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mardi 1 décembre 2009

Travail : idées reçues

Mutations en cours

Michel Husson craint qu'en sortie de crise, la recherche de rentabilité n'accélère la précarité de ceux qui ont un emploi. Ce qu'il résume d'une formule : la généralisation du «bricolage social».
«Dans la récession, bien des dispositifs qui ont permis d'amortir le choc sur l'emploi s'apparentent à une RTT de fait : chômage partiel, baisse des heures sup. Dans la période de sortie de crise, les entreprises vont chercher à rétablir leur rentabilité en ajustant à la baisse les effectifs ou en multipliant les contrats précaires. La question qui se pose maintenant est celle de la répartition du volume global de travail : après tout, le chômage est une forme-limite de réduction du temps de travail. Il faudrait une modification radicale du mode de partage du travail (moindre durée du travail, plus d'emplois) et de la répartition des revenus (moins de dividendes, plus de salaires). Si cette modification n'est pas amorcée, on va vers un bricolage social qui va durcir toutes les tendances déjà à l'œuvre, que l'on peut résumer par un fractionnement du salariat avec une multiplication des statuts précaires, sous la double pression de la quête de rentabilité des entreprises et du rééquilibrage des finances publiques.»________A en croire Pierre Concialdi, cette précarisation est déjà à l'œuvre à travers le Revenu de solidarité active (RSA). Pour le chercheur, ce dispositif qui remplace le RMI risque de rater son but proclamé d'endiguement de la précarité via l'incitation à reprendre un travail.«Ce dispositif encourage encore davantage qu'auparavant les salariés à accepter ces emplois à temps partiel. Les premiers bilans – certes partiels – tirés de l'expérimentation du RSA confirment que ce risque existe bel et bien. Dans les zones tests où était expérimenté le RSA, les emplois retrouvés se concentrent davantage sur les temps partiels et ils sont moins rémunérateurs que les emplois retrouvés dans les zones témoins (où le RSA n'était pas expérimenté). Dans ces conditions, le risque existe que le RSA – comme les dispositifs analogues de soutien aux bas salaires du type de la PPE – ne soit pas une solution à la précarité mais, au contraire, un des éléments qui contribuent, sinon à son développement, du moins à son maintien.»

-Vers une précarité généralisée ?
-Précarité pour tous, la norme du futur
-Observatoire des inégalités
-La-bas.org - Précarité - chômage
-Vers du travail gratuit?
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-Le livre qui dynamite les idées reçues sur le travail | Mediapart:
"Dans La France du travail, passionnant ouvrage d'économie critique paru récemment (éditions de l'Atelier), les chercheurs de l'Ires (Institut de recherches économiques et sociales, créé en 1982 pour nourrir la réflexion économique des syndicats) tentent une gageure : enfoncer un coin dans ces vraies-fausses idées reçues sur le travail, l'emploi et la précarité assenées tour à tour par plusieurs décennies de crise, la normalisation idéologique de la gauche dans les années 80-90 et, plus récemment, le slogan sarkozyste du “travailler plus pour gagner plus”.________Objectif collectif : «apporter des éclairages de longue durée sur les principaux sujets du débat social» en questionnant ces «fausses évidences asssenées quotidiennement». Tout y passe : pauvreté, protection sociale, restructurations. Les analyses les plus décoiffantes concernent l'analyse du marché du travail, l'emploi et le chômage. Les auteurs démolissent ces soi-disant évidences scientifiques qui se révèlent bien fragiles une fois confrontées à la réalité des chiffres : le lien mécanique entre la croissance et l'emploi, le bilan négatif des 35 heures ou la rigidité supposée du marché du travail, etc. Entretien à trois voix avec les auteurs : Florence Lefresne, Pierre Concialdi et Michel Husson.

Idée reçue n°1 : «C'est la croissance qui crée l'emploi»
De la droite la plus libérale à la gauche de la gauche, en passant par toutes les chapelles du Parti socialiste et les centristes bon teint, voilà une certitude bien arrimée dans les esprits : pas d'emploi sans croissance, nous répète-t-on à longueur de journée. Un point de vue qu'ont aussi en partage syndicats et patronat. Pourtant, la crise nous amène à rompre avec cette «tradition keynésienne» bien ancrée, martèle Michel Husson :
«La crise conduit à réévaluer une certaine tradition “keynésienne” qui consiste à rechercher les moyens d'une croissance plus forte pour créer des emplois. Cette vision est partagée par la gauche et la droite, qui ne diffèrent (de moins en moins) que sur les politiques susceptibles de doper la croissance : relance budgétaire et salariale pour la gauche, politique d'offre (baisse du coût du travail, flexibilité, déréglementation, etc.) pour la droite. Compter sur une croissance plus forte pour résorber le chômage est une illusion. Parce que les moteurs de la croissance sont durablement cassés par la crise, et que dans le meilleur des cas on devrait, selon le FMI, revenir à une croissance de 1,5 % jusqu'en 2014. Parce que la crise actuelle a conduit à l'accumulation d'un nouveau stock de chômeurs et que la reprise sera une reprise sans emploi. Il faut donc raisonner autrement en se posant la question du contenu de la croissance, et surtout de la répartition d'une croissance durablement faible.»

