Nicolas Sarkozy est de consolider les positions qu'il a prises en 2002 sur l'électorat traditionnel du Front national, en vue des régionales. Et pour y parvenir, il n'hésite pas à aiguillonner ses lieutenants. Sur l'immigration, leur a-t-il déclaré, »allez y à fond la caisse » ! Sur l'identité nationale, il leur a lancé : « Je veux du gros rouge qui tache » (traduire : ciblez les milieux populaires)… L'UMP s'y est mise à coeur joie. Mariages gris, burqa, expulsions et couvre-feu… tout est bon pour nourrir les passions.Problème, le gros rouge tache plus fort que prévu. Il éclabousse. L'affaire des minarets suisses, imprévue, a libéré la parole. Les inhibitions tombent, avec des bruits de vase. La xénophobie suinte sur le site mis en place par le ministère. Un maire UMP peut même déclarer sans honte qu'il est « temps de réagir » pour ne pas « se faire bouffer » par ces « dix millions » (il ne les nomme pas) que l'on « paye à ne rien foutre »… Ajoutez à cela l'apparition de sondages sur les mosquées, et le tableau est complet.Tel le docteur Frankenstein, la droite voit sa créature prendre son autonomie et détruire tout sur son passage. Conçue pour siphonner les voix du Front national, elle vient gonfle l'extrême-droite dans les têtes d'abord, en attendant de gagner le fond des urnes en 2010. La machine, devenue folle, se retourne contre ses créateurs : elle fabrique désormais du FN, du bon gros FN qui tache..."


-Identité nationale: le débat dérape:
"Et si le grand débat bessonien sur l’identité nationale n’était finalement qu’un piège à c… dans lequel l’UMP est tombée après l’avoir tendu ? L’affaire semblait imparable : une majorité gouvernementale «décomplexée» «posait les vrais problèmes» et se faisait la garante d’une certaine intégrité française face aux menaces supposées de la mondialisation et - surtout - de l’immigration. L’opposition était embarrassée et l’extrême droite concurrencée sur son propre terrain. Quinze jours plus tard, la belle machine a dérapé. Organisés sous le contrôle des préfets, comme sous le Second Empire, les débats n’attirent que quatre pelés et trois tondus (lire page 4) plus ou moins xénophobes ; la majorité se divise et les plus lucides, tels Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin, expriment tout haut leurs doutes sur cette équipée qui fait le jeu de l’extrémisme....
on arrive au non-dit à peine dissimulé de toute cette affaire : la place de l’islam dans la société française, devenu par l’effet de l’immigration la deuxième religion du pays. Les initiateurs du débat voulaient user de la peur pour accroître leurs soutiens. Ils s’aperçoivent un peu tard qu’ils ont ouvert une boîte de Pandore. Certains y trouvent l’occasion d’exprimer une intolérance jusque-là occultée par le discours calibré des responsables. Républicaine, une partie de l’UMP craint désormais les dérapages qui nourriront le Front national. Mais là encore, la négation bien-pensante des difficultés ne sert à rien. La seule stratégie consiste à rechercher avec les minorités religieuses ou culturelles une identité commune. Pour mettre les points sur les i : l’islam fait et fera partie intégrante de l’identité française contemporaine, comme le protestantisme et le judaïsme. Ce qui passera par des conflits mais débouchera sur un enrichissement : l’identité multiple est l’avenir du monde. Les efforts seront partagés. Les musulmans doivent se couler dans les principes de la laïcité républicaine. La République doit en échange leur garantir une place égale et juste, comme aux autres citoyens. Une partie de l’opinion s’y refuse : telle est la bataille à venir. C’est le seul sens légitime de cette discussion, à la fois douloureuse et positive....
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-"Nous exigeons la suppression du ministère de l’Identité nationale et de l'immigration":
"«Promesse électorale de Nicolas Sarkozy, la création d’un ministère chargé de l’Immigration et de "l’Identité nationale" a introduit dans notre pays un risque d’enfermement identitaire et d’exclusion dont on mesure, chaque jour depuis deux ans et demi, la profonde gravité. Très officiellement, des mots ont été introduits sur la scène publique, qui désignent et stigmatisent l’étranger - et par ricochet, quiconque a l’air étranger. Réfugiés et migrants, notamment originaires de Méditerranée et d’Afrique, et leurs descendants, sont séparés d’un «nous» national pas seulement imaginaire puisque ses frontières se redessinent sur les plans matériel, administratif et idéologique.____«Qu’a fait naître ce ministère? De nouveaux objectifs d’expulsion d’étrangers (27 000 par an), des rafles de sans-papiers, l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention, le délit de solidarité, l’expulsion des exilés vers certains pays en guerre au mépris du droit d’asile, la multiplication des contrôles d’identité au faciès, enfin la naturalisation à la carte, préfecture par préfecture, qui rompt avec le principe d’égalité…«Dans cette fissure de la République se sont engouffrés nos dirigeants. Par des propos inadmissibles dans une démocratie, banalisés et désormais quotidiens, ils légitiment tous les comportements et les paroles de rejet, de violence, et de repli sur soi. Nous ne sommes pas ici face à des "dérapages" individuels. En réalité, ces propos sont la conséquence logique d’une politique que le gouvernement souhaite encore amplifier sous le couvert d’un "débat" sur l’identité nationale. Nous sommes ainsi appelés à devenir coauteurs et coresponsables du contrôle identitaire sur la France.«La circulaire ministérielle adressée aux préfectures pour encadrer le débat lance une interrogation : "Pourquoi la question de l’identité nationale génère-t-elle un malaise chez certains intellectuels, sociologues ou historiens ?" La réponse est simple. Nous ne pouvons pas accepter que le regard inquisiteur d’un pouvoir identitaire puisse planer, en s’autorisant de nous, sur la vie et les gestes de chacun.«C’est pourquoi il est temps aujourd’hui de réaffirmer publiquement, contre ce rapt nationaliste de l’idée de nation, les idéaux universalistes qui sont au fondement de notre République.«Nous appelons donc les habitants, les associations, les partis et les candidats aux futures élections à exiger avec nous la suppression de ce "ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration", car il met en danger la démocratie

