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jeudi 30 juin 2022

Vers une médecine 3.0 ?

        Une révolution ambiguë                          

                          Pour pallier au déficit de médecins qui pose problème et qui risque de durer encore longtemps, certains envisagent le recours de plus en plus large à la télé-médecine: de la consultation à distance, déjà partiellement existante et surtout au recours plus important à l'intelligence artificielle, notamment en matière d'imagerie médicale. _Une petite révolution médicale se prépare, qui va peut-être faire faire un pas de géant à la médecine préventive et au suivi des patients, en réduisant le coût des lourds examens traditionnels.    C'est notamment un tout petit objet, permettant de surveiller sans déranger, qui pourra avoir d'autres applications qu'on n'imagine pas encore. C'est du sérieux"Une équipe de chercheurs américains a mis au point un minuscule patch épidermique capable de surveiller les signes vitaux d'un patient grâce à des capteurs électroniques._Le nouveau système électronique épidermique (Epidermal Electronics System ou EES) est une véritable révolution. Doté d’une souplesse, élasticité et densité équivalente à celle de la peau, il adhère à l’épiderme comme un tatouage temporaire et assure un suivi rigoureux de la condition physique d’un patient en dehors de l’hôpital. Composé de capteurs, diodes lumineuses et microtransmetteurs, l’ESS est capable de capter les signes vitaux d’un sujet sans lui procurer la moindre gêne. Les mesures du rythme cardiaque ou encore de l'activité cérébrale et musculaire sont transmises à un ordinateur sous la forme d’un algorithme informatique..." 

                   Mais les réticences des praticiens sont nombreuses, car l'interprétation humaine des données sera toujours nécessaire et des problèmes éthiques apparaissent vite au sujet du secret médical.    De plus le diagnostic individualisé, physique et interprétatif ne remplacera jamais la technicité froide des données numériques ou de la voix à distance                                                                                                Le risque le plus notable est celui d'une  médecine asservie au Big data.  La recherche de pointe privée aux USA côtoie les fantasmes les plus naïfs et (parfois) les plus inquiétants.  Voilà que les géants du web, après la voiture intelligente et autres Google watch,  s'intéressent au génome hmain. De façon parfaitement désintéressée....   Non pas que ce soit inutile, mais c'est fait hors de tout contrôle public, uniquement régi par les lois du marché, comme si le domaine de la santé était surtout un vaste business destiné à croître indéfiniment... Parfois dans le plus pur esprit de l'idéologie transhumaniste.

 
       Notre futur intéresse les boys de la Silicon Valley.
 Google vise-t-il le bien de l'humanité ou le portefeuille des assureurs?
       Une guerre commerciale est engagée.
               ...La médecine est sur le point de devenir une science de l'information au sein d'un marché évalué à 10 800 milliards de dollars par an en 2017, selon Freedonia Group. Les médecins et les chercheurs sont désormais capables de récolter et d'analyser de gigantesques quantités de données auprès de leurs patients. Et Google est très, très bon avec les grandes bases de données. Le big data pour combattre la maladie donc...
        Vaste marché en perspective concernant la médecine prédictive (sur laquelle on se fait beaucoup d'illusions encore, dans un esprit étroitement scientiste et médicalement obtu: le tout génétique a montré ses limites...)
                   D’après Jay Flatley, patron d’Illumina, leader californien du séquençage et de la fabrication de matériel, ce marché émergent pourrait atteindre 20 milliards de dollars ces prochaines années. Un marché qui intéresse au plus haut point Google, Apple, Facebook ou Amazon (Gafa), qui ont fait de l’exploitation des données le cœur de leur activité. Comme Anne Wojcicki, dont il est partenaire, Jay Flatley milite pour la libéralisation des données génétiques. Il participe au financement de Helix, une sorte d’AppStore du séquençage low-cost, où l’exome (une partie du génome) de chaque client, séquencé par Illumina, sera «monétisé» auprès de ses partenaires : des développeurs d’applications liées au sport et au bien-être, comme les laboratoires américains Lab Corp ou la célèbre clinique Mayo, un réseau hospitalo-universitaire basé à Rochester dans le Minnesota et classé en 2015 meilleur établissement de santé américain par le magazine US News & World Report.
                   Le projet Baseline Study vise "modestement" à euthanasier la mort et d’accéder à l’immortalité ».          Grâce au programme «Baseline Study», le géant d’Internet qui rêve de «tuer la mort» ou du moins de la faire reculer dans des proportions jamais vues dessine le profil génétique de l’humain en bonne santé grâce à des milliers de cobayes bénévoles connectés à un tracker médical, tandis que la société partenaire Ancestry DNA trace de tentaculaires arbres généalogiques à partir des gènes d’un million de clients.... 
      Patrick Gaudray, directeur de recherche au CNRS et membre du Comité consultatif national d’éthique : «Nous commençons à peine à comprendre le rôle des gènes dans les pathologies. La prédiction médicale est à mi-chemin entre le sérieux et la boule de cristal ! Si on nous découvre une prédisposition aux maladies cardio-vasculaires, va-t-on espionner le compartiment beurre de notre frigo connecté pour calculer notre prime d’assurance ?» De fait, les assureurs français Malakoff Médéric et Axa se renseignent déjà en temps réel sur l’état de santé et l’activité physique de leurs assurés volontaires au moyen d’objets connectés de quantified self («mesure de soi»).
      C'est donc vers une chasse aux ADN  à laquelle on risque d'assister.
         Pour notre bien? Les spécialistes en éthique médicale n'en sont pas convaincus:
                 «Pour prévenir les maladies, jusqu’où ira-t-on ? Voudra-t-on fabriquer des génomes exempts de tout problème ? Faudra-t-il répondre à un standard génétique ? Moi, ça me terrorise !»dit Patrick Gaudray. Alors que penser des technologies de réécriture de l’ADN pour gommer les causes d’une maladie génétique, développées par une équipe d’éminents scientifiques américains, à l’origine d’Editas Medicine ? Un programme financé par des fonds privés, dont ceux de l’omniprésent Google, le plus «transhumaniste» des Gafa au cœur d’une Silicon Valley.
       Les investissements qui se font implicitement au nom de la nouvelle doctrine de " l'homme augmenté"   n'ont vraiment rien pour rassurer...
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mercredi 29 juin 2022