D'autant que le lien entre croissance et emploi n'est pas du tout aussi clair. Michel Husson parle même d'une «illusion»... _________________«La croissance ne crée pas d'emplois à long terme. Certes, l'emploi fluctue avec la croissance et c'est bien pourquoi il plonge en ce moment. Mais ce n'est pas vrai si on gomme les fluctuations en raisonnant sur une période plus longue. Cette proposition iconoclaste peut être étayée à partir de quelques chiffres : durant les 15 années précédant la crise actuelle (1993-2008), l'emploi a augmenté en France de 15 %, pour une croissance annuelle moyenne de 2,1 %. Mais si l'on considère les 15 dernières années (1959-1974) des Trente Glorieuses, on constate que l'emploi avait moins progressé (9 % )... pour une croissance du PIB pourtant très supérieure (5,8 par an au lieu de 2,1 %). Bref, la capacité d'une économie de créer des emplois est largement indépendante de sa croissance.»_______Déconnexion assez logique, soutient Husson, puisque plus l'économie croît, plus elle gagne en productivité. Ce qui, mécaniquement, annule les effets de la croissance sur les créations d'emploi.«Le constat sur longue période est que les progrès de la productivité compensent bon an mal an l'effet de la croissance sur l'emploi. Il y a en effet un lien très fort entre les deux : la productivité soutient la croissance, et la croissance permet d'investir et d'introduire des méthodes de production plus efficaces. Si la compensation est exacte, le volume de travail (le nombre total d'heures travaillées) est constant.»____________Mais alors, si la croissance n'est pas en cause, quel est le facteur décisif de la création d'emplois ? A rebours de l'air du temps, l'économiste met en avant le rôle décisif de... la réduction du temps de travail.

Idée reçue n°2 : «La réduction du temps de travail est néfaste pour l'emploi»______Depuis le début des années 2000, la réduction du temps de travail, vantée à la fin des années 90 comme une avancée décisive, est vouée aux gémonies, à droite mais aussi à gauche. Husson en ressuscite crânement les vertus.«Si on regarde l'évolution de l'emploi dans le secteur privé depuis 30 ans (graphique ci-dessous) on constate qu'il a faiblement augmenté durant 20 ans, entre 1978 et 1997. Puis, l'emploi franchit une véritable marche d'escalier entre 1998 et 2002 qui équivaut à 1,8 million d'emplois. Depuis, la progression de l'emploi retrouve un rythme moins rapide, et la récession a déjà annulé toutes les créations d'emplois depuis 2002. Dans cette progression, le fait majeur est évidemment la réduction de la durée du travail.»__________Selon l'économiste, on peut évaluer à 500.000 le nombre d'emplois créés par le passage aux 35 heures sous le gouvernement Jospin. Des emplois «pérennes», qui ont résisté au retournement conjoncturel du début du XXIe siècle : «Sur l'ensemble du XXe siècle, on ne trouve aucune période aussi courte associée à une telle progression de l'emploi. Sur les 2,7 millions d'emplois créés dans le secteur privé depuis 1978, les deux tiers (64 %) l'ont été sur la période 1997-200________Ces faits devraient faire réfléchir tous les économistes. Or ils ont plutôt tendance à le relativiser, avec deux arguments. D'abord, ils évoquent la croissance. Certes, elle a certes aidé, mais l'explication est un peu courte : à cette époque, beaucoup plus d'emplois n'ont été créés que durant la reprise de la fin des années 1980, reprise qui était d'ailleurs plus marquée. Autre argument : ces créations d'emplois seraient l'effet différé des baisses de cotisations sociales de la période précédente (1993-1997). Mais on ne comprend pas pourquoi il aurait fallu attendre si longtemps pour en voir les effets! Et puis, si les 35 heures ont été une catastrophe économique à cause du renchérissement du coût du travail (ce qui est par ailleurs factuellement faux), comment expliquer que cela n'ait pas pesé sur l'emploi ? L'estimation économétrique conduit à dire que la RTT a créé 500 000 emplois. Mais l'important est que ces emplois se sont révélés pérennes : ils ont résisté au retournement de conjoncture, contrairement aux cycles précédents. L'acquis de cette période représente alors environ 1,8 million d'emplois.»______La réduction du travail serait donc encore une idée neuve? Oui, soutient Michel Husson :«Si le discours sur le caractère néfaste de la RTT peut dominer, ce n'est donc pas en raison de son bilan-emploi, mais plutôt à cause des modalités pratiques du passage aux 35 heures : intensification du travail, annualisation, gel des salaires, non-création d'emplois compensatoires dans le secteur public.»...
Idée reçue n°3: Le marché serait trop rigide
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Idée reçue n°4: Le coût du travail est trop élevé
Or il a surtout contribué à augmenter les dividendes des actionnaires...].... (M.Magnaudeix)




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