Pour une mort acceptable?
Vieillir. Personne ne peut prétendre pouvoir y échapper, sinon en imagination.
Mourir est la seule chose dont nous pouvons être sûrs et fait partie naturellement du cycle de la vie.
Bien vieillir ne dépend pas que de nous.
Ce que nous pouvons parfois choisir, ce sont les conditions de nos
derniers instants, les modalités de notre fin programmée.
Si celle-ci devient une caricature de vie, s'accompagne de souffrances
insupportables, de dégradations profondes et irréversibles,
l'euthanasie, quand elle peut être choisie, reste une solution
permettant de garder une certaine maîtrise du passage que nous pouvons
lucidement assumer. Mais il peut se faire que l'on décide à notre
place si nos instants ultimes sont jugés marqués de trop de dégradations
irréversibles, de douleurs insoutenables, de conscience diminuée, les
efforts pour la réduire étant vains, les soins palliatifs jugés inutiles.
L'euthanasie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls soignants, elle ne peut se réduire à un acte technique.
On sort là de la simple expertise médicale et les médecins sont
partagés sur un domaine où l'on touche à des notions subjectives
délicates de morale et parfois d'options religieuses, qui n'ont pas fini de faire débat.
La fin de vie en France n'est pas ce qu'on croyait.
Les conditions de la mort à l'hopital notamment ont changé et la loi Leonetti n'est plus suffisante ou est mal appliqée
En France, près de la moitié des décès (48 % en 2010) a été précédée
d'une décision médicale ayant pu hâter la mort du patient. Mais des
médicaments ont été donnés pour mettre délibérément fin à la vie dans
seulement moins de 1 % des cas. Les décisions prises s'appuient dans
leur grande majorité sur les dispositions de la loi Leonetti qui permet
sous certaines conditions de limiter ou d'arrêter un traitement, ou
d'administrer des médicaments afin de soulager les souffrances du
patient, qui peuvent avoir pour effet d'avancer la survenue de la mort.
Toutefois, les prescriptions légales encadrant ces décisions ne sont pas
encore totalement connues ou respectées : les décisions de fin de vie
ne sont pas toujours discutées avec les patients et les équipes
soignantes ; la rédaction par les patients de directives anticipées,
proposée par la loi Leonetti pour que les soignants prennent en compte
leurs souhaits, reste en pratique très rare.
Der règles s'imposent pour encadrer une pratique souvent tue et des dérives toujours possibles, dans des situations toujours diverses, dans
les quelles le personnel soignant se trouve souvent seul, sans
prescription ni garde-fou, seulement livré à sa propre conscience et à
des errances possibles. La compassion n'est pas un guide sûr et la
décision collective peut aider à la modération, la décision plus
éclairée.
La réflexion évolue dans les pays européens, où les législations sont assez diverses.
En Belgique, l'euthanasie représente un droit strictement réglementé.
Le rapport Sicard
entrouvre la porte au suicide assisté, définissant que l'assistance
pourrait être envisagée dans certains cas exceptionnels, sans céder au
calcul économique , aux intérêts collectifs ou familiaux, au désarroi
passager du malade ou aux pressions douteuses des familles.
Des
gardes-fous peuvent être mieux précisés, non pas tant pour prescrire ce
qu'il faut faire, mais plutôt pour délimiter le périmètre des
conditions d'intervention réfléchies, acceptables, humaines, au cas par
cas.
Droit de mourir dans la dignité, oui, mais à condition que l'on s'entende sur le sens que l'on donne à la notion équivoque de "dignité"...
Le rapport
de 2012 représente un pas important permettant d'affiner le jugement de tous sur ces questions et
d'inspirer la réflexion et la pratique médicale, parfois isolée et
désemparée.
On ne meurt plus comme autrefois, on vit plus vieux, à la merci de plus
de risques de santé, au sein de structures hospitalières et de soins
dont le personnel doit être éclairé, soutenu et déculpabilisé.
Comme le précise M.Winckler à propos du rapport Sicard , "Dans son rapport, le professeur Sicard
porte un regard sévère sur une médecine sourde aux attentes des
patients. "Chaque jour voit croître dans notre société une revendication
très largement majoritaire (entre 80 % et 90 % selon les sondages
d’opinion) de personnes répondant positivement à une demande de
légalisation d’euthanasie, lit-on dans le rapport. Il ne s’agit pas de
revendications simplistes ou naïves de personnes qui n’auraient pas
compris la question. Il s’agit d’une demande profonde des personnes
interrogées, de ne pas être soumises dans cette période d’extrême
vulnérabilité de la fin de vie à une médecine sans âme." Des débats
organisés dans plusieurs villes de France, la mission a ainsi retenu "le
malaise, voire la colère" et surtout "la hantise [des Français] de
basculer dans une situation de fin de vie insupportable, de souffrir ou
de voir souffrir leurs proches".
Mieux vaut une loi imparfaite et provisoire qu'une pratique secrète et solitaire soumise aux aléas de la subjectivité.