Ça va jazzer

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mercredi 31 mars 2021

Personne n'est parfait

 Pas même Eric Zemmour.

                                   Eric est un personnage indispensable dans le PAF français.
   Pourrait-on s'en passer? Un des plus grands z' emmouristes humoristes de notre temps.

   Ses zemmourades ont l'art de distraire le public, comme cette dernière en date:
   Eric Zemmour « n’aime pas les descendants d’esclaves ».
      « Comment vous expliquer ? Ils ne lui reviennent pas. Les descendants d’esclaves, c’est pas son truc. Est-ce la couleur de leur peau qui le met mal à l’aise ? Leur histoire ? Leur culture ? Les trois ? On ne sait pas, mais c’est comme ça. Inutile d’épiloguer, il faut se faire une raison. On est comme on est. Zemmour n’aime pas les descendants d’esclave. Notre chroniqueur vedette est raciste. Personne n’est parfaitEt si c’était ce qui faisait précisément son charme ?..En revanche, nous certifions que Zemmour n’a rien contre les descendants d’esclavagistes. Nous pouvons jurer qu’il n’a jamais eu une parole déplacée à leur endroit. Mais, les descendants d’esclaves, comment vous dire ? Il ne les sent pas, ça le dérange, ça l’incommode, ça ne lui sied pas, ça l’offusque, ça lui gâche un peu le paysage. Ça vous pose un problème ? »    Les descendants d’esclaves pourraient-ils avoir la politesse de ne pas être des descendants d’esclaves. Ce serait la moindre des choses, non ? Leur existence répugne à Zemmour. Merci pour lui.
     Il a ses préférences, comme tout le monde.. Certains aiment mieux la fraise que la framboise, d'autres préfèrent le palestinien modéré au rabbin ultra-orthodoxe d'extrême droite, etc......
                   Le petit problème avec lui, c'est qu'il lui arrive parfois d'avoir des difficultés à apprécier l'Autre.
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mardi 30 mars 2021

Servier à la barre

Dix ans après! Dix ans...

                    "Tromperie aggravée", telle est la sentence pour une entreprise pharmaceutique dont la rigueur scientifique et surtout déontologique n'a pas été la valeura phare. C'est le moins que l'on puisse dire.     Le laboratoire Servier a commercialisé sciemment un médicament, détourné de son usage initial, dont il pouvait connaître non seulement l'inutilité, mais aussi les dangers souvent mortels. Une attitude criminelle. Une sentence trop clémente.                                                                                                           Une affaire en or, qui ne devait pas durer, malgré le lobbysme intense et les autojustifications constantes. Plus de trente ans de super-profits, qui pose le problème du contrôle public de l'industrie pharmaceutique, la plus rentable de toutes. C'est la confiance dans le système sanitaire français qui se trouve gravement entamé. Mais aussi une prise de conscience permet à cette occasion de s'installer. Mais si Irène Frachon n'avait pas poursuivi avec obstination et courage sa recherche, en serait-on arrivé enfin là? Pourtant Servier continue à nier...

                Servier s'en tire finalement bien, étant donné la gravité des faits, les conséquences de leurs méfaits dans le temps. L'agence du médicament a failli lui aussi. L'ANSM est aussi en cause, donc les services de santé de l'Etat et indirectement les conflits d'intérêts entre les laboratoires pharmaceutiques et une partie du corps médical et des chercheurs.                   _____ L'heure de vérité a enfin sonné au sujet de ce médicament qui a montré sa nocivité pendant un certain nombre d'années? On le voit au terme de cette procédure toujours reportée. La montagne accouchera-t-elle d'une souris ou permettra-t-elle de mettre à jour tous les niveaux de responsabilité et les arcanes de décisions mortifères, se demandait-on il y a un an?  Une affaire en or, certes, mais une déontologie défaillante, pour utiliser un euphémisme... Un trafic d'influences à plusieurs niveaux, favorisant la toute puissance de Servier. (*) Malgré les dénégations, il est avéré que: Entre 1976 et en 2009, près de 5 millions de personnes se sont vu prescrire du Mediator. En croisant plusieurs bases de données de l'Assurance maladie, on a pu calculer la surmortalité induite par les pathologies provoquées par cette molécule et estimer le nombre total de décès dus au Mediator, pendant toute la durée de commercialisation et au-delà, à environ 2 000 morts....Malgré les discours déresponsabilisant, le rôle de l'Etat est aussi en question, dans son rôle de contrôle et de régulateur.    Cette affaire emblématique de santé publique, qui a mis en cause le deuxième groupe pharmaceutique français, a montré l’échec des autorités sanitaires et a révélé les liens incestueux que peut entretenir l’industrie du médicament avec certains experts scientifiques et hauts dirigeants français, doit être jugée lors d’un procès-fleuve qui doit s’ouvrir lundi 23 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour ne s’achever qu’au printemps...                ___Par extension, c'est toute une partie de la production pharmaceutique, extrêmement rentable, qui est aussi en question. Le Mediator est un cas emblématique de nombreux dysfonctionnements de notre système de santé, insuffisamment réglementé.                          ________________________________________________