Certains jettent l'éponge

       Et pourtant ils aiment leur métier.

                                   Ce n'est pas encore une hémorragie, comme à l'hôpital. Mais beaucoup sont épuisés ou sont démoralisés après les réformes qui se succèdent sans fin depuis des années sans grande cohérence.. Les job dating pratiqués à la hâte ne changeront rien à l'affaire....Un faisceau de causes ont produit une situation souvent critique. Mais ce n'est pas d'aujourd'hui...A-t-on voulu, conformément aux recommandations déjà anciennes de l'OCDE, laisser filer le système pour mieux le privatiser? C'est dans l'air....Le projet du FN ne manque pas d'inquiéter et penche nettement vers une conception libérale et régressive du système. 


                                                                                                                                                       S'il n'était question que d'orthographe, même minimale parfois, le problème ne serait pas si alarmant pour un nombre toujours plus grand d'élèves, mais , plus inquiétant, c'est le niveau de raisonnement qui pèche et la culture générale qui fait défaut dans ce qu'elle a de plus basique parfois. Et il ne s'agit pas que des fameuses perles traditionnelles? Les causes sont multiples et déjà anciennes, culturelles comme institutionnelles. Le travail régulier et approfondi, comme le plaisir d'apprendre sont des valeurs en baisse. La langue française est parfois devenue comme une langue étrangère...Le constat, souvent fait, pas toujours pour de bonnes raisons, s'impose maintenant, même pour des professeurs d'université, qui s'arrachent les cheveux. Pour ce qui est de la politique générale de l'institution qui tend vers la privatisation et qui n'est plus une priorité nationale, l'OCDE, fidèle au modèle libéral, continue à inspirer à des degrés divers les orientations scolaires au niveau pas seulement français:                                                                                                                                                                     ...Les conceptions de l’OCDE dans le domaine de l’éducation vont dans le sens d’une forte libéralisation du système éducatif. Dans Repenser l’enseignement. Des scénarios pour agir (dernier volume de la série « l’école de demain »), l’OCDE donne la parole à Jay Ogilvy, « grand pionnier de la réflexion prospective au sein des entreprises ». Celui-ci préconise une « décentralisation » et « une autonomie accrue des établissements scolaires, avec une influence plus forte des parties prenantes »1. Il fait l’éloge du projet anglais FutureSight, qui a consisté à renforcer le pouvoir des chefs d’établissement2. Il « préconise l’application des principes du marché contre l’excès de bureaucratie, qui risque d’étouffer l’innovation dans l’enseignement »    _________Cet expert promeut l’idée d’un enseignement adapté à chaque élève. Il affirme : « À l’avenir nous disposerons d’outils d’apprentissage qui nous permettront de faire chez chaque élève un diagnostic personnalisé qui nous donnera la possibilité de mettre à sa disposition, à chaque heure de la journée, des outils d’enseignement et des préparations de leçons les mieux adaptés à ses besoins et à ses aptitudes »4. Il faut selon lui « traiter chaque école et chaque élève différemment et singulièrement en fonction de leurs besoins propres », et « individualiser [l’] enseignement. » « Pour atteindre l’équité devant l’éducation à l’ère de l’information, nous devons rompre avec le vieux modèle de production de masse d’élèves bien socialisés et identiques de l’ère industrielle. Nous devons recueillir des informations sur chaque circonscription, chaque école, chaque élève, et les utiliser pour moduler les quantités de “nutriments” – qu’il s’agisse de dollars, d’enseignants, de manuels ou d’ordinateurs – en fonction des besoins de chaque école et de chaque élève »5. Ces idées sont entièrement au diapason de celles de notre gouvernement de droite, qui veut en finir avec le collège unique, créer des collèges de haut niveau dans les centres-villes et des collèges où l’enseignement se réduirait au minimum, au « socle commun », dans les banlieues défavorisées. Les 7 piliers du socle commun de connaissances sont d’ailleurs inspirés par l’OCDE. Ce que prône l’OCDE, c’est de renoncer à l’objectif ambitieux d’une école, d’un collège et d’un lycée pour tous, et trier dès le plus jeune âge les élèves en fonction de leurs résultats ; ce qui revient en fait à les trier en fonction de leur niveau social, donc à accentuer les inégalités. Ces préconisations vont à l’encontre du caractère démocratique et universel du système éducatif.                                                    Dans ce long rapport pétri de langue de bois, l’OCDE préconise aussi que l’enseignement public soit désormais « concerné par les mécanismes du marché ». L’organisation déplore que « les conseils d’établissement et l’administration centrale de la circonscription fonctionnent comme des monopoles d’État. Parents et élèves n’ont pas le choix du fournisseur, comme ce serait le cas sur un marché libre ». Elle fait valoir que « dans la plupart des entreprises, un directeur peut opérer des changements pour répondre aux différents besoins d’une clientèle diverse », et conclut : « Nous devons commencer par dégripper ce mécanisme ». Elle propose en outre de « donner aux élèves et aux parents la possibilité de choisir l’école et les enseignants qui correspondent le mieux à leurs besoins. Le financement ira dans le sens du choix des élèves » ; ainsi « les forces du marché récompenseront les résultats »6. L’assouplissement de la carte scolaire, l’autonomie des établissements, l’idée de payer les enseignants « au mérite », le recrutement massif d’enseignants contractuels tandis que les places aux concours sont drastiquement réduites et que des milliers de postes d’enseignants titulaires sont supprimés chaque année, toutes ces initiatives du gouvernement trouvent leur source dans les préconisations de l’OCDE qui est aujourd’hui véritablement le fer de lance de la libéralisation des systèmes éducatifs. Il est temps de démystifier l’OCDE, de se démarquer de cette influence ultra-libérale, et d’entreprendre une politique éducative ambitieuse et démocratique, visant à la réussite de tous les élèves..."

