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samedi 14 novembre 2009

Histoire revisitée


Histoire instrumentalisée

Une interprétation de l'histoire au service des intérêts politiques présents et des projets d'avenir
_________________Le présent n’est pas brillant, l’avenir semble échapper au volontarisme magique, reste le passé qu'on torture pour en faire un élément fédérateur, faute de mieux...
-"Il n’y a guère pire « explosif » que l’Histoire, laquelle fournit à tous des preuves de tout et son contraire. Il n’y a d’ailleurs guère de matière plus volatile : instrumentalisée sans scrupule par les tenants de toutes idéologies pour leur permettre de prendre plus aisément le pouvoir. On dit souvent que l’Histoire, mise au service du nationalisme, ne vaut guère mieux que l’ignorance."(Le Taurillon)
-"L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. "-( Paul Valéry)

-"Les procédés multiples par lesquels Nicolas Sarkozy réécrit l’histoire à sa façon sont lourds de conséquences : produisant un brouillage du sens de l’histoire, ils ont pour but de désarmer toute critique. Nicolas Sarkozy ne détourne pas par hasard nombre de références historiques de gauche comme Jaurès ou le Front populaire, il n’inverse pas innocemment le sens de mai 1968 au point de prétendre en faire l’origine du capitalisme amoral que Mai 68 combattait"
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-L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur national-libéral :
"L’usage de l’histoire et surtout des grandes figures du passé dans les discours des hommes politiques n’est pas une nouveauté. Les orateurs de la Révolution française et surtout les « pères fondateurs » de la IIIe République ont fait de la citation, de la référence, et de la convocation des « Anciens » des éléments majeurs de la rhétorique politique et de l’éloquence. Notre attention est retenue surtout par l’inflation de ces références alors même que partout domine le cliché des Français ignorant l’histoire de France tandis qu’une poignée d’entre eux peut espérer participer aux nouveaux jeux télévisés animés par quelques-uns de nos doctes collègues. Cette inflation n’est pas seulement surprenante en quantité, mais aussi en qualité pourrait-on dire tant elle est l’objet d’un surinvestissement à droite et plus encore dans les discours de Nicolas Sarkozy. La thématique nationale du discours de Nicolas Sarkozy s’appuie constamment sur la légitimation par le « grand homme ». La référence historique sert ici à s’inscrire dans la continuité de l’histoire nationale tout en martelant la rupture et en captant l’histoire de la gauche. Le Panthéon de Nicolas Sarkozy est à cet égard particulièrement significatif (les décomptes sont effectués sur 6 discours discours entre celui de Tours le 10 avril et celui de Marseille le19) : Jean Jaurès revient à 37 reprises, Jules Ferry 17, de Gaulle 12 et Léon Blum à 7 reprises. Ceci n’a évidemment pas manqué d’interpeller de nombreux observateurs (voir l’interview d’Henri Guaino sur France-Inter, le 25/4/07 entre 8h20 et 9h00 et divers sites internet).
POURQUOI ?Nicolas Sarkozy utilise l’histoire dans un double but : produire un nouveau rêve national qui brouille toutes les analyses et toutes les convictions ; détourner l’attention de son programme réel que l’on peut qualifier de national-libéral et dont les premières victimes seront les cibles directes de ses discours de récupération.Depuis longtemps, histoire et politique sont étroitement liées, mais la campagne électorale porte à son paroxysme l’interaction entre propagande électorale et instrumentalisation du passé. Gauche et droite rivalisent en références historiques coupées de toute historicité. Les grandes figures du socialisme, les hommes de gouvernement se retrouvent aux côtés des défenseurs d’une patrie mythique. De Jeanne d’Arc à Léon Blum, de Jaurès à Barrès, les figures se déplacent au rythme des manifestations publiques et de la course aux suffrages des candidats. Le héros national ancré dans un terroir, auquel la région serait identifiée, est invoqué afin de valoriser l’électorat visé. Le procédé est connu mais toujours renouvelé en fonction des polémiques et des enjeux du moment. Il est poussé à l’absurde dans bon nombre des discours de ce que la presse, en sa grande majorité, salue comme une excellente campagne et qui n’est qu’une suite de clichés et d’usages biaisés de l’histoire ....