lundi 29 mars 2021

L' Afrique et son histoire

 La mal connue

                L' histoire du continent africain reste encore largement à faire. Il était supposé être immuable, dès qu'il fut découvert. Et le préjugé dura, renforcé par l' aveuglement colonial, qui avait besoin de maintenir le mythe de peuples-enfants, qu'il fallait mener au niveau de notre histoire, considérée comme LA référence et le modèle.        Depuis quelques décennies surtout, les études africaines, avec leurs limites, ont modifié enfin notre regard. L'histoire de ce continent dit mineur  a une histoire que l'on ne soupçonnait pas à une époque, histoire que l'on continue à mettre à jour peu à peu malgré les difficultés liées au manque d'archives.     Hors du fait que, c'est bien établi, l'Afrique de l'Ouest est le berceau de l'humanité. Notre histoire commence là.


       Certains peuples étaient déjà des navigateurs et des marchands, à partir d'une certaine époque: "...la palme d'or de la navigation revient très certainement aux Somaliens. Si, aujourd'hui, la Somalie rime avec pauvreté et piraterie, il y a quelques siècles, elle était plutôt synonyme de cités portuaires florissantes et abritait des commerçants qui faisaient partie des meilleurs de l'océan Indien. Ils entretenaient des contacts commerciaux avec l'Arabie, l'Inde, la Perse, l'Égypte, la Chine, Venise et, plus tard, le Portugal...."

          Oui, l'Afrique a une histoire. Et quelle histoire! Partiellement connue. Largement méconnue.  Contrairement aux nombreux préjugés toujours tenaces, entretenus par l'ignorance, les clichés longtemps répandus, certains propos publics, même en haut lieu:


 Le discours de Dakar où Sarkozy déclara sans sourciller, sans doute victime de son "nègre" , disent les plus indulgents: " le « drame de l'Afrique » vient du fait que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ."   Les Africains seraient donc restés de grands enfants, qu'il (nous) resterait à éduquer. Un ethnocentrisme qui régna au coeur de l'entreprise coloniale et dont il reste des traces.    Un européocentrisme étriqué, un essentialisme tenace et une ignorance sidérante. 
             On le sait mieux maintenant, l'Afrique a une histoire. On peut le savoir...
 Certes, l'Afrique bouge sous nos yeux actuellement, du moins certains pays plus que d'autres, chapeautés par l'aide chinoise ou non, certains ne s'étant pas encore relevés de la potion amère du FMI et des fonds vautour.
  Mais elle l'a toujours fait, si l'on met entre parenthèse la période coloniale où l'Europe se partageait le gâteau.
       Ce continent oublié, ce passé occulté nous revient aujourd'hui après quelques siècles de silence. Pour les colonisateurs, l'Afrique était une page vierge où l'Europe allait inscrire ses valeurs, au nom d'une civilisation de référence et d'intérêts bien compris. Pour s'installer en Afrique et l'exploiter en toute bonne conscience, il fallait bien "infantiliser" ce continent de grands enfants, comme l'avait bien vu déjà ironiquement Montesquieu:
   "Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres._Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves._Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre._On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir..."
 

    Après la période coloniale, la Françe-Afrique a pris le relai, faisant mine de gérer l'indépendance, comme au Gabon, où Sarkozy, et d'autres, ont réécrit l'histoire
   Paris a forcé la main aux Africains: "... l'indépendance imposée aux Africains, bien que décidée par Paris avec la bénédiction de Washington au gré des préjugés les plus réactionnaires et de vils calculs, fut présentée comme le triomphe des idées progressistes, de la liberté, de la modernité politique et, ironie suprême, de la volonté des Africains."
    L'Afrique de "Papa" n'est pas tout à fait finie... L'imposition du franc CFA reste une des traces de cette subordination.

  L'Afrique, si diverse, n'est "en retard" que par rapport à nos modèles de développement, mais elle pourrait bien nous étonner par les chemins originaux qu'elle pourrait prendre à l'avenir. "L'Afrique est mal partie", disait R. Dumont après les décolonisations officielles, mais elle pourrait bien un jour nous surprendre..  _____________________________

dimanche 28 mars 2021

Billet dominical

__ Dubaï: face cachée. Tout est possible.

__ Comment qu'on freine?

__ Bas les masques..

__ Amazon: chers syndicats!

__ Exemplaire?

__ Kafkaien!

__ Pape et sous-pape

__ Sanofi, bonne affaire?

__ Trappes à la trappe ?   Zemmour à la plume.        _____________________

samedi 27 mars 2021

La Commune et ses échos

 "Chimère mémorielle"? (note de lecture)