____Et voilà pourquoi votre fille est malade...         "Sous Blanquer, l'école privée a prospéré comme jamais...stimulée par les défaillances du public...."..._« La différence fondamentale, c’est que le privé n’a pas d’obligation d’accueil, contrairement au service public », s’insurge Yannick Trigance, ancien directeur d’école en Seine-Saint-Denis, ancien inspecteur, chargé des questions d’éducation au Parti socialiste.     Tirer le bilan de ces ballons d’essai, aller au bout de la réforme de l’éducation prioritaire « par contrat » et non plus « par territoire », reviendra au nouveau ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye. Lui qui s’est défini comme un « pur produit de la méritocratie » lors de sa prise de fonction, tout en mettant ses enfants à la très select (et privée) École alsacienne, n’a pas encore réussi à convaincre qu’il pourrait changer radicalement de direction.    « Évidemment, les deux parcours n’ont rien à voir, mais Pap Ndiaye apparaît comme un homme de la sélection et du mérite, qui croit dans l’idée qu’il faut amener les meilleurs au plus haut. Et puis quelles marges de manœuvre aurait-il au sein de ce gouvernement dominé par la droite ? », s’interroge Marine Roussillon, maîtresse de conférences en littérature, spécialiste des politiques éducatives pour le Parti communiste (PCF).         Selon le service statistiques du ministère, la baisse démographique qui fait chuter la fréquentation des établissements scolaires publics de premier degré (1,2 % d’élèves en moins) épargne le secteur privé, qui lui voit ses effectifs se stabiliser, notamment grâce à la loi sur l’instruction obligatoire dès 3 ans.     Mais les mécanismes de financement (fixés dans la loi Debré) et les usages ont pour le moment empêché la bascule du système, fixant à environ 20 % le nombre total d’élèves pouvant être scolarisés en dehors de l’éducation nationale pour les collèges et lycées. C’est donc moins un transfert d’un secteur à l’autre que l’on observe, qu’un système de vases non communicants, le privé captant les meilleurs élèves, et le public perdant en mixité sociale.     « Il y a deux types de ségrégation scolaire, rappelle Pierre Merle. À l’intérieur du secteur public, entre ceux de l'éducation prioritaire et les collèges du centre ville, et entre le public et le privé avec des établissements privés qui ont un recrutement sélectionné et une localisation surtout dans les capitales régionales, spécifiquement dans les quartiers privilégiés de ces mêmes capitales régionales. »                    L’état de délabrement assez avancé de l’école publique, mis au jour à la lumière de la crise sanitaire, encore plus criant cette année en raison du grand nombre de professeur·es non remplacé·es, favorise ces deux mécanismes. Pour beaucoup de familles, l’école ou le collège de quartier deviennent repoussoirs. Mais le choix d’un établissement privé, que l’on va chercher parfois à des kilomètres de son domicile, reste le fait des catégories les plus aisées de la population.  « Après le premier confinement notamment, on a vu le privé très à l’offensive, assurant que chez eux, “tous les cours avaient été assurés”, et on a même vu, à l’occasion de Parcoursup, des lycées privés qui pouvaient “certifier” que tous les cours avaient eu lieu en présentiel, se souvient Marine Roussillon (PCF). Dans un univers scolaire de plus en plus concurrentiel, toute dégradation du public pousse vers le privé... »___________________________

mardi 28 juin 2022

UE: élargissement encore?

