mardi 9 octobre 2018

Economie et myopie

Ça arrive:   
      La science économique peut être myope et même parfois aveugle vis à vis de sa propre démarche et de ses fondements.                                   Jusqu'à se planter.

         Nous nous sommes tous trompés, avouaient certains économistes libéraux au lendemain de la soudaine et violente crise de 2008. D'autres, comme Roubini et quelques autres avaient vu venir l'orage, avec un peut plus de recul théorique. 

     On a beau être "prix Nobel" de l'économie, on peut s'égarer, en partant de postulats discutables, tout en présentant un aspect de scientificité.

    Déjà que, dans les sciences de la nature, un savant confirmé avance avec beaucoup de prudence, sachant qu'il faut toujours être prêt à revoir les connaissances du moment, pour les amender ou les réviser, sur la base de nouvelles hypothèses venues d'observations plus élaborées: la vérité est toujours provisoire, partielle, en marche, malgré la rigueur des outils et des conclusions bien établies et universellement partagées.. Que dire alors de celui qui travaille sur une matière humaine mouvante et souvent imprévisible, multifactorielle, comme le sociologue ou comme l'économiste?

    L'économie peut avoir sa rigueur, mais elle oublie trop souvent les postulats dont elle part, la part de choix et d'idéologie qui détermine sa démarche et ses résultats, qui fait qu'il peut arriver qu'elle ne fait qu'alimenter ses présupposés.     Au risque se tromper magistralement, comme l'a reconnu au passage Alain Greenspan, après la crise qu'il avait contribué à stimuler.
    Les économistes rigoureux le savent bien : il faut la jouer modeste en travaillant sur une matière aussi molle et aléatoire, historiquement marquée.

            C'est le risque permanent, bien souligné par J. Sapir, qui explique les profondes divergences de points de vue.

   On peut être en désaccord plus d'une fois avec les analyses de J.Sapir, mais sur le sujet des limites de la science économique, qui est une science humaine, il est difficile de ne pas le rejoindre sur l'essentiel. Une étude qui n'est pas facile, mais qui décape et remet les choses à leur place, contre le dogmatisme de certains courants économiques inspirant souvent des choix politiques, qui ne sont pas sans conséquences;  l'école libérale de Hayek et de M. Friedman  ont inspiré la pensée libérale de Thatcher et de Reagan, avec leur croyances naïves en la toute puissance du marché et du caractère obsolète des régulations étatiques, dont s'est inspirée la conduite des affaires européennes.

    On sait pourtant que l'économie n'est pas une science dure et la crise a bien montré à quel point beaucoup se sont trompés. Elle peut même être une imposture, en fonction de certains choix préalables non interrogés..Son enseignement devrait être revu et il est des présupposés à repenser, un formalisme mathématique qui interdit tout débat de fond...Les maths ne sont qu'un outil, utile mais à manier avec précaution.
     La plupart n'ont rien vu venir, comme certains l'ont reconnu.  Il arrive même qu'on puisse dire tout et le contraire de tout.       Cela relativise un peu...

   Dans son étude sur "L'imposture économique",  Steve Keen, remet en cause certaines croyances érigées comme des postulats, des théorèmes, dans la théorie économique néoclassique libérale. Selon cette théorie, les marchés auraient des anticipations parfaites sur tout et auto-réguleraient naturellement l'économie dans une concurrence supposée transparente. Pourtant ces hypothèses sont faussées à la base et la vie économique est bouleversée par des événements non anticipés par les marchés, est ponctuée de crises souvent inattendues, celle de 2008, déclenchée par les subprimes en étant un exemple criant. 
          [ -Krugman fustigeait naguère "la cécité de la profession sur la possibilité de défaillances catastrophiques dans une économie de marché"."Durant l’âge d’or, les économistes financiers en vinrent à croire que les marchés étaient fondamentalement stables - que les actions et autres actifs étaient toujours cotés à leur juste prix"---- M. Greenspan avouait qu’il était dans un état d’ « incrédulité choquée » car « l’ensemble de l’édifice intellectuel » s’était « effondré ». Cet effondrement de l’édifice intellectuel étant aussi un effondrement du monde réel de marchés, le résultat s’est traduit par une grave récession"( P.K.)_« Lorsque dans un pays le développement du capital devient un sous-produit de l’activité d’un casino, le travail est susceptible d’être bâclé», disait Keynes.]
      Bref, une "science" en question, souvent aveugle à ses fondements.
               La cohérence n'est pas toujours au rendez-vous.
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