                           Cet événement résonne encore aujourd’hui, non sans poser encore des problèmes d'interprétation, comme c'est le cas au sujet de tout fait historique majeur, malgré sa brièveté, dont les échos se font sentir encore dans notre présent. C'est une séquence historique qui a été  instrumentalisée, comme cela arrive souvent pour les événements marquants, qui posent encore des problèmes d'interprétation, où le consensus fait problème.                                                               "...  La Commune de Paris a notamment été enrôlée au service du Front populaire, avant de revenir spectaculairement sur le devant de la scène à partir de mai 1968, « en opposition à un PCF jugé fossilisé », et, ces dernières années, d’irriguer la gauche radicale comme « questionnement libertaire de la démocratie », selon les termes de l’historien Jacques Rougerie, ou comme modèle de défense d’un espace autonome, présent dans les ZAD ou la prose du Comité invisible.   De manière plus inattendue, « une partie de l’extrême droite subversive – des boulangistes aux identitaires, en passant par les fascistes français – s’est efforcée de s’approprier la Commune ». Au point que Jacques Doriot (1898-1945) monta avec ses troupes, en 1944, au mur des Fédérés pour honorer les morts de la Commune en même temps que ceux de la division SS Charlemagne, construisant, ce faisant, « une chimère mémorielle, un assemblage improbable et monstrueux ».           Ces appropriations politiques successives se sont ajoutées à la persistance d’une légende rouge comme d’une légende noire de l’événement, sensible jusqu’à nos jours, par exemple dans le Métronome de Lorant Deutsch qui, au prétexte d’une flânerie dans Paris, assimile en réalité la Commune au vandalisme, selon les cadres d’une vulgate réactionnaire ancienne.   Tout cela a contribué à ensevelir la séquence historique sous des mythes et des « fantasmes se rapportant à ce qu’était et ce que voulait être la Commune » qui font que, paradoxalement au regard des milliers de références bibliographiques la concernant, « la Commune de Paris reste assez mal connue ».              Pour pallier cela, l’ouvrage puise au fort renouvellement historiographique qui a eu lieu depuis le centenaire de l’événement et entrelace trois modes d’écriture pour saisir un événement dont la désignation même n’est pas consensuelle puisque le mot « commune » demeure un fourre-tout.    Même si, rappelle le coordinateur de l’ouvrage, l’idée communaliste a « mûri lentement depuis la chute de l’Empire autour de plusieurs idées-forces : la levée en masse pour défendre la patrie envahie – avec le rappel du glorieux précédent de l’an II –, la mise en place d’institutions républicaines capables de promouvoir des mesures authentiquement démocratiques et sociales dont la nature reste encore à définir, la restitution aux Parisiens de leurs libertés municipales ».       Le premier type d’écriture est constitué par les biographies d’environ 500 acteurs du soulèvement, en continuité avec l’œuvre pluri-décennale entreprise par le Maitron, ce Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, aujourd’hui accessible en ligne. Les notices ont été choisies parce que les vies qu’elles retracent ont été profondément marquées par la Commune, comme aboutissement, épisode central ou point de départ de leur existence et de leur engagement. Elles permettent d’appréhender concrètement la grande diversité des parcours idéologiques qui ont pu mener à la foi communarde.

__Un travail collectif qui compte__

                  Le second est formé de synthèses à la fois concises, problématisées et documentées sur quasiment tous les aspects historiques de l’événement. On voit comment la Garde nationale, avec son fonctionnement démocratique lui permettant de révoquer ses officiers, ne facilita pas toujours l’efficacité militaire, sans lui nuire systématiquement.     On comprend pourquoi la marche sur Versailles des 3 et 4 avril fut trop tardive et sans succès, parce que de nombreux acteurs du soulèvement ne voulurent pas accentuer le risque de guerre civile et tinrent à doter la Commune d’une légitimité incontestable en organisant des élections avant de pousser l’avantage militaire offert par le soulèvement du 18 mars 1871.                                On cherche les causes du soulèvement à la jonction de trois dynamiques « distinctes mais confluentes » qui entrèrent en résonance à ce moment précis : le processus politique de républicanisation de la France sur le long terme, le contexte économique et politique ayant favorisé le développement d’organisations ouvrières et la montée de l’action revendicative, mais aussi la dynamique patriotique dans la cadre du conflit franco-prussien et dans une capitale assiégée par les troupes allemandes depuis le mois de septembre 1870.                         On analyse « la morale de la Commune ». Ou comment le discours anticommunard des années 1870 imposa une lecture morale, ou plutôt immorale, de la Commune, lui refusant un quelconque projet politique et social et mettant en scène des insurgés fondamentalement immoraux dans un désordre général.    Cela recouvrit ce fait que les communards insistèrent constamment « sur la rupture morale qui caractérisait le monde nouveau fondé sur la révolution politique et sociale » et sur une « nécessaire morale citoyenne », stigmatisant les « voleurs » et encourageant les comportements vertueux, même si « sa morale n’était pas forcément celle du camp adverse ».   On découvre aussi « les oppositions à la Commune dans Paris ». En effet, au-delà de la lutte entre « Paris » et « Versailles », et si la Commune a joui d’un indéniable soutien populaire, elle « n’a à aucun moment fait l’unanimité au sein de la population parisienne et son action a été entravée par des oppositions plus ou moins vives » : les « Amis de l’ordre », les « francs-fileurs » qui s’opposèrent par inertie en fuyant la capitale ou encore les conspirations et tentatives de sabotage.  La chute de la Commune fut d’ailleurs saluée par plusieurs manifestations de joie, sans même parler des 400 000 dénonciations, le plus souvent anonymes, qui affluèrent après la reddition de la Commune.    .....                          Les auteurs de cet ouvrage collectif jugent aussi que l’événement relève moins d’une « lutte des classes » que d’une cristallisation d’« antagonismes sociaux » et s’avère avant tout républicain et socialiste, mais au sens que ce mot possède au XIXe siècle et non au XXe.   Les rapports entre la République et la Commune constituent l’un des autres sujets fondamentaux des sections de l’ouvrage consacrées à mettre à plat l’état des controverses sur le sujet. Comment, déjà, expliquer ce paradoxe : « La Commune fut républicaine et pourtant, dans leur majorité, les républicains condamnèrent l’insurrection. »       Au-delà de la diversité des républicains, dont la majorité considérait que la Commune allait à l’encontre de la légalité et conduisait au désordre, beaucoup œuvrèrent pour une conciliation avec l’Assemblée nationale réfugiée à Versailles. Mais une fraction non négligeable d’entre eux jugeait que la Commune pouvait « favoriser la restauration de la monarchie, alors que la République était fragile », après sa proclamation toute récente dans un contexte d’occupation prussienne, après la défaite de Napoléon III et la fin du second Empire.      Le nœud du débat porte alors sur la question de savoir s’il est possible d’affirmer, comme l’ont fait les partisans de la Commune et leurs descendants, que celle-ci a sauvé la République, en ce sens que le sacrifice des combattants parisiens aurait interdit tout retour au passé monarchiste. Une question longtemps débattue, à laquelle il n’existe toujours « pas de réponse consensuelle ». Certains jugent que, même si les royalistes étaient majoritaires au sein de l’Assemblée élue en février 1871, leurs désaccords étaient trop nombreux pour imposer une restauration...                                                                                                            En réalité, jugent les auteurs de cette somme collective, « la Commune constitue bel et bien le moment où un basculement, à la fois politique et psychologique, s’opère » vers l’acception d’un régime républicain, même si l’on continuera longtemps à discuter dans quelle mesure cette République fut sauvée par le sacrifice des communards montés « à l’assaut du ciel », selon les termes célèbres de Karl Marx..." (Merci à Médiapart)

