Ça va jazzer

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vendredi 30 septembre 2022

Varia

1.  Récession en vue?

2.  Modèle écorné

3.  Réforme contestée                    

4. Cac 40: tout va pour le mieux

5.  Le cricket fonctionne...

6. Gaz au  Qatar 

7. Management au CNED  

8. Travailleurs disparus?

9.  Cabinets de conseil, encore...

                       On pensait en avoir fini...                              ___________________

jeudi 29 septembre 2022

Peur sur la ville...

 Pire que le Mexique!              (Humeurs et libre expression)

           L'insécurité existe bien dans certaines cités françaises. Pour ne parler que de la France. Elle a des causes multiples, varie avec le temps et peut prendre des formes diverses. Sa perception varie au cours du temps, selon le type de classement et selon les échos d'une presse avide de sensations et de tirage. Les choux gras dont se repaissaient autrefois la revue "Détective"ou, plus tôt, "L'illustration", opposant souvent l'enfer des villes et la tranquillité des campagnes... Parfois des titres à faire frémir, comme celui-ci:  « Insécurité : Nantes pire que Bogota ». Instrumentalisation, quand tu nous tiens!...


"...
Le bandeau est affiché sur toute la largeur de l'écran samedi après-midi sur la chaîne du milliardaire d'extrême droite Bolloré. Différents médias réactionnaires, comme le Figaro ou Valeurs Actuelles reprennent l'intox en boucle : la France serait plus dangereuse que le Mexique, il y aurait plus d'insécurité à Paris qu'à Medellín, ville colombienne connue pour ses cartels de drogue. Sur 453 villes, Paris serait à la 350e place et un peu plus bas encore Marseille à la 388e, devant Nantes. Nous vivons donc dans des coupes gorge plus dangereux que les grandes villes de pays en guerre civile ou en plein effondrement économique. On pourrait se contenter d'en rire, mais ce n'est pas drôle. Au Mexique, depuis le début de la « guerre contre la drogue » lancée par le gouvernement, 275 000 personnes ont été assassinées, 85 006 sont déclarées « disparues », et 1 600 000 sont déplacées. C'est une guerre civile qui ne dit pas son nom, avec des viols, des meurtres, des actes de torture, des exactions commises par l'armée et les cartels. Et un bilan humain comparable à la guerre en Syrie. Au Mexique, le conflit a permis aux autorités de liquider des militants anticapitalistes et écologistes, qui « disparaissent » sans jamais être retrouvés. Au Brésil, classé selon le Figaro au même niveau que la France, des escadrons de la mort paramilitaires tuent dans les favelas, des groupes de mafieux font régner leur loi dans des zones entières, la police raquette et tue. En 2017, il y avait 64 000 homicides dans le pays, soit plus de sept par heure. En Colombie, le conflit armé qui oppose l'armée aux guérillas a fait des centaines de milliers de morts, avec notamment des massacres commis par des milices d'extrême droite contre les populations indigènes. Non, ce classement débile ne nous fait pas rire. Il n'est pas seulement ridicule, il est indécent. Quelles sont les sources de ces médias pour décrire la France comme l'un des pays les plus dangereux du monde ? Il s'agit du « classement mondial » réalisé par le site internet « Numbeo basé sur le sentiment de sécurité des visiteurs». Un site qui recueille les « notes » sur le « ressenti » des visiteurs. N’importe qui peut donc donner son avis sur n’importe quelle ville sans vérification. Et ces notes ne sont ni nombreuses ni représentatives : Paris récolte 842 avis, Bordeaux 105, Toulouse 142 et Nantes 404. Il suffit donc de quelques dizaines de clics pour modifier totalement la « moyenne » d'une ville. Un petit groupe coordonné pourrait classer Genève comme ville la plus dangereuse du monde en quelques heures sur ce site. Pourtant, ce classement bidon est utilisé depuis des mois par l'extrême droite. En mai, le député du Rassemblement national Bruno Bilde avait utilisé le site pour démontrer que «la France [est] bien représentée dans le top 15 des villes les plus criminogènes et dangereuses d’Europe !». Ce classement ne prouve qu'une chose : que l'extrême droite française est mieux organisée pour manipuler l'opinion à l'aide d'un site internet. Et que les médias français sont des cloaques qui relaient ces manipulations. L'insécurité ? Parlons en. Il y a 20 ans, on comptait 1 600 meurtres par an en France, aujourd’hui, on en dénombre deux fois moins. Et le chiffre est stable. Les statistiques évoquent une hausse des vols. Et les agressions sexistes sont mieux dénoncées et recensées. Le trafic de drogue dans les quartiers ? Business mafieux qui arrange l'Etat. Dépénaliser les drogues douces permettrait de faire retomber les tensions. Il n'en reste pas moins qu'à Nantes, ville « pire que Bogota », il n'y a jamais eu autant de gens en terrasses de bars ou à traîner dans les rues que cette année. Et s'il y a effectivement des agressions et des groupes désœuvrés, il n'y a pas «d'explosion de l'insécurité ». Un quartier comme celui des Olivettes était considéré comme dangereux dans les années 1980, c'est aujourd'hui une zone bourgeoise. Comme le quartier du quai de la Fosse, qui n'a plus ses marins et ses bars mal famés, ou l'ancien quartier populaire qui se trouvait à l'endroit de la Place Bretagne, qui était celui de la criminalité nantaise. Aujourd'hui, ce sont des commerces et des administrations. Globalement, la ville est moins violente qu'il y a 30 ou 50 ans. Par contre, le discours sur l'insécurité occupe une place omniprésente. Des milices se sont même créées à Nantes pour « patrouiller » et réclamer plus de police. Et elles bénéficient régulièrement de tribunes dans la presse locale et les médias d'extrême droite. La police, déjà en surnombre à Nantes, ne règle rien. Au contraire. Une société idéale, débarrassée des oppressions, commence par imaginer l'autodéfense populaire sans police, en cultivant des réflexes collectifs d'entraide. Par exemple réagir lorsqu'on voit une femme se faire harceler, ou une personne isolée agressée. Enfin, « l'insécurité » dans une Métropole comme Nantes, Rennes, Bordeaux ou Paris est d'abord sociale. Des milliers d'étudiants ne peuvent pas se loger, ou dans des taudis très chers. Des personnes âgées sont maltraitées dans des EHPAD hors de prix. Le coût de la vie explose. Les jobs sont de plus en plus précaires. Cette insécurité là, qui touche la majorité de la population ne sera pas traitée par Cnews et Valeurs Actuelles....." (anonyme)


