__Même en pleine Obamamania, qui contrastait tant avec la sinistre mandat précédent, le Président apparaissait comme assez énigmatique, derrière son profil lisse et volontariste.
Dés octobre 2008, certains montraient leur scepticisme vis à vis de cette étoile montante.
Fermeté et sens du compromis semblaient être pour lui des atouts majeurs face à la crise qui montait et les ravages qu'elle annonçait.
Puis beaucoup se sont demandés, au vu d'un discours flou et d'une action incertaine, qui est le vrai Obama?, souvent équivoque, en politique intérieure comme dans les affaires extérieures. Mais on lui accordait du temps, qui devait forger son expérience et sa volonté. Tous les espoirs semblaient permis.
Quelques avancées dans le domaine médical, rien de saillant en matières financières, sinon un embryon de réforme peu décisive dans le secteur bancaire.
__La rupture attendue ne venait pas, sinon au niveau d'un certain style. C'est peu dire qu'il a finalement déçu dans son propre camp, et ailleurs.
Il s'est placé lui-même en otage des lobbies, il est resté dépendant des intérêts de la finance, de la puissance des grandes institutions banquaire de Wall Street. Depuis Clinton et ses dérégulations, rien n'a fondamentalement changé. Pourtant, en mars 2007, il déclarait solennellement: "Les jours où [les lobbyistes] dictaient l'agenda de la Maison Blanche sont finis..."
___Mais était-il vraiment possible de sortir du système de caste régnant aux USA?
Comme s'interrogeait le NYTimes: « Is Obama Punking Us ? _"Il est de plus en plus emporté par les événements, en même temps qu’il en est leur prisonnier"
___Son impuissance contre le pouvoir de Wall Street est patente et tragique, on le voit encore aujourd'hui: les démocrates veulent augmenter les impôts des plus riches, les républicains veulent réduire les dépenses sociales. .Comme vient de le signaler le NY Times:
____________________________"L'incapacité d'Obama à demander des comptes à ceux qui ont plongé l'économie américaine dans la crise financière a miné son premier mandat et pourrait lui couper la voie à un second, écrit l'ex-chroniqueur théâtral du New York Times Franck Rich. «Ce qui hante l'administration Obama est ce qui hante encore le pays: l'absence étonnante de sanction contre la cupidité qui a conduit l'Amérique à sa plus grave crise financière depuis la Grande Dépression. Il n'y a eu aucun contentieux juridique, moral ou financier intenté à l'encontre de ces puissants malfaiteurs. Il n'y a eu aucune réforme significative qui pourrait empêcher cette catastrophe de se répéter. Le temps peut guérir la plupart des blessures, mais pas celles-ci. Le chômage chronique reste prégnant, rappelant douloureusement les ravages infligés à des victimes innocentes de cette faillite. Comme Hamlet tourmenté par le fantôme de son père, l'Amérique sera traqué par ses fautes inexpiées, jusqu'à ce qu'elle promette “vengeance tout le reste est rayé effacé, n'a jamais existé”.»
__Par rapport au problème du M.O., une certaine ouverture initiale a fini par laisser place à des renoncements de plus en plus marqués, donnant l'impression de pas en arrière... Il a cédé à l'Aipac.
De compromis en compromissions, le bilan est finalement léger.
______Pourtant, il y a quelques jours, dans le Kansas, il a tenu des propos étonnement lucides et courageux, inhabituels aussi, dont les accents ne sont pas sans rappeler ceux de Bob Kennedy, quelques mois avant sa mort:
"Bien longtemps même avant que la récession ne débute, travailler dur ne faisait plus aucune différence pour la plupart des gens. Un nombre de plus en plus restreint des personnes qui contribuaient au succès de notre économie bénéficiaient véritablement de ses avancées. Ceux qui vivent au sommet s’enrichissaient plus que jamais, du fait de leurs rémunérations et de leurs investissements. Mais la grande masse des autres s’escrimaient avec des coûts en hausse constante et des feuilles de paie pour qui ce n’était pas le cas – et un nombre toujours croissant de familles s’endettaient toujours davantage, pour ne pas sombrer. […] Le château de cartes s’effondra en 2008. […]
__L’histoire est maintenant connue de tous : des crédits hypothécaires accordés à des ménages qui ne pouvaient pas se les permettre, et qui bien souvent n’en comprenaient pas les termes. Des banques et des investisseurs à qui on a permis de reconditionner les risques qui en découlaient et de les revendre. Des paris colossaux – et des bonus colossaux – faits et accordés avec l’argent de quelqu’un d’autre. Des régulateurs dont on supposait qu’ils nous alerteraient quant aux dangers causés par tout cela, mais qui regardèrent ailleurs ou n’avaient même pas le pouvoir de regarder. […]
__Les aciéries qui avaient besoin autrefois de 1.000 ouvriers font aujourd’hui le même travail avec seulement 100, et les licenciements sont du coup trop souvent permanents. Et de tels changements n’épargnent pas les cadres. Si vous étiez guichetier d’une banque, réceptionniste ou agent touristique, la plupart d’entre vous ont été remplacés par un distributeur de billet ou par l’Internet. […]Examinez les statistiques : au cours des dernières décennies, le revenu moyen du 1% au sommet a augmenté de 250% […] Le dirigeant d’entreprise typique qui touchait autrefois 30 fois ce que gagnaient ses employés, gagne aujourd’hui 110 fois plus. Et pendant ce temps-là, les revenus de la grande masse des Américains ont baissé de 6%. […]
__Quand les ménages de la classe moyenne ne peuvent plus s’offrir les biens et les services que les entreprises proposent, c’est l’économie dans son ensemble qui coule […] Les pays qui connaissent moins de disparités ont des économies plus solides et connaissent une croissance plus forte et plus robuste sur le long terme.
_Les inégalités opèrent des distorsions sur la démocratie. Elles amplifient la voix du petit nombre qui peuvent recruter des lobbyistes excessivement bien payés et se permettre des dons au montant illimité aux campagnes des politiques. Le risque est grand que notre démocratie ne soit mise à l’encan et raflée par le plus offrant..."
« Voilà le Barack Obama que beaucoup d’entre nous imaginaient avoir élu en 2008 », écrit avec un certain enthousiasme (et une certaine cruauté?), Robert Reich, ancien Secrétaire à l’emploi de Bill Clinton, à l'écoute de ce discours.
Alors?...Rattrapage verbal ou éloquence de velléitaire déjà en précampagne, regrettant les rendez-vous manqués?
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« Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon - très publiquement et très sincèrement - à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais - bizarrement - un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.__Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.
Le quatrième jour, je serais assassiné. » (William BLUM)
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