                  ___L'aspect militaire de la commune a été moins évoqué.__________________

vendredi 26 mars 2021

Mieux vaut en rire (aussi)

       Le malheur des temps, quel qu'il soit,  ne doit pas laisser au dés-espoir la place qu'il pourrait prendre s'il n'y avait certitude de sortie. A peine entrevue, certes, mais à notre portée. En attendant, l'humour, cette "légèreté de l'être" ou cette "politesse du désespoir", comme disait quelqu'un, essaie de se frayer un chemin, avec plus ou moins de bonheur, éclairant le brouillard ambiant, diffusant un peu de lumière sur une route chaotique et pleine d'embûches


      Soit par le texte, le bon mot, soit par le dessin évocateur, léger ou plus ou moins grinçant. Même noir parfois. Dans toutes les langues. Bergson serait-il encore d'actualité?

           ___Mieux vaut en rire que périr...

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jeudi 25 mars 2021

Silence, on espionne!

        Curiosité illégale.     

                        Chez Ikea- France, on n'y va pas par quatre chemins. On s'instaure surveillant de la main d'oeuvre. On se sait jamais. Mais ce n'est pas anecdotique et ce n'est pas nouveau, même si les moyens on changé et se sont sophistiqués. Aujourd'hui, on peut être observé et suivi sans même le savoir. On n'arrête pas le progrès....Mais c'est verboten: espionner les salariés peut  coûter cher, quelle que soit la manière, quels que soient les moyens. Les droits patronaux ne sont pas illimités. L'information sur la personne salariée ne peut s'exercer que dans certaines limites bien définies.