  "...Après, c'est Caen qui est montré du doigt...«Insécurité : Nantes pire que Bogota», «La France plus dangereuse que le Mexique». Voici les énormités que nous servent les médias dominants depuis une semaine. Des intox grotesque et même indécentes, basées sur un «classement» sur un site internet à partir de votes anonymes.

Ce mardi, une nouvelle preuve de l’escroquerie totale de ce genre de classement : la ville de Brest est est apparue en première position du site Numbeo des villes les moins sûres. En quelques heures, la ville Bretonne est devenue «la plus dangereuse du monde», devant Caracas au Venezuela, Kaboul en Afghanistan ou Rio de Janeiro au Brésil. La veille, elle n’apparaissait même pas dans le tableau publié sur le site. Comment Brest a pu devenir la ville la plus dangereuse du monde? Un internaute, David Bertho, explique comment il a fait. Relevant que le Figaro et d'autres médias nationaux se basent «sur le classement de Numbeo pour conclure que la sécurité en France s'effondre», il constate que le site «utilise un sondage, accessible à n'importe qui, pour recueillir le sentiment des gens. Totalement subjectif donc. Ensuite n'importe qui peut participer.» Il choisit une ville réputée pour son calme : «du coup j'ai tenté de voir si on pouvait modifier le score de... Brest. Brest c'est pratique : c'est tout au bout de la France (ça sera bien visible sur la carte) et il y a assez peu de votes. Donc facilement manipulable.» Depuis son ordinateur, il trouve une manière d'automatiser les clics en utilisant des proxys, qui permettent de voter plusieurs fois en faisant croire au site que les votes viennent d'ordinateurs différents. Une technique à la portée de tous les internautes. Le résultat est immédiat : «le score baisse rapidement. On dépasse vite Nantes, ça y est Brest est la ville la plus dangereuse de France. Puis d'Europe... Puis DU MONDE !» s'enthousiasme l'internaute devant la rapidité du processus. Il a suffit de quelques dizaines de clics pour y parvenir. Sur le site, il est indiqué qu'il est très dangereux de se promener de jour à Brest et la ville apparaît en rouge vif sur la carte qui figure sur Numbeo. Gare aux galettes, au beurre salé et au Kouign-amann... Cette opération pour ridiculiser ces «classements» n'est pas une première. Pour rappel, un Suédois avait déjà joué il y a quelques années en faisant monter une petite ville de Suède en tête du site. Tout le monde sait que Numbeo n'est pas une source fiable. Avec un peu d'organisation, on peut faire monter Genève, Versailles ou Reykjavik dans le classement des villes dangereuses devant des agglomérations de pays en guerre. Les rédactions du Figaro, CNews et Valeurs actuelles vont-elles présenter leurs excuses publiques pour l'opération d'intox massive qu'elles diffusent depuis une semaine ? Non ? Ces médias seront-ils sanctionnés pour avoir délibérément manipulé l'opinion ? Non plus ? Alors, on imagine que toute la profession journalistique va dénoncer publiquement cette manipulation, de la même manière qu'elle le fait dans le cadre de sa chasse aux «fake news» ? Reste-t-il un gramme de déontologie dans les médias français ? ..." ___Attendons-nous à voir Bomy en Artois (85 habitants) passer dans le rouge. On commence à parler là-bas de vols répétés de tondeuses à gazon (2 en un an!)....Mais l'ordre règne à Bully-les-Mines....ou à Mantes la Jolie. ___________________

mercredi 28 septembre 2022

Italie en question (notes de lectures)

Mais où sont passés les citoyens?

                           Si vous croyez avoir compris comment fonctionne la vie politique et le système électoral italiens...c'est qu'on vous a mal expliqué... (- quatre élections en une-)

                     Où va l'Italie? La question n'est pas nouvelle...Le berlusconisation de la vie politique du pays continue, mais sous d'autres formes. Pour combien de temps? Gageons que bientôt viendront de nouvelles recompositions, la pratique insulaire de la combinazione aidant. Si on peut s'inquiéter du dernier virage italien, il ne devrait pas y avoir lieu de dramatiser. S'il y a des craintes à avoir, on peut relativiser. Rome est plus souple et adaptable qu'on ne le croit. L'île a connu des années plus noires...Les années de désillusions ne font cependant que continuer. Si Bruxelles s'inquiète, on devrait aussi se demander si le pays n'a pas été défavorisé, au profit de l'Allemagne, et si on ne l'a pas laissé trop seul aux avant-gardes des vagues migratoires méditerranéennes... Il y a encore du boulot...     