La question ne cesse de rebondir

                Les promesses faites envers l'Ukraine ravive la question de l'élargissement de l'Europe, qui n'a jamais cessé de faire périodiquement problème. A l'époque du "Bénélux", aucun souci: les échanges entre petits pays voisins furent envisagés comme une solution logique, surtout à le suite d'un guerre dont il fallait se relever en commun. PH Spaak en fut un ardent défenseur.     Mais l'idée des pionniers étaient d'aller beaucoup plus loin, sous l'instigation de J. Monnet, avec l'impulsion de Schuman, de de De Gasperi, encouragés par le grand frère d'Outre-Atlantique, dans le contexte de la Guerre froide. Toute une histoire assez tortueuse, une évolution que contestait au début De Gaulle, qui y voyait une possible dilution de souveraineté, l'intégration  trop marquée aux désiderata de Washington, le risque d'un simple marché sans entraves où la finance deviendrait la norme. Il caressait le rêve d'une autre Europe, "de l'Atlantique à l'Oural"  L'histoire a parlé et nous vivons au coeur d'une autre logique, dans une histoire assez chaotique. Une Europe à plusieurs vitesses, qui se redéfinit en se faisant, dans un processus dont on ne voit pas la fin, dans un affaiblissement politique régulièrement contesté. Nous sommes loin d'en avoir fini avec ce stop and go parfois un peu aveugle où la cohérence est défaillante et où les promesses à géométrie variable sont liées à des capitales qui ont en arrière-plan des objectifs différents t où la question de l'Otan vient embrouiller les débats. Ne parlons pas de la bureaucratie envahissante, souvent hors sol.                Les nouveaux arrivants ne sont parfois pas dans les clous, comme la Pologne et la Hongrie, qui jouent leur jeu propre. Qu'en sera-t-il du Kosovo, et, mieux, de la Turquie, toujours théoriquement candidate. On se prend légitimement à douter d'une possible conduite commune dans l'avenir, vu que c'est déjà une cacophonie périodique sur divers sujets et chaque pays tire la couverture à lui en matière de solidarité, de fiscalité, etc...Le cas récent de la gestion de la crise grecque a été un exemple  révélateur des défaut d'une élargissement qui s'est fait sans analyse sérieuse des situations concrètes 


     D'élargissements en élargissements, on peut se demander combien de décennies un terme (et lequel?) sera atteint et de quelle nature il sera. La question se pose régulièrement, avec ses crises, ses échecs, son Brexit, ses relances et ses incohérences. Il y a dix ans déjà, on se posait des questions qui restent toujours en suspens: Les illusions d'une Europe sans limites géographiques claires sont tenaces.___Est-ce vraiment une bonne nouvelle pour la Croatie?  Certains Croates ne sont pas enthousiastes, c'est un euphémisme. Le pays risque de déchanter, si on la mène à marche forcée selon le catéchisme bruxellois, vers l'ordre néolibéral en vigueur.__ "...La Serbie espère ouvrir des négociations d'adhésion en janvier ou encore le Kosovo obtenir un accord de stabilisation et d'association, première étape vers l'adhésion. La Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro sont aussi dans les starting-blocks, comme l'Albanie. Au-delà, l'Islande a entamé des négociations pour son adhésion et la Géorgie, l'Ukraine ou encore l'Arménie rêvent un jour de faire partie de l'Union. Sans parler de la Turquie. Or pour l'Union européenne, ces élargissements risquent de devenir de véritables pièges. A 27, l'Europe est déjà largement ingouvernable. Toute décision, comme en témoignent celle sur le budget de l'Europe ou celle sur le mandat du commissaire européen pour négocier - enfin - un accord de libre échange avec les Etats-Unis, donne lieu à de longues palabres, des querelles sans fin entre Etats membres. L'Union européenne n'a toujours pas non plus été capable d'adopter une position commune face à la guerre civile en Syrie. Comment, à plus de 30, demain, parviendra-t-elle à faire entendre une seule voix face à l'Amérique, à la Chine, à la Russie, voire à l'Inde ? Certes, en termes comptables, l'intégration de tous les pays de l'ex-fédération de Yougoslavie ne coûtera au budget européen qu'à peine 10 milliards d'euros. Mais il reste encore d'immenses écarts de niveau de vie entre ces pays et le reste de l'Union. Pour beaucoup de nouveaux membres et de candidats, l'adhésion à l'Union européenne est perçue avant tout comme une prolongation de leur engagement vers l'Alliance atlantique, et non pas comme la reconnaissance d'une véritable identité européenne. On s'achemine donc de plus en plus vers une Europe à géométrie variable, avec des pays censés être intégrés comme les 17 dans l'euro - cette intégration étant elle-même source de très grandes difficultés -, les 22 de l'espace Schengen - espace au fonctionnement imparfait lui aussi - et les autres. L'Union européenne doit se décider, enfin, à fixer ses frontières et à redéfinir sa raison d'être. Même si aujourd'hui, avec l'arrivée de la Croatie, elle peut se vanter d'atteindre à nouveau l'objectif de ses pères fondateurs : « faire régner la paix en Europe ».Ce processus arrange tout à fait les partisans d'une Europe simple zône de libre échange, telle que le Royaume-Uni qui  a réussi à l'imposer, rendant maintenant impossible la création d'une future entité politique cohérente et indépendante ou  même une éventuelle et problématique structure fédéraliste...    The Economist avance que l'élargissement a été une des réalisations les plus réussies de l'UE et qu'il faut continuer à intégrer de nouveaux pays...la puissance des USA a besoin d'un grand marché européen mais certainement pas d'une puissance européenne concurrente...    _Les négociations pour un grand marché transatlantique  sont la dernière manifestation de cette volonté d'hégémonie économique, dictée par les multinationales. On peut aller jusqu'à dire qul'entrée de la Croatie va permettre de rendre l'Union européenne encore plus ingérable. Et donc à Washington de mieux diriger l'ensemble.    ___   Objectif bientôt atteint?...Entre deux chaises..______Quant au fédéralisme...       __________________

