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mardi 21 juillet 2009

Pas si bêtes, les bêtes...

Un problème passionnant, mais difficile et non exempt de confusions et d'anthropomorphismes
Des jeux de miroirs équivoques...

Comment penser l'altérité animale en rapport avec la spécificité humaine, sans projections, hiérarchisation ou jugements de valeur? Comment cerner la part animale de l'homme, alors que l'homme est un animal qui "se reconnaît ne pas l'être" (Michel Boccara)

-G.Chapouthier trace des pistes...

Existe-t-il entre Kant et le chimpanzé un fossé infranchissable, la culture constituant une réalité autonome, irréductible à telle ou telle contrainte psychologique ou biologique ? Ou bien les "réalisations" les plus élevées de l’homme, comme l’esthétique et la morale, plongent-elles leurs racines dans le terreau de la nature ? Le mérite de G. Chapouthier, dans cet ouvrage bref, est de parvenir à passionner le lecteur à propos de questions fondamentales. Ce résultat s’explique par son constant souci de clarté mais aussi, tout en défendant de façon convaincante un point de vue, par sa volonté de ne caricaturer aucune position.

-On sait l’intérêt de l’auteur pour les questions touchant au statut des animaux, questions dont il est un spécialiste incontesté. Les présentes réflexions se fondent sur les idées défendues dans ses précédents ouvrages, mais elles vont bien au-delà. Au fond, la conception de l’animal-objet, contre laquelle G. Chapouthier a utilement ferraillé, révèle les présupposés d’une idéologie anti-naturaliste dont nous n’avons pas encore réellement triomphé. Il est pourtant communément admis que l’homme est le résultat d’évolutions successives dont les traits physiques et psychiques portent la marque biologique caractéristique de la complexité : dans un ouvrage antérieur important , l’auteur a exprimé cette réalité en évoquant une construction en mosaïque "où les propriétés de l’ensemble n’excluent pas pour autant les propriétés et une certaine autonomie des parties" . Ce cerveau et cette pensée complexes se sont néanmoins construits sur les mêmes bases que le reste du monde vivant.
Il est donc déraisonnable de déduire, du fait que seul l’homme dispose d’une pensée abstraite, qu’il existerait une coupure radicale entre humanité et animalité. G .Chapouthier, citant les travaux de F. Tinland et, avant lui, de L. Bolk (1866-1930), rappelle que l’homme est un animal néoténique . L’évolution conserve, en effet, des caractères morphologiques manifestés par les autres primates à un moment donné de leur développement ontogénique. Ce processus néoténique semble bien faire partie de la nature essentielle de l’homme en tant qu’organisme, dans la mesure où morphologie et cerveau apparaissent, sous cet angle, fonctionnellement liés. Au caractère non spécialisé de la forme humaine correspond l’indétermination (ou labilité), souvent soulignée, de certains territoires cérébraux. Cette indétermination apparaît comme le produit de la lenteur de la maturation du cerveau humain et elle explique largement que l’homme soit devenu le "maître des artifices".