                                                                                    _____Pour que rien ne change?...La coalition devra nécessairement mettre de l'eau dans son Chianti, quels que soient ses griefs contre le "centralisme européen. "...Le futur gouvernement  qui ne prendra ses fonctions que fin octobre, aura une multitude d'embûches sur son chemin. Il devra gérer la crise causée par la flambée des prix alors que l'Italie croule sous une dette représentant 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.Dans ce contexte, la manne du plan européen de relance post-pandémie, dont l'Italie est de loin le premier bénéficiaire, sera indispensable pour maintenir à flot la péninsule. Comme Marine Le Pen, Giorgia Meloni a finalement renoncé à sortir de l'euro, mais elle réclame une « révision des règles du Pacte de stabilité », suspendues en raison de la crise sanitaire, qui fixent un plafond de 3% du PIB pour le déficit et de 60% pour la dette...."                                                                                         Une certaine détresse sociale n'est pas étrangère au succès de Meloni, l'indifférence aidant: "...le phénomène est plus profond et aussi sans doute plus commun avec le reste de l’Italie : celui d’un sentiment diffus de dépolitisation et d’impuissance de la politique. Sur le marché de Sesto, rares sont d’ailleurs ceux qui acceptent de parler de politique. Et lorsqu’ils le font, c’est principalement pour émettre une indécision complète ou une forme de dégoût. « On a déjà tout essayé, la gauche, la droite, le Cinq Étoiles, le centre et les gouvernements techniques, et rien ne va mieux, les factures d’électricité et de chauffage vont encore augmenter. Pour qui voulez-vous que je vote ? », répond ainsi à la volée une retraitée devant un étalage de légumes.    Davide Bartolucci, journaliste et habitant de Sesto, remarque d’ailleurs que s’il n’y a pas eu de campagne électorale forte dans la ville, c’est aussi parce que les gens ont le sentiment « qu’il n’y a rien de nouveau ». Dans ce contexte, l’intérêt global n’a pu être que très limité. « Ce que je vois sur le terrain, c’est que les gens sont très distants et peu intéressés. Pour la majorité d’entre eux, le vote est inutile pour changer les choses », confirme ainsi Marco Tremolada, qui parle de véritable « désaffection » pour la politique. Selon lui, dans ce contexte, l’indécision qui semble dominer chez beaucoup d’électeurs est souvent une indécision non pas seulement sur le choix du vote, mais aussi entre le vote et l’abstention...."                                                                                                                                                 _____Point de vue.   
                                        ______________________

mardi 27 septembre 2022

Et voilà pourquoi votre enfant est ingérable...

Surtout en classe.

                              Mais pas que...   A l'école, la question d'une certaine utilisation du numérique continue à faire débat dans certains milieux, mais ne suscite pas les interrogations qu'il faudrait et les décisions qui vont avec. Mais l'aveuglement, la naïveté et l'intérêt prennent trop souvent le dessus, malgré des avertissements déjà anciens. Ce n'est pas d'aujourd'hui que le problème est posé,  concernant plus largement l'usage des tablettes mises à disposition des enfants trop précocement. Les géants de la Silicon Valley, pourtant non désintéressés, donne le "la"...pour leurs propres enfants! Trop d'écrans font écran. C'est grave dans beaucoup de cas. 


_______ " Pourquoi les enseignants sont-ils si nombreux et nombreuses à démissionner aujourd’hui ? Certes, les salaires n’ont jamais été aussi bas et les classes aussi surchargées, bon nombre sont épuisés ou dégoûtés par la gestion des mesures sanitaires à l’école. Mais il y a un autre problème. Les profs subissent de plein fouet les dégâts causés par l’industrie du numérique sur les enfants.          Pour ces élèves, l’école est un cauchemar. Leurs parents doivent déposer un dossier à la Maison départementale des personnes handicapées pour obtenir un ou une auxiliaire de vie scolaire qui s’occupera de l’enfant dans la classe. Anne-Lise Ducanda a fait le compte : « Si, en 2002, je voyais un enfant par école présentant de tels symptômes, ils étaient un ou deux par classe en 2017. Autrement dit, en quinze ans, il y avait sept fois plus d’enfants dans les douze écoles de ma ville qui présentaient des troubles moyens à sévères de la relation et du comportement. » Elle a constaté que « 90 à 98 % des enfants présentant ces symptômes étaient surexposés aux écrans, c’est-à-dire plus de quatre heures par jour, y compris la télévision allumée en arrière-plan. »