lundi 27 juin 2022

Education Nationale: un naufrage?

 Qui reprendra la barre?

                     Assistons-nous à une faillite du système scolaire? Certains le redoutent, qui sont le plus souvent placés aux avant-postes, avec un peu d'expérience, de recul et d'esprit critique. On en parle. On évoque le manque d'enseignants qui pose problème, pas seulement en mathématiques, leurs constats, leur désarroi, leur difficultés à assurer le minimum de contenu, pas seulement de maintenir un espace civique de travail dans et hors des classes, la dérive des performances, pas seulement dans les matières scientifiques, mais d'abord dans la maîtrise de la langue, qui conditionne toutes les autres. Il n'est pas prioritairement question de salaires insuffisants, même si ce facteur joue un rôle dans la désaffection actuelle, mais de la qualité de l'encadrement et de la gestion, qui s'est encore dégradée sous un ministre qui a du quitter ses fonctions pour ses objectifs technocratiques et autoritaires qui a compromis la "confiance" promise, tout en voulant stimuler la "bienveillance" . Une dérive qui vient de loin, lorsque l'EN ne fut plus déclarée priorité nationale, lorsque la culture générale fut peu à peu appauvrie, les horaires de français drastiquement diminués, quand le système fut aligné sur l'ordre marchand.            __C'est l'unité et la laïcité de l'école qui est aujourd'hui en question, dans les projets qui tentent de se mettre en place. Comme si la privatisation était un remède, dans ce domaine comme dans d'autres, d'intérêt général. "Sauver la langue" est d'abord l'objectif prioritaire. Quand on apprend qu'il faut réintroduire des cours d'expression écrite en première année de fac et même d'orthographe en cours de droit à Paris, que des ingénieurs peinent à rédiger un rapport écrit, on reste songeur. Il faut s'adapter, répète-t-on...Mais le terme est ambigü: jusqu'où, quand l'école n'est plus maître chez elle? Quand le minimum d'autorité ne fait plus le poids, quand la relativisation du savoir gagne toujours du terrain, quand la parole est toujours contestée, quand les réseaux sociaux font la loi, comme lors de la dernière épreuve de français en Première?  Qui remontera le niveau? Peut-on encore descendre plus bas que certaines copies, toujours plus nombreuses, de la dernière épreuve du Bac philo?

          Comment ne pas partager ce avis de bon sens d'un acteur sur le terrain?:         

"La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien. Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions. Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe. L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants. Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté".______________

dimanche 26 juin 2022

Petit billet du dimanche

__ Pantouflage

__ Cher pipi

__ Chambre introuvable

__ Dédiabolisation?

__ Comme en 1877?              

__ Manquait plus qu'ça!

__ Manger son chapeau

__"Bienveillance" comme norme?

__ Renouvelables en question

__ Jamais sans mon arme

__ Semaine de 4 jours

__ Clarifications...

__ Nouvelles fragmentations?

__ Il faut sauver le soldat EDF

                        ___ * Revue de presse.                                                 


samedi 25 juin 2022

De l'autre côté de l'Atlantique

Le grand bond en arrière

          Une décision pas seulement erronée...

                   "...La très conservatrice Cour suprême américaine résulta de quatre années de présidence Trump, a annulé cette nuit l'arrêt « Roe vs Wade » rendu par les États-Unis sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l'accès à l'avortement. Une majorité d'Américaines et d'Américains soutiennent le droit à l'avortement, montrent les enquêtes d'opinion, mais l'annulation de l'arrêt est depuis des décennies un objectif affiché des conservateurs chrétiens et militants "pro-vie", qui organisent des marches annuelles à Washington...."     

      C'est plus sûr...

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Orwell à Moscou

Quand des lecteurs font de la résistance

              Si l'on en croit certaines sources réputées fiables, on n'a jamais tant lu à Moscou. Mais pas n'importe quoi. Le pays a beau être contrôlé, bridé, surtout en période de guerre, certains auteurs rencontrent un écho puissant. Faute d'opposition réelle possible, des esprits éclairés font de certains auteurs des alliés intérieurs, pour une résistance qui ne put être pour l'instant que symbolique et périphérique.                                                      __ Quand la presse est aux ordres, quand la police veille...que faire?  Une seule voie: entretenir par l'esprit une forme de résistance intérieure pour garder intacte la flamme de la révolte.  Cela ne changera pas le cours de la guerre, hélas!  mais cela peut contribuer puissamment au réveil citoyen quand sonnera l'heure où le Kremlin s'ouvrira.   Pour l'instant, la novlangue  règne au Kremlin...,celle qui ne heurte pas,  inventant d'autres vocables si les besoins (politiques) l'exigent, comme le suggérait Orwell, qui notait que propagande pouvait très bien se transformer  en vérité, par la vertu d'un rhétorique dévoyée   Il y a  les mots, il y a les choses...Quand les choses déplaisent, changeons les mots, pour masquer les maux. Ne parlons pas d'échec, mais de contre-performance, de violence, mais de troubles, d'ouvriers mais de collaborateurs, etc.......   