           Chez IKEA, on a des principes, mais...."Plus de neuf ans après le scandale d’espionnage qui a mis dans la tourmente la filiale française du géant suédois du meuble en kit, un procès s’ouvre ce lundi 22 mars au tribunal judiciaire de Versailles. L’entreprise, mais aussi deux anciens P.-D.G., sont jugés aux côtés de douze autres prévenus, tous accusés d’avoir soumis, à différents degrés, des salariés d’Ikea France, mais aussi des clients et des candidats à l’embauche, à une vaste opération de surveillance illégale entre 2009 et février 2012. Ces cibles auraient été épiées, leurs antécédents judiciaires illégalement épluchés, avec l’aide d’un réseau de détectives privés et de policiers..."                                                                 _____Chez AMAZON aussi , la colère ouvrière gronde dans plusieurs pays contre le géant de la distribution, ses conditions de travail et sa "curiosité" concernant son personnel, notamment en Alabama:   "...Depuis plusieurs mois, les membres du syndicat des travailleurs de la distribution RWDSU (Retail, Wholesale and Department Store Union) se relaient à ce croisement, qui mène au parking du gigantesque centre de distribution « BHM1 » d’Amazon, quelques dizaines de mètres plus loin.  Armés de pancartes, ils encouragent les 5 800 employés qui défilent en voiture toute la journée, à voter pour la création d’un syndicat dans le cadre du référendum interne en cours depuis début février. Ces derniers ont jusqu’au 29 mars pour remettre leur bulletin de vote. S’il voit le jour, ce syndicat serait le premier à naître au sein d’un entrepôt d’Amazon aux États-Unis, toutes les autres tentatives ayant échoué jusqu’à présent....Inquiète du risque de contagion syndicale parmi ses 800 000 employés aux États-Unis, l’entreprise a demandé aux autorités locales de raccourcir la durée du feu rouge au carrefour pour éviter que ses employés ne discutent trop longtemps avec les équipes de la RWDSU – Amazon assure que le changement a été fait pour éviter les embouteillages à la sortie du parking. « C’est la plus grosse campagne de l’histoire de notre syndicat », résume Stuart Appelbaum, le président de la RWDSU, fondée en 1937. Ouvert en mars 2020 pour faire face au boom des commandes pendant la pandémie, le centre de distribution de Bessemer est une aubaine économique pour cette région du « Deep South » des États-Unis, pauvre et noire, scarifiée par le déclin de l’industrie et le manque de protections sociales hérité de l’esclavage. Rapidement, il est aussi devenu le symbole des dérives du système Amazon. Face au refus de la direction d’augmenter ses employés, composés à 80 % d’Afro-Américains, en pleine pandémie, une poignée d’employés de « BHM1 » ont rencontré en secret les syndicalistes de la RWDSU l’été dernier pour leur demander de les aider à monter un syndicat. En décembre, quelque 2 000 employés avaient manifesté leur soutien au projet. Le référendum a démarré deux mois plus tard.  Depuis, la campagne bat son plein devant et derrière les murs du bâtiment, où quatre grandes banderoles « Vote » ont été installées sur la façade. Côté Amazon, un consultant anti-syndical a été recruté à prix d’or pour dissuader les employés de voter pour le syndicat – une pratique nommée union busting répandue dans les grandes entreprises américaines.....« Beaucoup des travailleurs d’Amazon ont deux emplois. Ils travaillent 10 heures au centre et ont un autre emploi le week-end car ils ne peuvent pas faire face au coût de la vie. Amazon pense qu’ils leur font une fleur en les payant 15 dollars de l’heure, mais c’est loin d’être suffisant », dit-il, surtout pour les parents qui élèvent leurs enfants seuls.... Pour sa part, Perry Connelly, un employé de « BHM1 » impliqué dans la campagne, dénonce des conditions de travail « déshumanisantes ». Recruté par Amazon en avril, cet Afro-Américain de 58 ans est « water spider » (« araignée d’eau »), un employé chargé de s’assurer que les commandes sont réparties entre les différentes stations de travail pour être traitées. Rencontré dans le local syndical à Birmingham, la grande ville à côté de Bessemer, il évoque le système informatique « ToT » (« Time off Tasks »), qui mesure la productivité des employés..."                                                                                                                        A plus grande échelle et pour des raisons plus stratégiques, Les USA espionnent les grands groupes français en toute impunité, au nom du principe d'exterritorialité qu'ils se sont arrogés unilatéralement. Faut pas se gêner...     _________________________

mercredi 24 mars 2021

Intérêt public et intérêts privés

Des frontières (trop souvent) poreuses

                   Portes-tambour, cumuls, renvois d'ascenseur, affairisme et influences.              Entre les affaires privées, souvent très lucratives, et les affaires publiques, au service de l'intérêt général, le passage devient de plus en plus en plus aisé et habituel pour les représentants de la haute fonction publique, parfois les mieux placés. L'idéologie néo-libérale est passée par là et son principe revendiqué d'affaiblissement de l'Etat, selon la pensée de Reagan et de ses émules, dignes disciples de Hayek et Friedman, de l'école de Chicago.          Les ponts se multiplient, les domaines finissent pas se rejoindre et les frontières s'estompent.   Pas seulement en Angleterre. On peut s'appeler Tony Blair et être un jour Premier Ministre et un autre jour à la direction d'un grand groupe multinational. Les multinationales savent y faire pour étendre leurs zônes d'influences et multiplier leurs relations, au plus haut niveau. Pas par philanthropie.  Une forme de lobbyisme supérieur. Nous avons eu notre Barroso à Bruxelles, en Allemagne Schröder s'est distingué...