En 2021, les premiers résultats de l’étude Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), menée par l’Inserm et Santé publique France, ont conclu que « l’utilisation prolongée d’écrans par des enfants de 2-3 ans est associée à une augmentation du risque de troubles du sommeil, du comportement et des apprentissages précoces ». De leur côté, des chercheurs de l’Université de l’Alberta ont établi que les enfants de cinq ans qui passent plus de deux heures par jour devant un écran courent de cinq à neuf fois plus le risque d’avoir des symptômes associés au trouble déficitaire de l’attention.       Pour les plus jeunes, le contenu même de ce qui est regardé importe moins que le temps : le temps passé à ne pas babiller, toucher, ramper, s’ennuyer, observer, imiter, tomber ; à être privé des regards et des gestes des autres. La révolution informatique devait inaugurer une « société de la connaissance ». Vingt ans plus tard, elle a confisqué à des millions d’enfants leurs facultés les plus élémentaires : parler, écouter, raisonner, communiquer, créer.           En moyenne, les élèves qui commencent leur scolarité ces jours-ci passent trois fois plus de temps sur les écrans qu’il y a dix ans. Selon un sondage Ipsos [1], les enfants de un à six ans consacrent au moins six heures par semaine à regarder des vidéos sur internet, quatre heures aux jeux vidéo et six heures à la télévision. Dans les écoles, Anne-Lise Ducanda, médecin de la Protection maternelle et infantile, constate les effets de cette consommation exponentielle. « De plus en plus d’enseignants déplorent l’augmentation du nombre d’enfants incapables de se concentrer en classe », relate-t-elle dans Les tout-petits face aux écrans (éd. Du Rocher, 2021). « Des enfants qui ne peuvent pas rester assis sur une chaise ou focalisés sur une activité plus de deux minutes ; des enfants qui ne sont attentifs ni à leurs pairs qui les sollicitent ni à l’adulte qui s’adresse à eux. Dans les cas les plus extrêmes, certains sont en proie à une agitation permanente : de façon compulsive, ils s’emparent de tous les objets à portée de main, renversent les caisses de matériel, jettent les jouets, déchirent les livres. »      En fait, les capacités cognitives et sociales des jeunes enfants sont en train de s’effondrer. De plus en plus d’élèves entrent à l’école incapables de parler, de comprendre, de manipuler des objets, de se lier aux autres. Ils répètent des couleurs, des chiffres ou des suites de mots en anglais tout droit sorties de ces applis éducatives conçues pour rendre les enfants précoces et bilingues. À l’âge de la maternelle, rapporte le Dr Ducanda, certains se lèvent en pleine nuit pour aller chercher le smartphone des parents et regarder des vidéos en cachette. Pour ces élèves, l’école est un cauchemar. Leurs parents doivent déposer un dossier à la Maison départementale des personnes handicapées pour obtenir un ou une auxiliaire de vie scolaire qui s’occupera de l’enfant dans la classe. Anne-Lise Ducanda a fait le compte : « Si, en 2002, je voyais un enfant par école présentant de tels symptômes, ils étaient un ou deux par classe en 2017. Autrement dit, en quinze ans, il y avait sept fois plus d’enfants dans les douze écoles de ma ville qui présentaient des troubles moyens à sévères de la relation et du comportement. » Elle a constaté que « 90 à 98 % des enfants présentant ces symptômes étaient surexposés aux écrans, c’est-à-dire plus de quatre heures par jour, y compris la télévision allumée en arrière-plan. »  ....                                                        En 2021, les premiers résultats de l’étude Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), menée par l’Inserm et Santé publique France, ont conclu que « l’utilisation prolongée d’écrans par des enfants de 2-3 ans est associée à une augmentation du risque de troubles du sommeil, du comportement et des apprentissages précoces ». De leur côté, des chercheurs de l’Université de l’Alberta ont établi que les enfants de cinq ans qui passent plus de deux heures par jour devant un écran courent de cinq à neuf fois plus le risque d’avoir des symptômes associés au trouble déficitaire de l’attention.    Pour les plus jeunes, le contenu même de ce qui est regardé importe moins que le temps : le temps passé à ne pas babiller, toucher, ramper, s’ennuyer, observer, imiter, tomber ; à être privé des regards et des gestes des autres. La révolution informatique devait inaugurer une « société de la connaissance ». Vingt ans plus tard, elle a confisqué à des millions d’enfants leurs facultés les plus élémentaires : parler, écouter, raisonner, communiquer, créer...."...... les entreprises du numérique ont réussi en vingt ans à imposer une nouvelle norme sociale : celle de vivre avec six écrans en moyenne à la maison, de consulter un smartphone 200 fois par jour, de regarder des tunnels de vidéos. Tout comme l’alimentation industrielle, cette norme est pathologique. Le seul moyen d’offrir aux enfants un environnement décent est de s’en écarter résolument et de la transformer collectivement. Il paraît très improbable que l’État s’y emploie : après avoir acté le déploiement de la 5G, il vient d’allouer 1 milliard à un grand plan numérique pour l’école et 11 milliards aux technologies numériques sur les 100 milliards du plan de relance post-Covid. Les parents, eux, peuvent se regrouper pour prendre des décisions qui seraient trop difficiles à tenir s’ils étaient isolés. Il existe un groupe (Facebook) « Parents unis contre le smartphone avant 15 ans » qui vise à faire en sorte que les élèves de collège soient plus nombreux à ne pas en posséder. Les parents d’un même quartier ou d’une même école pourraient se coordonner dans le même but. Les réunions de parents d’élèves et de syndicats de parents devraient servir à se concerter pour que les enfants qui jouent ensemble en dehors de l’école n’aient pas accès aux tablettes, téléphones et consoles, ou seulement à certaines périodes, selon leur âge."              __________

lundi 26 septembre 2022

Mais vieillir...

 La mort, la belle affaire, mais vieillir!...disait Jacques 

                 Il est vrai que la mort n'est rien pour nous, comme l'affirmait Epicure, qui la voyait comme un phénomène naturel, loin des peurs et des fantasmes des hommes, qui ont à partir de là créé des religions soi-disant apaisantes. Elle fait partie du cycle nécessaire à la vie, que cela nous plaise ou non...                                                                                                                                               Vieillir, c'est une autre histoire, même quand cela se passe souvent relativement bien et il y a vieillir et vieillir...Cela ne va pas sans conséquences sur le corps et l'esprit, jusqu'au moment où on ne peut plus rien rafistoler.... Comme dit l'autre: Je ne vois pas l'intérêt de vieillir,...je vais arrêter J'ai essayé, ça ne marche pas...                         ____L'esprit encore bien vivant, quoi qu'il en dise, Bernard Pivot y va de son franc-parler:


          Vieillir, c’est chiant....

