dimanche 11 septembre 2011

Les pauvres existent-ils?

Il paraît...

__On les appelle défavorisés, malchanceux, victimes, assistés...
On finit par ne plus les voir ou on s'habitue...
Surtout quand ils font partie du paysage, surtout quand ils travaillent.
Ils font des efforts: ils progressent...
Heureusement, les pauvres savent se faire discrets, surtout loin des beaux quartiers.
Ils ont le bon goût de ne pas trop (se) manifester.
Ce qui fait qu'on a tendance à les ignorer.
C'est tout un art. D'autant plus facile à exercer que
la solidarité devient une valeur en baisse.
__Aux USA, toute une tradition fait des pauvres des victimes d'eux-mêmes. Ils sont responsables de leur sort. Il y existe un vrai déni de l’inégalité.
En France, une partie de la droite décomplexée n'est pas loin de ce point de vue.
"...Les riches seraient plus entreprenants s’ils payaient moins d’impôts ; les pauvres seraient plus travailleurs s’ils recevaient moins de subsides. Des parrains aussi anciens que prestigieux fondent cette doctrine. Emissaire de la révolution américaine à Paris et rédacteur de la Déclaration d’indépendance, Benjamin Franklin estimait dès 1766 que, « plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d’eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. Au contraire, moins on fait pour eux, plus ils font pour eux-mêmes, et mieux ils se tirent d’affaire. » En somme, abandonner les indigents à leur sort serait un moyen de leur rendre service. L’avarice devient ainsi une forme intellectuellement avancée de générosité humaine voire, osons le mot, d’aide sociale...." (Reagan n'était pas loin de B.Franklin...)
__D'ailleurs les pauvres existent-ils vraiment? On se le demande:
"...« Quand on est RMiste, relevait ingénument Le Point du 28 septembre 2006, on a aussi droit à : l’allocation-logement à temps plein ; la suspension de ses dettes fiscales ; l’exonération de sa taxe d’habitation, de sa redevance, de sa cotisation à la couverture-maladie universelle ; l’accès gratuit à la complémentaire santé de la CMU ; la prime de Noël ; le tarif téléphonique social ; la réduction dans les transports, la gratuité des musées, diverses allocations supplémentaires (en fonction de son lieu d’habitation). » Le 4 juin 2011, Le Figaro Magazine réservait à son tour sa une à une périlleuse « Enquête sur la France des assistés : ces ‘allocs’ qui découragent le travail »
Pauvres riches qui doivent toujours cracher au bassinet, ou qui plutôt s'arrangent pour en pas avoir à le faire! Il y a tellement de manières d'échapper au fisc...
__Sarkozy a détourné la crise sur les pauvres, " les effets sélectifs de la crise: du fait de la politique économique et sociale, elle a d'abord frappé les foyers les plus faibles et les plus démunis. Face à la crise, le gouvernement a fait le choix de l'ajustement social: alors que les revenus des entreprises (et surtout des plus grandes) se sont très vite redressés sous l'effet notamment de plans de soutien à l'activité, alors que les très hauts revenus n'ont cessé d'être cajolés avec notamment la suppression partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune, les plus bas revenus n'ont profité d'aucune de ces attentions. Sous l'effet d'une crise économique historique, ce sont eux d'abord qui ont été atteints."
Avec la crise, les écarts se sont creusés en France.
Les
inégalités sont croissantes. Les chiffres de l'Insee sont "bien en dessous" de la réalité
Les patrimoines, eux, se sont envolés (les revenus du patrimoine progressent actuellement à un rythme de 11% l'an)
. Dur, dur, de participer!...
D'ailleurs, taxer les riches serait
" idiot et nul ! " .Pauvres exilés fiscaux!
On peut dire que les pauvres financent les plus riches. Miracle de l'économie néo-libérale!...

___On remarquera que la gauche est particulièrement muette ou timide sur le sujet.
Même un modéré comme Pierre Rosanvallon remarque qu'elle manque d'une «utopie sociale»
, que l'idée d'égalité est en train de devenir une coquille vide.
"En France, les 1% les plus riches possèdent 24% de la richesse du pays tandis que les 50% les moins bien lotis n’en possèdent que 6%. Mais il ne suffit pas de rappeler ces chiffres pour prendre la mesure de la crise historique de l’égalité dont Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France (voir sa biographie ici), fait la description et la genèse dans son dernier ouvrage, La Société des égaux (Seuil).____ Parce qu'«on n’a jamais autant parlé de ces inégalités et, en même temps, aussi peu agi pour les réduire», constate l’historien. Et car cette crise n’est pas seulement arithmétique et économique, mais aussi sociale et démocratique, puisqu’elle sape les fondements d’une vie commune. En remontant à l’origine révolutionnaire de l’idée d’égalité, Pierre Rosanvallon exige de la gauche une autre révolution pour construire une société des égaux, qui passe par le dépassement des cautères sociaux que sont l’égalité des chances, l’équité, la justice distributive ou la méritocratie..."
Construire une société des égaux, cela veut donc dire reconsidérer très sérieusement les questions d’héritage, les conditions de constitution du patrimoine. Quand Thatcher est arrivée au pouvoir, la taxation des plus-values financières était de 80% ! Ce sont des chiffres dont on n’a plus idée aujourd’hui, ils ne datent pourtant pas d’il y a trois siècles ! Il faut donc bâtir, en France, une politique du patrimoine et non seulement une politique des revenus..."

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Observatoire des inégalités

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