               Toutes ces pratiques, connues ou non, tendent se généraliser. Un phénomène en progession. Ce n'est pas seulement moralement indécent, c'est politiquement contestable. Quand les intérêts publics et privés se mélangent, c'est la souveraineté qui peut être affectée, pas seulement au niveau économique. Comme le remarque V.Jauvert :"....L’indécent n’est pas que des responsables publics partent dans le privé, mais qu’ils s’occupent des affaires publiques et du lobbying pour le compte de ces entreprises, en monnayant leur connaissance de l’Etat, au lieu de travailler à la création de richesse.   "Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Bernard Cazeneuve monnaient leur connaissance de l’Etat dans le privé, et semblent trouver cela normal." Cette pratique concerne d’anciens dirigeants de l’Etat, jusqu’aux plus hauts placés...   Nicolas Sarkozy, qui siège aux conseils d’administration d’Accord et des casinos Barrière, François Fillon, qui travaille pour le fonds d’investissement Tikehau Capital, ou Bernard Cazeneuve, avocat d’affaires au cabinet August-Debouzy, ont expliqué qu’ils arrêtaient la politique. On pourrait donc se dire que leurs nouvelles activités relèvent de leur vie privée. En réalité, ces gens-là monnaient leur connaissance de l’Etat dans le privé, et semblent trouver cela normal. Ce ne sont pas des cas particuliers. Cette mode néfaste à notre démocratie peut expliquer en partie la piètre opinion que les Français ont de leur classe politique.  __ Ces pratiques ne sont pas nouvelles, mais vous soutenez qu’il existe une spécificité macroniste ?  __Oui, le phénomène a pris une ampleur inédite depuis la dernière présidentielle. Je donne, entre autres, l’exemple de Benoît Loutrel, directeur général de l’Arcep, l’autorité de régulation des communications, devenu en 2017 lobbyiste pour Google. Ou encore celui de Dorothée Stik, qui a participé à la campagne de Macron tout en travaillant à la direction du Trésor, partie dans la banque d’affaires de Jean-Marie Messier un mois après la victoire de son candidat.   "Les quatre plus hauts responsables de l’Etat sont des adeptes de ces allers-retours lucratifs."   En l’occurrence, l’exemple vient d’en haut ! Emmanuel Macron, inspecteur des finances, a travaillé chez Rothschild, et Edouard Philippe, membre du Conseil d’Etat, a fait du lobbying pour Areva et a été avocat dans un cabinet anglo-saxon. Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, et le directeur de cabinet du Premier ministre, Benoît Ribadeau-Dumas, sont eux aussi des énarques qui ont pantouflé dans le privé. Autrement dit, les quatre plus hauts responsables de l’Etat sont des adeptes de ces allers-retours lucratifs. Cette situation inédite a contribué à diffuser cette culture....Le cas du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, est incroyable. En 2008, Nicolas Sarkozy l’a nommé au Contrôle général économique et financier (CGefi), un organisme de Bercy où les postes sont extrêmement bien payés, surnommé « le cimetière des éléphants » ! Il cumule donc ce job avec son mandat de maire d’une grande ville à l’autre bout du pays. François Baroin, lui, est à la fois maire de Troyes, président de l’agglomération, président de l’Association des maires de France (AMF), mais aussi avocat à Paris, conseiller de la banque Barclays et membre du conseil d’administration de Sea-Invest Corporation, un opérateur de terminaux portuaires....."                                                                                                 _____Peut-on être à ce point vertueux que l'on résiste à la facile tentation de tout mélanger et de mettre une frontière nette entre deux mondes qui, par essence, sont hétérogènes, mais pas sans relation?  Le lobbying, malgré les règles, pas toujours respectées, reste puissant et multiforme, à Bruxelles comme chez nous, même s'il est invisible. Les influences ne se mesurent pas. Le pantouflage pose souvent problème. Pas seulement dans certains pays d'Afrique. Comment éviter les toujours possibles conflits d'intérêts? Le pantouflage à la française existe bien et n'est pas là seulement pour récompenser les amis...Un problème systémique.

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mardi 23 mars 2021

Un pass nommé désir

 Passeport sanitaire pour bientôt? 

                              Qui n'en rêve pas? Pour sortir des contraintes de toutes sortes dans lesquelles nous enserre un virus souvent insaisissable, aux effets rebondissants, aux manifestations sournoises? Certains pays y songent pour favoriser les déplacements internes, les voyages et les échanges dès le début de cet été. Mais l'unanimité n'est pas là. Il y a même des divisions au sein des pays d'Europe, dans cette période faite encore de nombreuses incertitudes. Le manque de vision y est pour quelque chose, tant que l'état sanitaire est ce qu'il est: mouvant, incertain et transfrontalier; autant que le double régime qui pourrait être instauré, entre personnes et entre régions et pays. Le problème porte surtout sur la certitude de l'immunité obtenue véritablement. Pas simple...