J’aurais pu dire : vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible,
c’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant » parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira.
Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant. On était bien dans sa peau.
On se sentait conquérant. Invulnérable.
La vie devant soi. Même à cinquante ans, c’était encore très bien. Même à soixante.
Si, si, je vous assure, j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps –
mais quand – j’ai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de l’âge qu’ils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge.
J’ai lu dans leurs yeux qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables. Sans m’en rendre compte, j’étais entré dans "l’apartheid de l’âge".
Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect », « En hommage respectueux », « Avec mes sentiments très respectueux ».
Les salauds ! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect ? Les cons !
Et du « cher Monsieur Pivot » long et solennel comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !
Un jour, dans le métro, c’était la première fois, une jeune fille s’est levée pour me donner sa place.
J’ai failli la gifler....
Puis la priant de se rassoir, je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué.
« Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée.
J’ai pensé que… » Moi aussitôt : «Vous pensiez que…?
-- Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous assoir.
– Parce que j’ai les cheveux blancs?
– Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, ç’a été un réflexe, je me suis levée…-
- Je parais beaucoup beaucoup plus âgé que vous?
–Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge… --Une question de quoi, alors?
– Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois…»
J’ai arrêté de la taquiner, je l’ai remerciée de son geste généreux et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.
Lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du possible, Ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages, Ni aux spectacles, ni aux livres,
Ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.
Rêver, c’est se souvenir tant qu’à faire, des heures exquises. C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder entre le désir et l’utopie.
La musique est un puissant excitant du rêve. La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil en écoutant
soit l’adagio du Concerto no 23 en la majeur de Mozart, soit, du même, l’andante de son Concerto no 21 en ut majeur, musiques au bout desquelles se révèleront à mes yeux pas même étonnés les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés. Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement. Nous ignorons à combien se monte encore notre capital.
En années? En mois? En jours? Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération.
Après nous, le déluge? Non, Mozart. ____________________

dimanche 25 septembre 2022

Petit billet du dimanche

__  Nestlé-ville

__ Déclin certain

__ Les banques aussi

__ Agriculture 4.0               

__ Fibre: petit fiasco?       

__ Et après?...

__ Nucléaire: plus vite?

__ Les dires de Cécilia

__ A la virgule près...    La virgule, c'est trois fois rien, mais elle est souvent porteuse de sens. Si je dis "il se sent bien seul" est-ce la même chose que de dire: "il sent bien, seul "?....

                               ______ Revue de presse.__              _________

samedi 24 septembre 2022

Après les fastes

        Le don aux pauvres.

                                   Survivre....

                                                                                    ___________________________

Lire, écrire...

          En mutation?

                                        Deux activités fondamentales supposées acquises assez rapidement par chacun dans sa scolarité, socles de tout autre apprentissage et de tout plaisir intellectuel renouvelé.. Car la lecture maîtrisée est une porte ouverte non seulement vers de nouvelles connaissances, mais aussi vers des plaisirs toujours variés. Or, nous ne sommes pas bons dans ce domaine, si l'on en croit des données récentes. Beaucoup de jeunes élèves ne maîtrisent pas (ou peu) la lecture, et parfois conserve ce handicap longuement, sans avoir sur ce sujet la maîtrise requise. Un trop grand nombre n'arrivera jamais au niveau où la lecture est devenue fluide, courante et source de vraies informations et sources de plaisirs.                                                                                                                                                         Ce qui pose un problème nouveau, quasi civilisationnel, c'est le fait,  constaté notamment aux USA: de plus en plus d'enfants, voire d'étudiants, ne (re) connaissent plus les signes de leur langue écrite cursive. Comme un défaut d'apprentissage et un défaut d'initiation à l'écriture traditionnelle, le numérique, la tablette étant devenu l'outil quasi exclusif de transmission.   Cela pourrait bien devenir la règle chez nous, pour contourner les méthodes traditionnelles jugées trop longues ou fastidieuses. Or il y aurait là une rupture qui ne serait pas de pure forme, qui interdirait notamment l'accès à de multiples documents écrits. Un phénomène non anodin, conséquence de directives  laxistes et/ou inconscientes, lourdes de conséquences: 


