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lundi 14 septembre 2009

Plans sociaux opportunistes

Quand prime la logique financière

-Selon JP Raillard, directeur de la
Syndex, certaines entreprises profitent de la crise pour accélérer des projets de restructuration, selon une logique financière et actionnariale à court terme


-"La crise précipite les événements. C'est d'autant plus vrai quand il y a la pression de l'actionnaire, et cette pression est d'autant plus forte que le centre de décision est éloigné
...
La financiarisation de l'économie a un effet très pervers, elle met beaucoup l'accent sur les objectifs à court terme d'un ou deux ans"-
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Licenciements: «Un effet d'aubaine dans 40% des restructurations» | Mediapart:
"...S'il paraissait évident, au vu de cas comme Molex, que certaines entreprises profitaient du ralentissement économique pour licencier, il était jusqu'ici impossible de dresser un état des lieux précis. «Il existe un effet d'aubaine dans 40% des restructurations aujourd'hui menées en France», affirme maintenant Jean-Paul Raillard. Pour Mediapart, le directeur de Syndex décrit ces «restructurations qui sortent des cartons», ces plans sociaux opportunistes pour améliorer la rentabilité et satisfaire l'actionnaire, et parfois le «chantage au licenciement»... Un inventaire qui en dit long sur le marasme industriel et la mauvaise qualité du dialogue social en France.
Cet été, nous avons fait le bilan de nos interventions depuis le 1er septembre 2008 : c'est à ce moment-là que les entreprises ont commencé à ressentir le ralentissement. Depuis cette date, Syndex a conduit 200 actions directement liées à la crise, dans le cadre de droits d'alerte déclenchés par les syndicats, de restructurations ou de fusions. Dans cette base d'observation, nous avons constaté que, dans 40% des cas, il existe un effet d'aubaine, plus ou moins important. Nos missions ont l'avantage de concerner tous les secteurs d'activité, toutes les tailles d'entreprise, toutes les régions françaises. Si on extrapole nos constatations, on peut estimer qu'il y a un effet d'aubaine dans 40% des restructurations aujourd'hui menées en France. Pour les autres entreprises, les 60% restants, il s'agit plutôt d'une réponse à la crise, liée à la baisse d'activité ou aux évolutions sectorielles.
Vous avez d'abord les restructurations qui sortent des cartons. Dans notre panel, une quinzaine d'entreprises avaient des projets de restructuration en tête. Elles souhaitaient les mener dans les années à venir. Mais la crise a précipité les choses. Non pas que la société ou le groupe auquel elles appartiennent soit aux abois. Au contraire, elles ont même à leur disposition de nombreuses ressources qui leur auraient permis de passer de toutes façons le cap de la crise. Mais
elles profitent d'un moment socialement plus favorable pour faire passer un projet de restructuration. Elles savent que pendant la crise, alors que les plans sociaux sont nombreux, elles seront moins montrées du doigt. Ce qui est dommageable, c'est l'effet domino : ces stratégies pèsent sur le climat général et accélèrent le sentiment de crise. Ce genre de stratégie concerne plutôt des entités importantes, des grands groupes, par exemple dans la chimie ou la pharmacie...
La crise passant par là, l'activité se réduit. Des entreprises qui ne sont pas en danger immédiat vont en profiter pour améliorer leur rentabilité. A la différence des précédentes, elles n'avaient pas forcément planifié ces évolutions,
elles profitent simplement du contexte comme d'une opportunité pour faire évoluer leur outil industriel, fermer quelques entités, etc. Cela débouche sur des plans de départ volontaires, des fermetures d'entreprises. Dans ces cas, les raisons données aux représentants des salariés pour justifier la fermeture sont parfois très légères. Dans la filière agro-alimentaire, nous avons plusieurs exemples de sites restructurés ou fermés qui avaient fait la preuve de leur rentabilité, mais dont les dirigeants ont tout de même jugé qu'elle était trop faible. Il est aussi arrivé que les directions se contentent d'avancer comme justification des raisons purement conjoncturelles, comme la hausse des matières premières alimentaires du fait de la surproduction mondiale...
dans une quinzaine d'entreprises où nous sommes intervenus, la direction en a profité pour revenir sur un certain nombre d'accords sociaux, en particulier sur les accords de réduction du temps de travail. Il n'y a pas d'effets sur l'emploi, mais des effets sur le salaire qui peuvent être importants. Nous sommes ainsi intervenus dans une entreprise où, après un plan de départs volontaires, la direction a demandé aux salariés de travailler 4h33 de plus par semaine pour le même prix. Ils travaillent plus tout en gagnant autant!

La crise précipite les événements. C'est d'autant plus vrai quand il y a la pression de l'actionnaire, et cette pression est d'autant plus forte que le centre de décision est éloigné. Le cas célèbre d'un sous-traitant automobile qui défraie l'actualité [Molex, ndlr], où la direction n'a même pas essayé de se déguiser derrière une justification économique quelconque, en est un exemple caricatural. Sur place, les directions locales n'ont pas grand-chose à négocier, elles n'ont pas de grain à moudre, elles ne savent pas comment s'y prendre avec les ordres qu'elles reçoivent d'en haut. Les grandes orientations du groupe sont traitées très loin, très haut, et souvent à l'étranger. La financiarisation de l'économie a un effet très pervers, elle met beaucoup l'accent sur les objectifs à court terme d'un ou deux ans – ce qui correspond d'ailleurs en général à la durée du contrat de travail des directions locales!...
L'horizon de l'entreprise est borné à un, deux ans maximum, ce qui entraîne des décisions plus brutales, moins anticipées, moins préparées, et des salariés qui se retrouvent après un licenciement dans des conditions de mobilité plus difficiles. On passe de la création de valeur pour l'entreprise à la création de valeur actionnariale, la pression est telle sur les marchés financiers pour sortir des taux de rendement que les directions ont gratté tout ce qu'elles pouvaient gratter dans l'appareil économique. La financiarisation a souvent supprimé les réserves de fonds propres des entreprises, car il fallait pouvoir servir des dividendes en rapport avec ce que le marché exigeait. On se retrouve donc avec des sociétés fragilisées par rapport à la conjoncture : elles ont plus de mal à résister, à gérer les bas de cycle. C'est le cas dans les grands groupes, mais aussi chez les PME sous-traitantes : pour obtenir des rendements élevés, les groupes donneurs d'ordre ont évacué le risque sur l'ensemble de la filière."

-Des mauvais plans à la pelle
-Des licenciements chez Michelin

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