MAI 68 : le repoussoir_____Cette réécriture de l’histoire a évidemment un objectif assez grossier qui est d’en déposséder la gauche actuelle, celle qui, paradoxalement, après 1984, a pris un virage social-libéral et qui, sans doute à ce moment-là s’est éloignée d’un électorat populaire. Mais ce n’est pas là que Nicolas Sarkozy marque le tournant de la gauche. Pour lui, clairement, c’est Mai 68. Là se situe un tournant conduisant, selon lui, à la négation des valeurs, du travail, de l’autorité, etc. L’insistance mise sur Mai 68 pour caractériser la gauche actuelle relève, là encore de l’escroquerie intellectuelle : est-il nécessaire d’insister ici sur la complexité de l’événement dans ses différentes phases étudiante, sociale, politique ; d’insister sur l’aspect problématique de ses inspirations marxistes : est-il nécessaire de rappeler la concurrence féroce faites par les nébuleuses gauchistes d’alors au PCF et la CGT ? Jamais sans doute le fossé n’a semblé plus grand entre « communistes orthodoxes » et gauchistes (trotskistes,libertaires, maos, etc.) : il est impossible d’en faire le substrat idéologique de l’actuel Parti Socialiste.C’est surtout « L’esprit de 1968 », dont la saisie historique échappe à l’homme de pouvoir, qui ne cesserait de déstabiliser l’ordre existant. Quoi qu’on pense des événements de mai, dont l’écriture est encore en débat, le sens donné aujourd’hui par les hommes d’ordre comme Sarkozy ne porte pas sur l’interprétation des événements mais sur son « esprit ». Qu’est-ce à dire ? S’agit-il de l’esprit révolutionnaire ? Du besoin des « gens » de s’occuper des intérêts collectifs ? De la volonté des citoyens de prendre en charge leur part de souverain ? Ou, tout simplement, de la nécessité de renouer avec la démocratie en s’occupant du bien commun ? L’esprit critique, en effet, a sans aucun doute permis de croire que la victoire des idées, des partis, des forces en présence, n’était pas irréversible et que le parti vainqueur pouvait être le vaincu de demain. Mais en rappelant le souvenir de de Maistre et de Bonald qui, en leur temps, ont jugé contre-nature la révolution de 1789 dont le déroulement avait dévié le cours normal de l’histoire, Nicolas Sarkozy signifie, de manière non équivoque, que ce qui est, est ce qui devait être. Comme si la pratique politique, échappant aux conflits, n’avait de sens que dans le respect de l’ordre « naturel » des choses et des hommes. Des inégalités aux intelligences, la « nature » déterminerait l’organisation sociale. Là est le danger le plus grave pour notre démocratie.Et si les hommes sont ce qu’ils doivent être en fonction de leur patrimoine génétique, alors effectivement l’esprit de 1968 est dangereux, car il a permis, entre autres, de penser que l’inégalité entre hommes et femmes n’était ni dans la nature humaine, ni dans celle des sociétés.
LES LUTTES SOCIALES OUBLIEES : le Front populaire__Dans sa tentative de réécrire l’histoire, Nicolas Sarkozy va jusqu’à annexer le Front populaire. Mais s’il annexe les congés payés qu’il réduit à une imagerie, il écarte la semaine de 40 heures – tout rapprochement avec les 35 heures serait gênant. Surtout, il omet de préciser que les acquis sociaux du Front Populaire ne sont que le fruit de la pression du vaste mouvement de grève du printemps 1936, lorsque Marceau Pivert s’écriait « Tout est possible ! » (une expression que reprend Nicolas Sarkozy dans son discours). Précisons aussi que les acquis sociaux de 1936 furent, dès 1937, contestés et progressivement repris par la Confédération Générale du Patronat Français, ancêtre du MEDEF, dans ce que l’historien allemand Ingo Kolboom a appelé la « revanche des patrons ». L’histoire de la gauche française comme la réécrit Nicolas Sarkozy est aseptisée, sans conflit, à tel point que comme historien on serait tenté de lui demander quand la gauche est devenue marxiste. Ce n’est pas faire acte de « repentance » que d’essayer de comprendre l’importance des conflits sociaux, mais évidemment, c’est difficilement conciliable avec la défense du capitalisme que revendique aussi explicitement Nicolas Sarkozy. Il y a assurément loin de la « synthèse » de Jaurès entre la « République », c’est-à-dire la démocratie politique, et le social, à celle de Nicolas Sarkozy entre le national et le socialisme.Comment ne pas rire au final à cette assertion : « Cette gauche-là elle n’est pas l’héritière des luttes sociales, elle n’a rien à voir avec Jaurès ou avec Blum, elle n’a rien à voir avec les canuts lyonnais ou avec les communards qui se sont fait massacrer par Thiers » (discours de Tours le 10 avril ) ?....