                                                                "... Pour The Atlantic, une professeure d'histoire d'une fac américaine s'interroge sur les conséquences potentielles de l'arrêt de l'apprentissage de l'écriture cursive (un type d'écriture manuscrite, lorsque les lettres sont liées entre elles). Son questionnement sur le sujet a démarré après qu'un de ses étudiants d'un niveau similaire à celui de nos licences lui a confié n'avoir pu tirer beaucoup d'informations du livre sur la guerre de Sécession que l'enseignante lui avait prêté, car il avait été incapable de déchiffrer les reproductions de manuscrits qui y figuraient.    
Drew Gilpin Faust, la prof, a alors procédé à un sondage, et s'est rendue compte que les deux tiers des étudiants de cette promotion ne savaient pas lire les cursives, et qu'un nombre encore plus grand ne savait pas les écrire. D'où le début d'une réflexion, menée conjointement avec ses élèves, sur la place –et surtout l'absence– de l'écriture manuscrite dans leur existence.  Au début des années 2010, rappelle Drew Gilpin Faust, l'écriture cursive a été rayée des enseignements imposés au sein du système américain K-12, sigle désignant le cursus scolaire allant de la maternelle au secondaire. Les étudiants d'aujourd'hui étaient alors à l'école primaire, où on leur a appris à utiliser des tablettes, des ordinateurs et des tableaux numériques. La plupart d'entre eux affirment n'avoir reçu que les bases de l'écriture cursive, pendant une année maximum.            ______Étonnée par sa propre époque mais bien décidée à ne pas sombrer dans une observation amère de celle-ci, Drew Gilpin Faust fait preuve d'un certain fatalisme. «Le déclin de l'écriture cursive semble inévitable», écrit-elle. «Après tout, l'écriture est une technologie, et la plupart des technologies sont tôt ou tard dépassées et remplacées.» Une affirmation frappée du sceau du bon sens, même si pour la plupart d'entre nous, qui avons grandi dans un système éducatif où l'écriture cursive était au centre de tout, il semble improbable que celle-ci puisse disparaître un jour.                   Il reste particulièrement difficile d'envisager que des étudiants en histoire ne sachent ni lire ni écrire en lettres cursives, étant donné qu'ils ne pourront alors déchiffrer aucun manuscrit, et qu'ils devront se contenter de lire les travaux de recherche produits par d'autres. Cela ne signifie pas pour autant qu'il leur soit impossible de mener de brillantes études d'histoire: c'est ainsi que l'un des étudiants de Faust est allé au bout de sa thèse, dont il a simplement remodelé le sujet afin de ne pas rencontrer d'obstacles liés à sa méconnaissance de cette écriture.   Pour autant, n'est-il pas regrettable de devoir limiter son champ de recherche à cause de cette compétence manquante? L'enseignante cite aussi le cas d'une étudiante passionnée par Virginia Woolf, mais qui a décidé d'abandonner ses recherches sur l'autrice car elle n'était pas capable de lire ses nombreuses correspondances, écrites à la plume.....Autre préoccupation de l'enseignante: comment font les étudiants et étudiantes pour déchiffrer les annotations laissées sur leurs copies? La réponse est simple: certains n'hésitent pas à demander à leurs professeurs, et d'autres ont purement et simplement décidé de les ignorer... ce qui est évidemment problématique. Si les uns continuent à utiliser l'écriture cursive et que les autres décident de ne même pas essayer de la lire, alors le dialogue de sourds est total.   Quid des listes de courses? Des cartes de vœux? Nous, les adeptes de l'écriture cursive, voyons mal comment nous pourrions nous en passer. La réponse est similaire à ce que Faust écrit plus haut: ce n'est qu'une technologie, elle est donc remplaçable. Tout ceci peut être fait de façon numérique, sur un smartphone ou un ordinateur –et, si besoin, à l'aide d'une imprimante. ..."                                                                                                                                                          ____Etonnant que l'on  découvre seulement ce fait et que l'on s'étonne d'un phénomène comparable à la perplexité de Champollion devant des hiéroglyphes non encore déchiffrés ...Comme le constatait pour son pays un auteur bien connu, la lecture elle-même est en danger. 

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vendredi 23 septembre 2022

Varia

 1.     Surprofits en question: comme ailleurs...

                     "...Les majors pétrolières font face à une fronde à l'échelle européenne en raison des bénéfices exceptionnels qu'elles ont réalisés grâce à la flambée des cours du pétrole et du gaz depuis le déclenchement des hostilités en Ukraine. À titre d'exemple, le britannique Shell a enregistré 18 milliards de dollars de bénéfices rien qu'au deuxième trimestre 2022, le français TotalEnergies 5,7 milliards de dollars, et l'italien Eni 3,8 milliards d'euros..."

2.    Ecole publique. 

                    Mais où sont passés les principes fondateurs?

           Veut-on un système "à l'américaine" ou même à la "suédoise"?

3.    Court-termisme en question

          On a vu (et on voit)  ce que cela pouvait donner en matière écologique, financière, Et dans maints secteurs de la vie

4.   Elèves et Gafam. 

                   Vers une école numérique

     "...Google et Microsoft, les deux principales multinationales de la big-tech mondiale sont de plus en plus présents dans les établissements scolaires en Europe. Mais à travers le continent, des parents, des enseignants et des activistes des libertés numériques tentent aussi de s’opposer à la mainmise de ces entreprises sur les élèves..."

5.   Contrôle et nationalisations                   

               Même en Allemagne...Nécessité oblige!

6.   "Pense à l'Angleterre..."

                      Hypothèses sur la sexualité d'une reine, soumise à des devoirs...pas seulement conjugaux.

7.   Le neuromorphisme de demain est-il un leurre?

                 Intérêts, limites et illusions.                         ________________


jeudi 22 septembre 2022

Lèse Majesté

 Petit billet inconvenant, voire insolent

                   La Dame aux chapeaux a terminé son show. Une (grande) page se tourne...                                             On pouvait lui reconnaître cette royale qualité: elle n'a RIEN fait (institutions obligent), mais elle l'a BIEN fait. Dixit un humoriste anglais. Peu de chances que Charles, le troisième du nom, atteignent le même degré de popularité. Alors que le pire attend le citoyen britannique. My God! Après les interminables fastes mortuaires. Alors que l'Empire se dissout et que le Royaume tend à se déliter. Les citoyens de sa nouvelle peu gracieuse Majesté entretiendront-ils encore longtemps le mythe?...