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L'Appel de Mediapart: «Nous ne débattrons pas»:
"Par principe, nous sommes favorables au débat. A sa liberté, à sa pluralité, à son utilité. C'est pourquoi nous refusons le « grand débat sur l'identité nationale » organisé par le pouvoir : parce qu'il n'est ni libre, ni pluraliste, ni utile.Il n'est pas libre car c'est le gouvernement qui le met en scène, qui pose les questions et qui contrôle les réponses. Il n'est pas pluraliste car sa formulation réduit d'emblée notre diversité nationale à une identité unique. Il n'est pas utile car cette manœuvre de diversion est une machine de division entre les Français et de stigmatisation envers les étrangers.Affaire publique, la nation ne relève pas de l'identité, affaire privée. Accepter que l'Etat entende définir à notre place ce qui nous appartient, dans la variété de nos itinéraires, de nos expériences et de nos appartenances, c'est ouvrir la porte à l'arbitraire, à l'autoritarisme et à la soumission.La République n'a pas d'identité assignée, figée et fermée, mais des principes politiques, vivants et ouverts. C'est parce que nous entendons les défendre que nous refusons un débat qui les discrédite. Nous ne tomberons pas dans ce piège tant nous avons mieux à faire : promouvoir une France de la liberté des opinions, de l'égalité des droits et de la fraternité des peuples. .."
À l'attaque du ministère de l'identité nationale! | Mediapart:
"...Ils sont historiens, sociologues ou anthropologues, leurs recherches croisent les questions d'identité, et ils ne supportent plus l'usage idéologique qui est fait d'une notion aux contours multiples et mouvants. Nombre d'entre eux se sont exprimés, depuis deux ans, dans la revue Vacarme, qui n'a pas attendu le «grand débat sur l'identité nationale» pour s'interroger sur l'entreprise identitaire engagée par le pouvoir exécutif et sur les dangers que renferme ce processus de fabrication de normes excluantes.___La création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, au lendemain de l'élection présidentielle de 2007, a servi de déclencheur à une réflexion visant à «faire face» à la nouvelle donne politique. Pour la déconstruire et la défaire, une série de textes ont été publiés, à l'initiative de l'anthropologue Michel Agier, directeur du centre d'études africaines de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et auteur de Gérer les indésirables (Flammarion, 2008). Rémy Bazenguissa-Ganga, Saïd Bouamama, Christian Cécile, Marie Cosnay, Achille Mbembe et Sophie Wahnich ont ainsi été mis à contribution pour décrire les soubassements et mesurer les conséquences du clivage instauré arbitrairement entre un «nous» national et «les étrangers», ou ceux qui en ont les apparences.___À la tête du ministère de l'immigration et de l'identité nationale, Brice Hortefeux d'abord, Éric Besson ensuite, se sont appliqués à mettre en œuvre cette stratégie de la division, dont les effets sont déjà bien visibles: entre autres, des dizaines de milliers de sans-papiers ont été enfermés dans des centres de rétention partout en France, beaucoup ont été expulsés, des rafles ont été organisées dans les quartiers des grandes villes et des campements où se retrouvaient des exilés afghans ou irakiens ont été détruits dans le Calaisis.___Face à un «débat» imposé par le gouvernement, Mediapart a jugé utile de rassembler ces textes, complémentaires de la démarche de démontage de la politique migratoire française engagée par Cette France-là, collectif de chercheurs, militants et journalistes. Cet ensemble d'articles résonne aussi avec l'appel «pour la suppression du ministère de l'identité nationale et de l'immigration»Libération. Vingt chercheurs y dénoncent le «rapt nationaliste de l'idée de nation». Parmi eux, outre Michel Agier: Gérard Noiriel et Patrick Weil, tous deux démissionnaires de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, après la création du ministère..."