                             
L'auteur de 1984 est donc bien d'une brûlante actualité, comme l'a pu être Voltaire en son temps...:  "....L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022 a eu sur le paysage éditorial russe un effet collatéral plutôt inattendu : au milieu des ouvrages de self-help et d’autres fictions plus ou moins consolantes, le grand succès de librairie de cette période est le roman d’anticipation du Britannique George Orwell, 1984. Selon les derniers chiffres, les ventes du roman ont progressé depuis février de 30 % pour les librairies physiques et de 75 % pour les ventes en ligne sur un an et 1,8 million d’exemplaires en ont été vendus depuis le début du conflit.   Un couple d’Ukrainiens de retour dans sa maison d’Irpine après la longue occupation de la ville par l’armée russe a même retrouvé un exemplaire du roman abandonné par un soldat. C’est donc toute la Russie qui semble s’être plongée dans ce classique de la littérature mondiale. Il est vrai que l’embargo a privé les Russes des films hollywoodiens et qu’ils se tournent vers la lecture pour s’occuper – mais le choix de 1984 est tout sauf innocent dans le contexte politique russe....Il n’est pas anodin que l’ouvrage refasse surface précisément au moment où le régime de Vladimir Poutine, qui a souvent révélé la force de l’héritage soviétique dans la Russie contemporaine, connaît une forte poussée autoritaire en contexte de guerre. Déjà, en 2015, juste après l’annexion de la Crimée, le livre était apparu dans le classement des dix livres les plus lus en Russie, avec 85 000 exemplaires écoulés dans l’année. Aujourd’hui plus que jamais, une partie de la population russe a l’impression que la réalité rattrape la fiction.   Une vidéo postée sur TikTok par une jeune exilée russe à Londres et devenue rapidement virale montre bien ce que, à l’occasion de la guerre en Ukraine, certains Russes reconnaissent dans le miroir orwellien. Les pays inventés par le romancier britannique sont non seulement plongés dans un état de guerre perpétuelle avec leurs voisins, mais ils se caractérisent aussi par l’omniprésence d’une propagande qui déforme la réalité pour mieux la faire correspondre au discours du pouvoir et impose à la population un assentiment qui défie la logique. « La guerre, c’est la paix », dit le Ministère de la Vérité dans le roman : de la même manière, le pouvoir russe cherche à rebaptiser « opération spéciale » une guerre qui ne dit pas son nom et a mis en place un lourd dispositif de mesures judiciaires pour punir ceux qui n’accepteraient pas ces éléments de langage...."                                   ____ Certaines lectures apaisent et aident à résister. Elles présentent parfois comme un danger pour le pouvoir, ce qui explique qu'on puisse les brûler...______________

vendredi 24 juin 2022

Lucy et son père

 C'était dans les années 1970

                                          Un jeune préhistorien paléontologue se lance à l'aventure en Ethiopie, terre déjà soupçonnée de recéler maintes traces d'humanité ancienne, de témoignages uniques du lointain passé africain de l'espèce humaine. C'est en 1974 qu'il participa à une découverte fondamentale: la découverte d'une pièce unique, celle de restes de l'australopithèque, qui sera nommée Lucy, qui deviendra si célèbre et qui relancera la recherche vers d'autres investigations, qui ne finiront jamais.  Une vie d'aventurier, qui va déboucher sur une meilleure compréhension de notre devenir humain. Un chercheur passionné et un conteur hors pair.    


                                                                                                                                          Le Musée de l'homme et le Collège de France perdent un éminent diffuseur d'idées, qui a lancé assez de graines pour préparer d'autres esprits féconds et de nouvelles recherches...qui ne s'arrêteront jamais. Même si Lucy a déjà pris un coup de vieux...    Les migrations ont commencés très tôt....                                                             __ Nos lointains ancêtres n'ont pas choisi un chemin tranquille...Depuis que Lucy a pris un coup de vieux , n'en déplaise à Yves Coppens, il fallait s'attendre à d'autres surprises dans le domaine toujours mouvant de la paléontologie préhistorique.