          Certains en font trop dans la dérision facile. Shocking!                                                             Mais on peut imaginer ce qu'aurait pu penser un républicain de l'Ile de celle qui fut (gentiment et avec faste) au service de l'establishment:                                                                                    ________ "....Tout comme la dernière heure avant la cérémonie proprement dite, qui vit s’installer, dans l’abbaye de Westminster, les sommités venues de l’étranger, parmi lesquelles Emmanuel Macron et son épouse. Mais le protocole remit chacun à sa place. Après les derniers premiers ministres en vie de Sa Majesté – de John Major à Boris Johnson – sur les quinze que connut la souveraine (et dont elle n’honora que le tout premier, Winston Churchill, de sa présence à un dîner au 10 Downing Street, rappelle le commentateur de la BBC), après cette sombre procession des représentants de l’exécutif britannique que venait clore l’actuelle première ministre, la très fantomatique Liz Truss – le trépas de la reine ayant éclipsé sa nomination –, ce furent les chefs d’État et de gouvernement des pays membres du Commonwealth qui eurent l’honneur de fouler les dalles de Westminster. Justin Trudeau affichait une tête de six pieds de long, certes de circonstance mais un rien surjouée – le premier ministre du Canada partage avec le président de la République française un goût caméléonesque pour apparaître en premier perdant : plus triste que moi tu meurs !                   Vint enfin, au seuil de l’édifice religieux, la famille royale surnuméraire. C’est-à-dire la reine consort suivie de la marmaille en ligne directe (le jeune George trônant parmi les siens).            Les enfants et petits-enfants de la reine défunte – dont Andrew et Harry privés d’uniforme comme des galopins – suivaient, pour leur part, au son des cornemuses, à quelques mètres de là, au Parlement, le cercueil drapé de l’étendard royal et recouvert de ses fabuleux attributs – couronne, sceptre et orbe crucigère. Il s’avançait vers l’abbaye, précédé par les hommes de la Royal Navy – fort peu de femmes dans cette affaire, cela va de soi.   De la musique – l’orgue ayant succédé aux cornemuses –, une cloche si loin si proche, des ordres mugis du fin fond des siècles : les premières funérailles d’État depuis celles de Winston Churchill en 1965 commencent, dans le silence formidable des commentateurs de la BBC – aucun Zitrone du cru pour meubler coûte que coûte, aucun filtre donc. Terriblement impressionnant, impossible d’en disconvenir : le Puy du Fou peut à jamais se rhabiller.                                                                                                                            Derrière le cercueil s’avance et prend place dans l’abbaye la famille royale maintenant réunie au grand complet – avec toujours ces vaines breloques pendouillant au revers du frac des deux punis : Andrew, esseulé après le trop-plein scandaleux epsteinien, et Harry, flanqué de Meghan, que son léger rictus fait de plus en plus ressembler à Wallis Simpson. Mais chut !     La cérémonie ne va cesser d’osciller entre les derniers potins de la commère et une haute tenue comme tout droit survenue des temps médiévaux, résumant ainsi le destin public des Windsor, passés maîtres dans l’art de tenir les deux bouts de la chaîne du pouvoir symbolique, 956 ans après Hastings et sa bataille.                     Le Very Reverend Dr David Hoyle MBE, doyen de Westminster, endimanché dans sa tenue sacerdotale flambant neuve, prononce les paroles idoines avant que ne s’élève le premier hymne, « The day Thou gavest, Lord, is ended », suivi de la lecture, par la première ministre (les défenseurs de la laïcité républicaine ne diront rien, le rite n’étant point mahométan), de l’Évangile de Jean (14:2) : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n’était pas, je vous l’aurais dit. Je vais vous préparer une place. » C’est parfaitement contradictoire avec le Brexit, mais l’assemblée, dans sa grande sagesse, fait mine de ne s’en rendre pas compte.             Retentit ensuite « Le Seigneur est mon berger » (« The Lord’s my Shepherd »), l’un des hymnes favoris de la feue reine, qui se reconnaissait ainsi, en toute humilité, une instance supérieure, un guide suprême, un altissime berger : Dieu soi-même.  Tandis que la cérémonie suit son cours majestueux et pompeux, la question s’insinue, nonobstant l’imposante solennité faite précisément pour qu’aucune interrogation n’émerge : qui enterre qui ? « A truly global event », ne cesse de trompéter le commentateur de la BBC. Que signifie cet « événement véritablement mondial » ?          Tout simplement, en dépit de l’apparat, que le gratin planétaire est en train de rendre hommage – qui se dit en anglais « to pay tribute » – à la reine du capitalisme réel. Nous vivons en effet l’ère du capitalisme réel, comme il y eut jadis le socialisme réel. La reine en était l’icône adoucissante, la pilule qui faisait tout passer, en un sourire radieux rehaussé d’un regard bleu lumineux.    Pendant qu’Élisabeth II souriait, l’économie globale de marché, rongée par la financiarisation galopante et au service d’une nomenklatura échappant à l’impôt, en est venue à saper les services publics et à désintégrer la classe moyenne, gage de démocratie. Tournant le dos aux approches keynéso-rooseveltiennes, débarrassé du devoir d’incarner un modèle attractif aux yeux de populations vivant sous un régime communiste, comme dans l’autre siècle, le système a muté.        Et ce, pour déboucher sur un capitalisme de surveillance propre à deux puissances laboratoires en la matière : la Chine et la Russie. L’heure est au droit de grève traité en activité anticapitaliste, aux samizdats électroniques (leaks en tous genres), voire aux dissidents (d’Edward Snowden à Julian Assange) ; le tout sur fond de croyance indécrottable en un marché total – le pendant de l’État total des démocraties populaires de naguère.       