"Kant et le chimpanzé", de Georges Chapouthier : nos cousins les animaux:
"...Entre nature et culture, c'est (également) le terrain qu'a choisi Georges Chapouthier pour sonder notre humanité. En s'appuyant, lui aussi, sur les connaissances les plus récentes de l'éthologie et de la biologie, il s'attache à démontrer que le sens du bien et du beau n'est pas tout à fait le propre de l'homme. Et que nous sommes tous, "en quelque sorte, Kant et le chimpanzé". Descartes n'est décidément plus à la page des sciences modernes, lui pour qui le corps des animaux comme celui de l'homme était une machine, l'homme atteignant une autre dimension par le seul fait qu'il possédait une âme à l'image de Dieu. Quatre siècles plus tard, le dualisme cartésien a fait long feu : Dieu ne se porte pas très bien, et l'animal n'est pas loin de gagner une âme.
A-t-il pour autant une "théorie de l'esprit", autrement dit une pensée consciente capable de concevoir qu'un autre pense aussi ? A l'état d'ébauche, tout au plus. Partant de ce constat, Georges Chapouthier se concentre sur notre propre espèce : animale, certes, mais quoi d'autre ? Coiffant d'un même geste ses casquettes de biologiste et de philosophe, il nous mène sur les chemins de la morale, "mariage réussi entre nature et culture". Et sur ceux de l'esthétique, dont Kant négligeait selon lui les bases naturelles.
Que fera l'être humain de sa superbe singularité, de ses aptitudes exceptionnelles à percevoir le beau et le bien ? Après quelques millénaires d'histoire, "le bilan de notre espèce sur le plan moral ne paraît pas bouleversant", remarque-t-il. "Lui, l'animal surdoué, qui, seul, peut maîtriser le discours et proposer des valeurs, lui qui, seul, peut analyser le monde, formuler des équations qui prédisent certains phénomènes, créer des oeuvres d'art complexes, fonder des systèmes moraux", va-t-il continuer à utiliser les capacités de son puissant cerveau pour mener des guerres, des génocides, des atrocités ?
Ou va-t-il enfin "créer des sociétés plus harmonieuses que celles de ses ancêtres ou de ses cousins animaux", parvenir à éliminer "les fleurs empoisonnées de la culture" ? Sans pêcher par excès d'optimisme, ce livre concis et alerte est un plaidoyer pour que l'espèce humaine, traduisant son expérience esthétique en attitude morale, continue son évolution vers le meilleur et non vers le pire.-(C.Vincent)
-LE SEXE, L'HOMME ET L'EVOLUTION de Pascal Picq et Philippe Brenot. Ed. Odile Jacob, 320 p., 21 €.
-KANT ET LE CHIMPANZÉ
de Georges Chapouthier. Belin, "Pour la Science", 144 p., 17 €.

-A signaler également, L'animal est-il une personne ?, d'Yves Christen (Flammarion, 544 p., 24 €), ainsi que Les Emotions des animaux, de Marc Bekoff (Payot, 320 p., 20 €), et Des chiens et des humains, de Dominique Guillo (Ed. Le Pommier, 324 p., 22 €).

-Automates intelligents:
N'a-t-on pas eu longtemps tendance à juger de l'intelligence des animaux à partir de leurs capacités ou non-capacités langagières ?GC. : Oui, mais il s'agit d'une attitude très anthropomorphique. Mises à part quelques facultés de langage très sommaires, chez les chimpanzés ou …les abeilles, seul l'homme a un langage développé. Par contre, on retrouve chez l'animal évolué toutes les ébauches de l'humain. Le terme « ébauche » est essentiel. Il y a chez l'animal l'ébauche du langage, de la communication, des outils, de la morale, des choix esthétiques...Ces ébauches, qui résultent en partie d'acquis génétiques, se précisent à l'occasion de la vie en société. La quasi-totalité des mammifères, par exemple, apprennent par l'intermédiaire de leurs parents. Un exemple contradictoire me vient à l'esprit. La pieuvre est un animal très intelligent. Mais son grand handicap, de type darwinien, est qu'elle n'éduque pas ses descendants. Elle n'a pas de contact avec eux. Si l'évolution sélectionnait une pieuvre capable d'éduquer ses petits, on pourrait imaginer un animal encore plus intelligent qu'il n'est..
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Ce qu'il faut dire, c'est qu'il y a chez l'animal l'ébauche d'une imitation qui devient plus systématique chez l'homme. On montre que la souris, par exemple, apprend par imitation, mais dans des marges limitées. Quand on compare l'homme et l'animal, il faut éviter deux écueils. L'un consiste à dire que l'homme et l'animal sont fondamentalement différents. L'autre affirme que parce qu'il y a continuité entre l'homme et l'animal, celui-ci est l'équivalent de l'homme. L'homme présente quand même des spécificités qu'il est seul à détenir...
l'homme est moral. Il l'est pour plusieurs raisons biologiques. La première est que nous sommes des primates, proches des chimpanzés. Or les troupes de chimpanzés manifestent des proto-morales : punitions, récompenses, protection des handicapés, etc. La seconde raison est que chez l'homme, le cerveau dispose de deux hémisphères fonctionnellement différents. L'un est analytique, en général le gauche. Il traite des éléments discrets. L'autre, en général le droit, traite de la globalité. L'homme est donc dichotomique par construction. Or les jugements globaux produits par le cerveau droit comportent le choix des valeurs qui vont être la clef du comportement social. Il existe ainsi des prédispositions biologiques qui sont développées et mises en forme, de façon parfois différentes, au sein du comportement social. L'éducation joue évidemment un rôle essentiel pour donner des contenus moraux ou esthétiques à des capacités qui ne sont qu'ébauchées à la naissance.