             Comme le souligne Lise Bernéoud, "..;Le monde se divise désormais en deux catégories : ceux qui sont immunisés et ceux qui ne le sont pas. En parodiant la célèbre réplique du film Le Bon, la brute et le truand, on peut dire que les premiers sont censés résister au virus, voire ne plus le transmettre, les seconds peuvent encore engorger nos hôpitaux et répandre le mal autour d’eux.     Sauf qu’en réalité, dans la vraie vie comme dans le film, les frontières ne sont jamais tout à fait claires. Comment distinguer les uns des autres ? Sur quels critères biologiques peut-on s’appuyer ? Peut-on réellement affirmer que toute personne immunisée ne contaminera plus son entourage ? Et si l’on restreint certains pans de la vie sociale aux personnes non immunisées, quel impact peut-on en attendre sur la dynamique de l’épidémie ? Face aux différents projets de pass sanitaire, passeport vert ou certificat d’immunité, les questions scientifiques restent nombreuses.                                         _______Immunisé. Tel est donc le nouveau sésame indispensable, celui qui pourrait nous rouvrir les portes d’une vie normale. À l’époque romaine, l’immunitas représentait l’exemption des charges et des obligations imposées aux autres. Des privilèges, des dérogations au droit commun.     Appliquée au domaine biologique, l’immunité représente effectivement un privilège, une dérogation aux lois de la nature, en ce qu’elle nous protège des pathogènes. En temps de pandémie, détenir un certificat d’immunité fait même mieux que nous protéger du virus : comme à l’époque romaine, cela nous donnerait accès à tout un tas d’avantages interdits aux autres, comme le cinéma, les salles de sport, les restaurants, les concerts… Un ticket de sortie de crise, en quelque sorte.     Alors forcément, tout le monde le veut, ce ticket. Là où les choses se compliquent, c’est sur la question de savoir à qui on le distribue. Comment déterminer qui est immunisé et qui ne l’est pas, d’une manière plus juste qu’à l’époque romaine ? À première vue, on pourrait croire cette distinction facile : seuls sont immunisés ceux qui ont été vaccinés ou qui ont guéri d’une infection. Mais lorsqu’on entre dans les détails, on s’aperçoit vite que ce projet de pass sanitaire s’apparente à un casse-tête aux bases scientifiques flottantes.                ____Aujourd’hui, le gold-standard, le test de référence qui permet de juger du statut immunitaire d’une personne, est le taux d’anticorps qui circulent dans le sang. Plus précisément, le taux d’anticorps dits neutralisants, capables de neutraliser le virus. Ces anticorps sont considérés comme la garantie que si des virus commencent à se diffuser dans l’organisme, ils seront repérés puis détruits avant d’infecter nos cellules.     Les études montrent que plus de 90 % des personnes qui ont été infectées ou qui ont reçu un vaccin fabriquent des anticorps qui circulent ensuite dans leur sang les semaines suivantes. Premier problème : peut-on se contenter de détecter la simple présence d’anticorps ou faut-il mesurer leur quantité ?      De fait, la concentration en anticorps dans le sang des convalescents ou des personnes vaccinées varie d’un facteur 100, voire 1 000, selon les personnes ! Elle varie également dans le temps et présente une fâcheuse tendance à diminuer après plusieurs mois, jusqu’à devenir imperceptible chez certains, notamment chez les asymptomatiques. D’après une récente étude publiée dans Science portant sur 188 cas de Covid, 10 % d’entre eux n’avaient plus aucune trace d’anticorps six à huit mois après l’infection.     Faut-il dès lors fixer un seuil minimum, qui serait synonyme de protection effective ? Un tel seuil existe déjà dans le cas de l’hépatite B : l’OMS a fixé un taux d’anticorps appelés anti-HBs au-dessus duquel les personnes sont considérées comme immunisées. « Mais personne ne sait encore quel pourrait être ce taux dans le cas du Covid », fait remarquer Samira Fafi-Kremer, responsable du laboratoire de virologie du CHU de Strasbourg.        Une étude sur des macaques a tenté de fixer ce seuil, en les infectant une première fois puis en les exposant à nouveau au virus. Les chercheurs démontrent qu’en deçà d’un certain seuil, les singes ne sont plus protégés. « Mais ce seuil reste encore à préciser chez l’homme », explique Guy Gorochov, du Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Sorbonne université-Inserm).       « Tant que les techniques sérologiques ne sont pas standardisées entre elles pour qu’on puisse comparer les taux d’anticorps et tant qu’un seuil d’anticorps protecteur n’est pas clairement défini par des études scientifiques, il sera difficile de parler de taux d’anticorps protecteur », ajoute Samira Fafi-Kremer.      Pour autant, force est de constater que les cas de réinfection après des tests sérologiques positifs sont rares. Une étude portant sur 6 614 soignants anglais qui ont eu, entre juin et novembre 2020, un test sérologique positif, n’a observé que 44 cas de réinfection, soit moins de 1 % de l’effectif. Un test d’anticorps positif datant de moins de six mois semble donc un bon critère d’immunité.         En revanche, l’inverse n’est pas forcément vrai : un test négatif ne signifie pas forcément que nous ne sommes pas protégés contre la maladie. « On sait par exemple qu’après une dose de vaccin, 60 % des personnes sont protégées alors qu’elles n’ont pas encore d’anticorps circulants détectables », indique Stéphane Paul, responsable du département d’immunologie du CHU de Saint-Étienne, qui participe au Comité scientifique vaccins Covid.        Si ce n’est par les anticorps, par qui peuvent-elles bien être protégées ? Par d’autres protagonistes de notre système immunitaire. Les anticorps circulants ne sont pas, tant s’en faut, les seuls héros de notre immunité (lire Covid et immunité : des pistes négligées ?).        On peut compter par exemple sur les IgA, des anticorps qui ne circulent pas dans le sang mais dans les muqueuses : ils jouent un rôle important aux premières étapes de l’infection, lorsque le virus s’engage dans le nez ou la bouche.       