La reine et son pouvoir d’influence (« soft power ») en était le meilleur garant. La marraine – Charles en devenant aujourd’hui le parrain incertain. Elle sacralisait l’ordre capitaliste. Le Kremlin l’a si bien compris que lorsque Vladimir Poutine ne fut pas invité, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, dénonça dans un communiqué outragé une décision « blasphématoire ».            Pendant que sous les voûtes de Westminster s’élèvent des chants divins, « Love Divine, All Loves Excelling », « My soul, there is a country », « O Taste and see how gracious the Lord is », on ne peut s’empêcher de songer, sans jouer plus que de raison l’esprit fort, aux « kim-il-sungueries » dont nous abreuvèrent les médias du Royaume-Uni, nord-coréens devenus.          Le pays presque tout entier, auquel emboîta le pas une partie de l’hémisphère nord capitaliste – ce qu’il fut longtemps convenu d’appeler « le monde développé » –, sombra dans un deuil délirant. Cela ruissela de dithyrambes et de flagorneries posthumes. Le flot apologétique se déversant sur la dépouille d’Élisabeth II n’a cessé de frôler ce qui se déclamait à Bucarest, au temps du Conducător Nicolae Ceaușescu : le Danube de la pensée, le Titan, l’Architecte, le Soleil, le Corps céleste, l’Étoile polaire pensante, le Génie des Carpates, etc.        Dans l’abbaye de Westminster, l’office touchait à sa fin. Après qu’eut résonné un forcément vibrant God Save The King, le cornemuseur personnel de Sa Majesté, Paul Burns, « Pipe Major » du régiment royal d’Écosse, souffla dans ses tuyaux pour que gonflât son outre en peau de mouton et que s’élevât de tout cela une très fameuse complainte traditionnelle : « Sleep, dearie, sleep. »          Pourquoi tant de citoyens redevenus sujets ont-ils un pincement au cœur, voire versent-ils une larme ? Cela tient à un mystérieux sentiment de l’Histoire (cette façon de « vibrer au souvenir du sacre de Reims », évoquée par Marc Bloch dans L’Étrange défaite), mais aussi, mais surtout, à une absence de prise de conscience, à une dépossession subie sinon volontaire : à cette aliénation intériorisée, qui fut théorisée de Karl Marx à Theodor Adorno.                                    Dans un récit de la rentrée littéraire consacré à son récent retour dans la Russie poutinienne, Z comme zombie (P.O.L.), Iegor Gran écrit : « Quand les Russes constatent que les plus grands yachts du monde, les plus beaux châteaux, les montres de collection les plus rares appartiennent à des oligarques et des fonctionnaires russes, ce n’est pas de la jalousie qu’ils ressentent mais du contentement, comme s’ils étaient eux aussi, par ricochet des rayons de soleil, baignés dans ces reflets d’or. »          L’enterrement de la reine Élisabeth II procède du même ordre, tout en se superposant et en se tressant avec une sorte de bien-fondé historique : il nous faudrait être là où nos ancêtres étaient ou eussent été ; il faudrait en être, ensemble, pour faire nation comme on fait famille. Tressaillir de concert. Communier.                                                                                      En toute inégalité cependant, en un pays ô combien inégalitaire. Le vulgaire attendait des heures, voire des nuits entières, s’inscrivant dans une file d’attente de 5 miles (8 kilomètres), pour s’incliner devant un cercueil auquel les grands de ce monde et des îles Britanniques pouvaient jeter un coup d’œil sans avoir à patienter une minute.                               La queue-pèlerinage du peuple en hommage à sa souveraine ne saurait être ramenée à la seule dimension mercantile des consommateurs, qui se ruent quotidiennement dans les magasins d’Oxford Street et de Regent Street – cette dernière artère appartenant à la couronne dans son entièreté.                   On ne peut non plus en faire l’équivalent de la « codologie » qu’avait inventée Henri Weber de retour de Varsovie et de Gdansk en 1981 : « En Pologne, la queue est érigée à la hauteur d’une institution. On ne dit plus : “Je vais acheter des cigarettes”, mais : “Je vais faire la queue au kiosque à tabac.” » (Henri Weber : « Une société en file d’attente », Le Monde, 6 août 1981.)        La queue londonienne d’un pays en deuil prend valeur d’exemple, de métaphore, de gage sur l’avenir. Elle est instrumentalisée au plus haut point. Elle est choyée par l’archevêque d’York, Stephen Cottrell, qui s’y rend et la bénit, en quelque sorte : « Nous redécouvrons notre unité. »  L’unité est perdue. Le Royaume-Uni va vers la désunion. Le Commonwealth ne fera pas de vieux os. Le capitalisme craque sous l’effet de crises et de guerres de plus en plus dévastatrices. La reine Élisabeth jouait le rôle du dernier cercle de fer maintenant le tonneau en putréfaction d’un ordre révolu.       Tout le monde le sait et fait mine de n’en rien voir. La procession qui suit la messe de funérailles annonce l’écroulement funèbre futur, comme dans certaines symphonies de Mahler. Londres devient le théâtre symbolique des annihilations en cours et à venir. Dans les rues et dans les parcs, parmi les monuments de la capitale britannique, les marches funèbres se succèdent et recommencent sans cesse. Un tel da capo lugubre aura eu valeur d’avertissement.            Avant même Chopin et Mendelssohn, retentit une pièce attribuée faussement à Beethoven. Cette « Marche funèbre numéro 1 » est l’œuvre de Johann Heinrich Walch (1776–1855), lié aux Saxe-Cobourg-Gotha, dont était issu le prince Albert, l’époux de la reine Victoria. Cette marche ponctue sans faiblir les deuils royaux – ou non – outre-Manche. Pour la petite histoire néanmoins symptomatique, Johann Heinrich Walch est également l’auteur de la Marche pour la prise de Paris (Pariser Einzugsmarsch), composée et jouée en 1814, à l’occasion du défilé sur les Champs-Élysées des troupes coalisées ayant vaincu Napoléon. Cette marche accompagna en 1870 l’invasion prussienne, puis, en 1940, l’arrivée de l’armée hitlérienne dans la capitale française." [ Antoine Perraud ]

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