Des rapports ambigüs
Le problème du poids de plus en plus gigantesque des Gafas dans la vie quotidienne et publique est (enfin!) de plus en plus pris en considération et contesté, par son ampleur, ses pouvoirs, ses incidences, qui ont forcément des aspects politiques, à tel point que l'UE s'en émeut (il serait temps!) et qu'aux USA même, des voix se font entendre de plus en plus en haut lieu pour démanteler ces plateformes et leur monopole de fait. Jusqu'à dans les milieux démocrates.
Amazon, qui fait ses choux gras de la crise sanitaire, est lui-même particulièrement l'objet de critiques de responsables politiques, en ce qui concerne non seulement son hyper puissance, ses pratiques commerciales, mais aussi les intrusions de certains de ses services dans la vie de certaines institutions, certains services de l'Etat dont il sait habilement attirer les faveurs jusqu'à se rendre indispensable. Mais c'est là que la cohérence du discours politique est prise en défaut, car s'instaure un double langage, du moins dans notre pays. ___Bruno Le Maire est justement critique quand il le faut, mais cède dans certaines occasions, et non des moindres: "..S'il y a une firme américaine qui est constamment visée par des controverses, pour sa pratique d’évasion fiscale comme pour ses pratiques sociales, c’est assurément Amazon, beaucoup plus encore que les autres géants du numérique, qu’il s’agisse de Google ou d’Apple. Il ne se passe plus une semaine sans qu’une nouvelle polémique n’éclate, alimentée par les milieux culturels, ceux de l’édition par exemple, ou encore par l’association citoyenne Attac, qui a fait de la lutte contre l’évasion fiscale l’un de ses principaux chevaux de bataille. Et pourtant, la firme américaine n’a visiblement rien à craindre des autorités françaises. C’est même exactement l’inverse : alors que Bruno Le Maire a récemment dénoncé les géants du numérique comme les « adversaires des États », elle est visiblement chouchoutée par le gouvernement français, et plus particulièrement par la Banque publique d’investissement (BPI), qui est l’un de ses importants leviers dans le pilotage de la politique économique. Coup sur coup, la BPI vient en effet de passer, sans en faire la moindre publicité, plusieurs accords avec le géant américain, qui apparaissent pour le moins discutables. Ou, en tout cas, qui seront vivement discutés. Et même contestés. On vient ainsi d’apprendre qu'Amazon qui, hormis son immense force de frappe commerciale planétaire, est aussi un hébergeur géant, a construit une nouvelle plateforme en France, baptisée « L’accélérateur du numérique », qui « est destinée à accompagner pas à pas l’ensemble des entrepreneurs français dans leur transformation numérique et les aider ainsi à développer leur activité en ligne ». « Le programme couvre une large variété de sujets, du marketing à la logistique en passant par le choix de la stratégie de vente. L’accès au programme est gratuit, sur simple inscription », lit-on sur le site de la plateforme. Des orientations et des décisions vivement critiquées par des acteurs de la vie politique et économique: "..., la BPI a signé un partenariat avec Amazon pour digitaliser les entreprises. Le message, doublement problématique, sous-entend que la solution et la compétence numérique seraient celles d'Amazon et que la numérisation des commerces et des TPE-PME passerait par les marketplaces américaines. Or de très nombreuses TPE et PME sont déjà accompagnées par des entreprises françaises. L'enjeu : leur donner les moyens non seulement de survivre, mais aussi d'exister à moyen terme, d'étendre leur zone de chalandise et de faire connaître leurs services. Il s'agit aussi de construire un autre modèle en multipliant les places de marché territorialisées. L'État et les collectivités locales soutiennent ces initiatives qui favorisent une offre indépendante et une consommation en circuit court. Dès lors, recommander Amazon par défaut, c'est faire preuve de mépris pour les acteurs français et ignorer la réalité de notre tissu économique. Faire des grandes plateformes LA solution au défi de la numérisation, sans jamais citer la possibilité de créer son propre site et ainsi construire son autonomie numérique, c'est envoyer les TPE et PME au casse-pipe. Leurs marges seront mangées par les royalties des plateformes. Leur relation client leur sera ôtée. La part de leur chiffre d'affaires réalisée en ligne, si elle augmente, les rendra prisonnières des conditions tarifaires des plateformes dans les bras desquelles la BPI les aura jetées, alors que mille options pertinentes existent. » ______________________
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