L'homme est d'autant plus malléable qu'il est jeune. A fur et à mesure qu'il avance en âge, l'interaction avec son environnement restreint le champ des modèles du monde que construit son cerveau. Très larges au début, ceux-ci se spécialisent progressivement. Les normes sociales qui ont été sélectionnées par l'histoire parce qu'elles favorisaient l'adaptation du groupe dans son milieu sont globalement reprises au niveau de chaque individu. Il en est ainsi du langage comme de la morale entendue au sens large..".
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Peut-on aller jusqu'à évoquer un "droit des animaux"?
L'expression ne manque pas de malentendus
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"Les Droits des animaux, aussi connus sous l'appellation libération animale, sont fondés sur l'idée que les intérêts des animaux - comme le fait d'éviter la souffrance - sont les mêmes que ceux des êtres humains [1]. Les défenseurs des droits des animaux jugent que ces derniers ne devraient plus être considérés comme des objets que l'on peut posséder ou utiliser mais qu'ils devraient être considérés comme des personnes légales[2] et des membres à part entière de la communauté humaine.[3].L'idée d'accorder des droits aux animaux est soutenue par des professeurs de droit tels qu'Alan Dershowitz[4] et Laurence Tribe de Harvard Law School,[2] et des cours de "loi animale" sont maintenant dispensés dans 92 des 180 écoles de droit des États-Unis[5].-Certains critiques du concept de droits pour les animaux argumentent que les animaux n'ont pas la capacité de signer un contrat social ou de faire des choix moraux, et ne peuvent donc pas être considérés comme possédant des droits moraux. Le philosophe Roger Scruton postule que seuls les êtres humains ont des devoirs et que "le corollaire est inévitable : nous seuls avons des droits"[6]. Les critiques soutenant cette position avancent qu'il n'est pas mauvais en soi d'utiliser les animaux pour se nourrir, se distraire, ou faire de la recherche, bien que les êtres humains puissent avoir l'obligation de garantir qu'ils ne souffriront pas inutilement [7]. Cette dernière position est généralement nommée la position du bien-être animal, soutenue par certaines des associations de protection des animaux les plus anciennes..." (Wiki)
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Droits de l’animal ou protection des animaux ?
-L'Ethique et le Droit des Animaux:"...Les lois qui régulent notre traitement des bêtes le font donc en fonction du rapport que nous avons avec ces animaux, et en particulier de la ressemblance avec nous-mêmes que nous leur supposons ainsi que de l’affection qu’ils nous inspirent. Les cavaliers sont souvent épris de leur cheval jusqu’à la passion, et la tendresse que nous portons à Toutou peut aller très loin comme le démontrent les salons de coiffure, les rayons mode, les salles de fitness et les classes de yoga pour chiens new yorkais et californiens. Néanmoins, en même temps que nous choyons, coiffons, habillons et détendons les uns, nous en élevons les autres dans des conditions parfois abominables pour les manger, et soumettons d’autres encore à des expériences douloureuses et souvent fatales afin de faire avancer la recherche médicale ou pour développer de nouveaux produits cosmétiques ou ménagers. Ce contraste nous est de plus en plus insupportable comme en témoignent les heurts violents entre avocats des droits des animaux et chercheurs. Laboratoires détruits, animaux relâchés dans la nature, débats venimeux et manifestations montrent la fissure entre les uns et les autres, et l’abîme éthique au bord duquel nous nous trouvons. Comment réagir à cette situation de schizophrénie légale et philosophique ?..

- Le Silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité
-La question de la nature humaine

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