-Saber Mansouri, historien : «Nous sommes en pleine régression par rapport à la IIIe République» | Mediapart:

-Comment défendre les mythes nationaux avec l'outillage mental du XXIe siècle?» «...Comment avez-vous perçu le discours de Nicolas Sarkozy à La Chapelle-en-Vercors le 12 novembre dernier ?Tel un florilège croulant sous les accumulations. Il a ainsi déclaré: «Quand je regarde ce drapeau qui s’est couvert de gloire au nom de la liberté sur tous les continents, quand j’entends La Marseillaise chantée avec ferveur, quand je lis les noms inscrits sur les monuments aux morts de nos villages, quand je vois dans l’armée française qui défile magnifiquement le 14 juillet le long travail des siècles, quand je rencontre des ouvriers dans les usines ou quand j’entre sous la coupole de l’Académie, je me sens honoré d’être français. Être français est un honneur. Il nous appartient à tous de le mériter.»Songez que la veille, il était avec la chancelière allemande à Paris, que trois jours avant, il était à Berlin, toujours avec Angela Merkel. Et le voilà qui se livre à cette tirade régressive rédigée par un Henri Guaino, revue et corrigée par un Max Gallo, qui semblent avoir «tapirisé» un président de la République inconsistant, sans aucune envergure intellectuelle, s’en laissant littéralement conter. Y croit-il seulement ? Jusqu’où va son opportunisme ? Comment peut-il jongler avec de telles vieilles lunes alors qu’il s’est fait élire sur le dogme de la rupture ?..."

-Yazid Sabeg: "Je déplore les termes de ce débat

-ReSPUBLICA » Nicolas Sarkozy et la boite de Pandore

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-Histoire revisitée
-Identité nationale: diversion?
-Les minarets de la discorde

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