On bénéficie aussi de l’appui des lymphocytes T, qui traquent quant à eux les virus déjà planqués à l’intérieur de nos cellules et qui semblent efficaces quels que soient les variants du virus (voir notamment cette étude). Ou encore des lymphocytes B à mémoire qui, comme leur nom l’indique, gardent en mémoire le pathogène et sont capables, si le virus se représente un jour, de fabriquer les anticorps spécifiques pour empêcher l’infection.           ____Dans l’étude de Science déjà citée, les chercheurs ont analysé tous ces marqueurs durant six à huit mois pour les 188 cas de Covid. Résultat : « Les simples tests sérologiques de détection d’anticorps anti-Sars-CoV-2 ne reflètent pas la richesse et la durabilité des réponses immunitaires », concluent les auteurs. Ainsi, environ 7 % des individus suivis ne possédaient plus d’anticorps circulants après six mois mais présentaient en revanche des IgA, des lymphocytes T et des cellules à mémoire.               Sont-ils pour autant protégés ? « Il n’est pas possible de tirer des conclusions directes à propos de l’immunité protectrice sur la base de la quantification [des différents acteurs de l’immunité] », préviennent les auteurs de l’étude, tout simplement parce que les mécanismes exacts de protection contre le Sars-CoV-2 ne sont pas encore bien connus. En outre, autant il est facile de tester la présence d’anticorps dans le sang, autant les analyses permettant de repérer les autres acteurs de l’immunité sont plus complexes à réaliser, plus chères et moins reproductibles.                                 _____ Mais il y a autre chose : qu’entend-on exactement par immunité protectrice ? Une protection contre les formes graves de la maladie ? Un bouclier contre l’infection ? Ou carrément une impossibilité de transmettre le virus ? « Les niveaux et le type d’immunité diffèrent selon que l’on considère la maladie, l’infection ou la transmission », explique Alessandro Sette, de l’Institut La Jolla d’immunologie, coauteur de l’étude de Science.         Par exemple, les anticorps, particulièrement ceux dans les muqueuses, peuvent s’attaquer au virus dès son entrée dans l’organisme : en l’empêchant de s’installer, ils préviennent donc sa transmission. À l’inverse, les lymphocytes T détruisent les cellules déjà infectées : ils contribuent donc à limiter la propagation de l’infection à l’intérieur de l’organisme, évitant ainsi les formes graves.                                                   Dans une optique de santé publique, empêcher la transmission interhumaine du virus est bien sûr la forme de protection idéale. Mais pour l’heure, nous manquons encore de données pour distinguer les personnes qui ne porteront plus le virus et ne pourront plus le transmettre à leur entourage. Même pour les vaccins, nous ne savons pas encore exactement à quel point ils empêchent les infections asymptomatiques, et donc la contamination.      Si l’absence de transmission est l’objectif numéro 1, alors les tests PCR ou antigéniques négatifs datant de moins de 48 heures sont l’idéal : c’est la preuve qu’aucune particule virale ne se loge dans nos fosses nasales. Leur utilisation pourrait se généraliser pour pouvoir accéder à des concerts, des événements sportifs ou pour prendre l’avion. Inconvénient : une personne peut s’infecter juste après le test. En outre, il faut répéter ces tests pour chaque événement particulier.        Dernier critère qui pourrait permettre d’obtenir un feu vert immunitaire : un test PCR ou antigénique positif de plus d’un mois, comme confirmation d’une infection passée. « Là, on descendrait d’un cran dans le niveau de preuve », estime Guy Gorochov. De fait, un test positif, on l’a vu, peut révéler de très faibles quantités de virus.         D’où la question : est-ce suffisant pour enclencher une réponse immunitaire efficace ? Récemment, deux études rétrospectives, l’une menée aux États-Unis sur plus de 150 000 personnes et l’autre au Danemark sur quelque 4 millions d’individus, montrent que les personnes qui ont eu un test PCR positif durant la première vague peuvent être réinfectées, mais bien moins fréquemment que les personnes n’ayant jamais croisé la route du virus. La protection offerte par une infection antérieure a ainsi été évaluée à 81,8 % aux États-Unis et à 80 % au Danemark. Cette protection n’était en revanche que de 47 % parmi les Danois âgés de 65 ans.     L’une des limites de ces études, c’est qu’elles ne distinguent pas la nature de la première infection : symptomatique ou asymptomatique. Or cette caractéristique pourrait influencer les résultats. De nombreux travaux vont en effet dans le sens d’une disparition plus rapide des anticorps chez les personnes infectées de manière asymptomatique.    D’après une étude menée en Italie sur 31 sujets exposés au virus sans avoir développé de symptômes, aucun anticorps n’était détectable chez environ 40 % d’entre eux. Ce taux montait à 80 % huit semaines après l’exposition. « Les tests PCR, comme les tests antigéniques, ne reflètent pas directement l’immunité », tranche François Anna, du laboratoire virologie moléculaire et vaccinologie de l’Institut Pasteur.                        Comment faire le tri le plus pertinent parmi l’ensemble de ces marqueurs ? « Il ne faut pas viser l’outil absolu, recommande Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève. Aucun critère ne permettra de s’assurer d’un risque zéro. L’idée n’est pas de bloquer toutes les infections mais de diminuer les risques. »    L’épidémiologiste français, qui vient de publier un panorama de l’épidémie de Covid-19 (Covid, le bal masqué, aux éditions Dunod), ajoute également que les critères pourraient être adaptés aux niveaux de circulation du virus : « Plus le virus circule, plus vous aurez envie d’un pass qui diminue le risque de manière substantielle et plus vous serez regardant sur les critères biologiques acceptés. ».....__________________________________