       Une nouvelle de taille vient de tomber, même si elle se préparait dans le silence de fouilles déjà anciennes
  On a retrouvé en Géorgie un crâne de 1,8 million d'années, ce qui  révolutionne et simplifie (en partie) l'histoire de l'évolution, telle qu'on se la représentait jusqu'ici:
      «Les fossiles hominidés de Dmanisi, dans le sud de la Géorgie, sont les représentants les plus anciens du genre Homo hors d'Afrique», n'hésite pas à affirmer le Pr David Lordkipanidze, directeur du muséum national de Géorgie, à Tbilissi, premier signataire de la publication relatant cette découverte dans la revue Science . Et 5 crânes, dont 4 avec mandibule, ont été exhumés depuis plusieurs années. Ainsi, une mâchoire avait été découverte en 2000. Cinq ans plus tard, à deux mètres de là, un crâne magnifiquement conservé, sans les déformations ou fracturations qu'entraîne parfois la fossilisation, était lui aussi mis au jour. Et mâchoire et crâne s'emboîtent parfaitement. «Cette “tête” est remarquable pour plusieurs raisons, estime Marcia Ponce de Leon, de l'université de Zurich, qui a participé aux travaux. Il a un relativement petit volume crânien, 546 cm3, soit un tiers de celui d'un homme moderne. Il a une face large et prognathe, une mâchoire proéminente avec de larges dents, des arcades sourcilières très marquées. La combinaison de tous ces traits n'avait encore jamais été observée et offre donc des informations nouvelles sur ce à quoi ressemblaient les premiers Homo.» 
Reconstitution artistique
    De nouvelles questions se posent, notamment celle de savoir ce qui s'est passé entre la fin d'Homo erectus et l'arrivée d'Homo sapiens.
  On peut conclure des découvertes de ce site prometteur que nous sommes tous  Homo Erectus, même si l'analyse des crânes est déjà sujette à controverse, ce qui est normal dans la discipline.   De nouvelles pistes de recherche se profilent.
  ".... Pour Lordkipanidze et ses collègues, la diversité morphologique observée chez les fossiles d’Homo africains remontant à environ 1,8 millions d’années représente simplement les variations au sein d’une même espèce, Homo erectus. La ressemblance entre les fossiles de Dmanisi et ceux d’Afrique plaide en faveur d’une continuité génétique entre les humains primitifs africains et ceux d’Eurasie.
Cela revient à dire qu’assez tôt après son apparition en Afrique, Homo erectus a commencé à rayonner en Europe et en Asie. Cette expansion précoce du genre Homo n’a pas nécessité une étape préliminaire d’augmentation de la taille du cerveau : apparemment, les premiers Homo erectus étaient déjà assez évolués pour voyage]r d’un continent à l’autre. Ils sont sortis d’Afrique, se sont établis en différents points d’Europe et d’Asie, puis ont continué à évoluer, à migrer et à se mélanger entre populations, bien longtemps avant l’apparition des hommes modernes. Nous descendons tous d'Homo erectus, par des chemins multiples qui restent à découvrir..."
      Homo georgicus n'a pas fini de faire parler de lui.
           Le créationnisme de papa est une nouvelle fois mis à rude épreuve...
                         [ La revue Hominidés nous aide à comprendre la richesse et le complexité de l'aventure humaine passée, en deçà de l'histoire, dont nous ne saisissons pour l'instant encore que quelques fragments.]    ______________

jeudi 23 juin 2022

Fin du consensus néolibéral?

S'y achemine t-on vraiment?

                         On le murmure, on le chuchote...  Après le Consensus de Washington, qui a ouvert la voie au néolibéralisme dans toute sa splendeur, avec les effets que l'on sait, notamment la grande crise financière de 2008 et ses séquelles de rigueur durable qui a vu partout un affaiblissement de l'Etat, sommé de se plier aux lois du marché, tout en proclamant son impuissance...   