CONSTRUIRE UN AVENIR_LE RÊVE_Le rêve américain__Faisons un sort au rêve, seule référence qui ne soit pas totalement hexagonale. Car en effet, il « fait un rêve » Nicolas Sarkozy, et ses pensées oniriques se nourrissent d’un détour transatlantique, en appelant à se souvenir des mots de Martin Luther King : « Je rêve qu’un jour sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité » (discours de Nicolas Sarkozy à Marseille, 19 avril 2007). Qu’un leader noir-américain de la lutte pour le Mouvement des droits civiques rejoigne son panthéon des grands hommes est assurément lourd de sens, car sous ce glorieux patronage Nicolas Sarkozy n’en finit plus de rêver sa France nouvelle débarrassée de tous ses maux (dans ce seul discours de Marseille, il rêve en effet 46 fois…). À l’été 1963, la marche de Washington avait rassemblé près de 250 000 personnes qui protestaient contre l’incapacité du gouvernement américain à résoudre la question raciale. King y avait prononcé son plus beau discours, endossant son rôle de pasteur, et mobilisant ses talents de preacher. Et c’est bien cette posture-là que lui confisque aujourd’hui Nicolas Sarkozy. La rhétorique de la litanie, policée par ses professionnels de la communication, use et abuse des formules répétitives qui scandent chacun de ses discours comme pour marteler des vérités quasi-transcendantales. Sarkozy y devient le grand rassembleur de foule, dont la mission confine à celle de guide spirituel. La méthode procède d’une double imposture. La première n’est pas anecdotique : on oublie trop souvent que le discours de King, dans la tradition afro-américaine du sermon, était en majeure partie improvisé, contrairement à l’usage statique et réifiant qu’en fait l’orateur Sarkozy, et qui clôt le discours sur ses leitmotiv, lui conférant une dimension plus propagandiste que mystique. La seconde tient à l’usage de la mémoire de Martin Luther King, instrumentalisé comme la figure historique consensuelle d’une Amérique qui combat pour ses droits et ses libertés. C’est faire injure au courage politique qui a dicté la marche de Washington dans une Amérique en proie aux crimes racistes, et oublier que King, pour l’occasion, avait bravé les menaces du directeur du FBI sur la liste noire duquel il figurait en bonne position comme l’explique Nicole Bacharan (Histoire des noirs-américains au XXè siècle, éditions Complexe, pp.154-162). Mais c’est aussi un moyen, pour Nicolas Sarkozy, d’activer l’image du dissident politique, persécuté, aux combats duquel l’avenir donnera raison et légitimité. S’autoproclamer héritier de King permet donc à Nicolas Sarkozy d’apparaître comme le libérateur inspiré des opprimés, et d’adresser au passage un clin d’œil au « rêve » américain qui anime ses desseins politiques
Le « rêve français »___Le mot dit tout : à l’opposé du « modèle », trop normé, le mot produit ce qu’il désigne : la mythologie politique. Ce rêve permet, là encore, de suggérer que, comme lui, comme Jaurès, il est menacé. Mais c’est aussi un autre « rêve », français, comme il dit Nicolas Sarkozy, pour lequel le premier sert de cache ou de leurre, comme chacune des références de Sarkozy : un rêve de revanche « nationaliste », après les années 60-70 de domination des forces sociales d’opposition et de domination intellectuelle de la gauche, après les décennies de crise sociale.La matrice du « rêve » est aussi probablement le tableau du même nom du peintre peintre d’histoire militaire Edouard Detaille. Sur la toile, des soldats français qui dorment, pendant le désastre de 70, et rêvent des armées napoléoniennes victorieuses. Ce tableau, exposé aujourd’hui au musée d’Orsay datant de 1888 a été perçu comme boulangiste : parce