               ____  "Le « Consensus de Washington » est la table de la loi énonçant les dix commandements du libéralisme qui déterminent depuis 20 ans les politiques économiques mondiales. Aujourd’hui, la Banque Mondiale, jusqu’alors fervente adepte du dogme, nous annonce que, désolée, elle s’est trompée, que ces règles sont néfastes, et qu’il faut restaurer le rôle de la puissance publique. A la fin des années 1990, le modèle économique ultra libéral adopté par Thatcher et Reagan est devenu le nouveau dogme économique, et ses tables de la loi ont été rédigées par John Williamson, économiste en chef pour la région Asie à la Banque Mondiale. Devenues célèbres sous le nom de « Consensus de Washington », elles énumèrent les dix commandements auxquels devaient désormais se plier les états, et qui imposaient un revirement complet des politiques menées depuis l’après guerre.   Dérégulation, privatisation, monétarisme, réduction des dépenses publiques devenaient désormais d’ardentes obligations en dehors desquelles ils n’existait point de salut. Le rôle de l’état, qui jusqu’alors avait été central, à la fois par les politiques économiques et budgétaires qu’il impulsait, et par son rôle redistributeur des richesses produites par les nations, devait à tout prix être réduit à la portion congrue. Ronald Reagan avait résumé cette nouvelle vision prônant le « moins d’état » lors de son discours d’investiture par sa formule fameuse : « l’état n’est pas la solution, c’est le problème ». L’adoption par les institutions, comme le FMI et la Banque Mondiale, et les élites mondialisées de cette charte libérale a entraîné des conséquences considérables, tant dans nos sociétés que dans les pays en développement. En Europe, le principe de la « concurrence libre et non faussée », au coeur du Traité de Maastricht, qui a acté la mort des services publics, et l’interdiction de mener une politique industrielle, n’a pas d’autre origine, ni d’autre justification.Dans les pays du sud, les effets du Consensus de Washington, ont été bien plus catastrophiques. Les politiques nommées par euphémisme "Ajustements Structurels" exigées des pays en développement en échange de la renégociation de leur dette par le FMI et la Banque Mondiale ont conduit entre autres à la fin de l’encadrement des prix des aliments de base, et à la privatisation de l’eau, avec une explosion de leurs tarifs. L’auteur de ces lignes a entendu Abou Diouf, l’ancien président du Sénégal, relater comment les envoyés du FMI exigeaient de lui qu’il augmente le prix du lait dans son pays, afin de pouvoir bénéficier de l’aide internationale. Pendant vingt ans, toutes les voix critiques remettant en cause ces choix ultra libéraux ont été ignorées ou qualifiées de rétrogrades - le débat autour du referendum européen nous en a fourni le dernier exemple en date. Pendant vingt ans, armés de leurs certitudes, les hommes du FMI et de la Banque Mondiale ont accru les difficultés quotidiennes de centaines de millions d’hommes et de femmes des pays du sud. Au nom de de leur dogme, ils ont conduit l’Argentine à la ruine, plongé la Russie dans une crise sociale sans précédent, dont elle commence tout juste à se relever grâce aux revenus de ses réserves énergétiques dont elle a « osé » reprendre le contrôle en contravention avec la règle du laisser faire. Au nom de ces mêmes dogmes l’Europe s’est privée de politique industrielle, de la maitrise de ses infrastructures, de son énergie, de ses transports. Devant les catastrophes sociales provoquées par cette nouvelle religion du libre échange, dont les bénéfices pour le plus grand nombre se font toujours attendre, bien que les revenus des privilégiés atteignent, eux, des niveaux stratosphériques, des voix dissidentes sont enfin parvenues à se faire entendre, qui ont osé dire ce que beaucoup pressentaient : le roi est nu. Non seulement les règles du Consensus de Washington n’ont pas produit les résultats promis par leurs adeptes, mais les effets néfastes nés de leur application sont de plus en plus criants. Et la charge la plus sévère est venue du coeur du système. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie et Vice Président de la Banque Mondiale, démissionne en 2000 de son poste et fait le procès des politiques prônées par l’institution qu’il qualifie de « solutions archaïques et inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur les habitants des pays ». Dans son livre La Grande Désillusion, publié en 2003, il décrit comment l’application du Consensus de Washington a produit les effets inverses de ses objectifs affichés, en causant un enrichissement accru pour le nord et des difficultés sans nombre pour le sud .Aujourd’hui, Le Monde s’est procuré la version préliminaire du prochain Rapport mondial annuel sur le développement, préparé par la Banque Mondiale, et oh, surprise, les conclusions de Stiglitz sont reprises par l’institution, qui juge désormais que l’intervention de l’état dans les pays pauvres est nécessaire pour « encadrer et soutenir la paysannerie », remettant du même coup en cause sa doctrine de « l’ajustement structurel ».Redécouvrant bien tardivement que la petite agriculture nourrit un tiers des 6 milliards d’habitants de la planète, le rapport constate que celle-ci a été « sous-utilisée », pire encore, « avec la domination de l’industrialisation dans le débat politique, le développement par l’agriculture n’a souvent même pas été considéré comme une option », et « les bailleurs de fond ont tourné le dos à l’agriculture », ce qui a conduit à des « coûts élevés pour la croissance, le bien être et l’environnement »._Le Monde cite l’appréciation portée par Michel Griffon, un spécialiste de l’agriculture et du développement durable, qui se réjouit de voir publier un document qu’il « attendait depuis plus de vingt ans, depuis que les politiques d’ajustement structurel ont balayé les politiques publiques agricoles antérieures sans les remplacer ».Vincent Ribier, expert dans le même domaine, rappelle que « les politiques néo-libérales d’ajustement structurel » ont eu un « impact très direct et très négatif sur le monde rural dans les pays pauvres ».Effectuant un revirement a 180°, la Banque Mondiale constate que les dépenses publiques en direction du monde agricole ont baissé depuis 1980, de 1,5% en Afrique, 7,4% en Amérique Latine et 5% en Asie, et juge désormais nécessaire de relancer ces aides, en insistant sur le fait que la croissance agricole est « très dépendante du soutien du secteur public ».M. Ribier, qui a participé récemment à une réunion d’experts au Quai d’Orsay sur le rapport, y voit « la fin du consensus de Washington ».Reste maintenant pour l’Europe à entreprendre elle aussi sa révolution copernicienne, en rangeant cette religion à laquelle même ses clercs les plus zélés ne croient plus, à la place qu’elle n’aurait jamais du quitter : celle d’une extravagance idéologique .C'était Quand les pauvres finançaient les plus riches.                                                                                     Aujourd'hui, les principaux dogmes du néolibéralisme sont en question, du moins en partie et timidement. Les défenseurs de l'OMC, comme Pascal Lamy, se font discret et, par nécessité plus que par raison, des gouvernants se font maintenant les défenseurs de plus de souveraineté et de régulation financière.        ___Et si on revenait à l'esprit de Philadelphie?...  ___________________