qu’il suggère la « Revanche », en récupérant et en fondant dans un même ensemble les couleurs du drapeau tricolore et le blanc des monarchistes. Sarkozy rêve de revanche. Mais à l’impossible revanche militaire, étant donnée la puissance française actuelle(elle aurait pu cependant consister à faire le choix de la participation à la guerre en Irak aux côtés des américains), Nicolas Sarkozy offre l’alternative de la revanche économique sur les 30 « piteuses ». Nous sommes dans la mondialisation : il ne saurait être question de la croissance dans le cadre de l’Etat-Providence dont les « excès » sont vivement dénoncés. S’il faut jouer la victoire économique, il faut la jouer dans la pleine concurrence : il faut le libéralisme concurrentiel associé structurellement à une société d’ordre et de police. Mais il faut aussi rassurer : le discours historique de Nicolas Sarkozy avec son cortège hétéroclite et incompatible de références républicaines, de Robespierre à Georges Mandel, sert à fournir cette colle idéologique rassurante....
CONCLUSION : une histoire détournée et inversée au profit d’une ascension sociale et politique.L’apparente confusion des références historiques de Nicolas Sarkozy, leur accumulation, leur caractère hétéroclite et paradoxal, pour celui qui se réclame de la droite décomplexée, ont plusieurs fonctions. Elles servent d’abord à faire oublier ses alliances sociales et médiatiques : le MEDEF et les grands patrons des médias. Pour parvenir au pouvoir, Nicolas Sarkozy est resté l’homme de l’ « entre soi de la grande bourgeoisie ». Elles ont ensuite un but idéologique précis : dissimuler par une agitation constante, la vérité de son programme économique et moral, ce néo-bonapartisme libéral qui le range du côté des dirigeants les plus inquiétants et les plus aventureux de la planète.Les procédés multiples par lesquels Nicolas Sarkozy réécrit l’histoire à sa façon sont lourds de conséquences : produisant un brouillage du sens de l’histoire, ils ont pour but de désarmer toute critique. Nicolas Sarkozy ne détourne pas par hasard nombre de références historiques de gauche comme Jaurès ou le Front populaire, il n’inverse pas innocemment le sens de mai 1968 au point de prétendre en faire l’origine du capitalisme amoral que Mai 68 combattait. C’est seulement au prix de ce confusionnisme de tous les instants qu’il peut espérer tromper les classes populaires, rassurer et leurrer les indécis. Nicolas Sarkozy est le contraire absolu du chiffonnier de l’histoire de Baudelaire et de Walter Benjamin, qui en sauve les débris pour tirer de l’oubli les vaincus du progrès. C’est la France comme entreprise en crise dont il se veut le repreneur sans scrupule : il en reprend les références en gros, quitte à les abandonner après, une fois la plus-value électorale effectuée."
-Sarkozy revisite l'histoire de France à la sauce « Bling-Bling »
>>Un Lavisse 2009 ?
-Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France ?
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Identité nationale: l'UMP kidnappe Jean Jaurès ! | Mediapart
-L’histoire bling-bling- Le blog de l'histoire-«Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France»-Nicolas Sarkozy préfère offrir de belles images puisées dans la mythologie -Le syndrome du poisson rouge - AgoraVox-Sarkozy et le 11 Novembre, une nouvelle lecture de l’Histoire____Nicolas Sarkozy puise dans le nationalisme un ressort électoral
_________Nationalisme et Histoire, liaisons dangereuses
____COMMENT ON RACONTE L’HISTOIRE AUX ENFANTS

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- Identité nationale: diversion?
-Guy Môquet :mémoire manipulée?

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