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lundi 8 juin 2009

Pourquoi des sondages?


Sondages: instruments de mesure fiables ou techniques de conditionnement et de manipulation?

"La soit-disant ''opinion publique" n'est qu'un instrument politique, un étandard-caméleon que brandissent les groupes d'intérêts (partis politiques, médias, corporations) en donnant l'impression qu'ils s'y soumettent alors qu'ils participent de façon non négligeable à sa construction dans l'élaboration des questionnaires, le traitement des réponses, et l'exploitation médiatique des "résultats". (P.Bourdieu)
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[Présentation de l'éditeur]
"Depuis les années 1980, le nombre de sondages politiques a été multiplié par deux en France, et on en compte plus d'un millier par an. Ils occupent désormais une place centrale dans les commentaires médiatiques de la vie politique, et tout autant dans l'agenda et les décisions des responsables politiques eux-mêmes. Et, sauf en de rares occasions - qui n'altèrent en rien l'ivresse des sondages -, ceux-ci ne sont plus critiqués, et tout le monde affecte de croire qu'ils offrent un fidèle reflet de la réalité. Et pourtant... Dans cet essai vif et documenté, Alain Garrigou montre à quel point la production de sondages, ainsi que l'usage qui en est fait, confinent souvent à l'absurde. Il révèle notamment comment la fiabilité des résultats est gravement mise en cause par les techniques utilisées et par le refus croissant des citoyens de répondre aux sondeurs. Et, plus profondément, il explique comment la " sondomanie " a radicalement transformé la vie politique. Loin de favoriser la démocratie, comme le promettait dans les années 1930 George Gallup, le pionnier des sondages d'opinion, ceux-ci l'ont fortement pervertie, ne serait-ce que par le rôle invraisemblable qu'ils jouent dans les décisions de politique publique."
-Les sondages, une addiction française
-Alain Garrigou dénonce « l'ivresse des sondages »
- Pour en finir avec les faux débats sur les sondages.
-Comment l'Etat finance la passion «sondivore» de Sarkozy
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-Les sondages sont-ils représentatifs ?:
"...les sondages sur les intentions de vote opérés en début de campagne électorale sont hautement incertains. Ils ne recueillent pas des opinions mobilisées mais des déclarations en grandes parties suscitées par l'enquête elle-même (Voir Baudrillard). La seule information importante est le plus souvent le taux des indécis. Or même si ce taux est parfois cité par les journalistes, ils s'empressent d'en évacuer le sens pour se focaliser et par là-même focaliser l'audience sur les positions déjà déclarées : ce qui déforme totalement la réalité des intentions de vote.-Patrick Champagne dans un article sur les élections présidentielles de 1995 (article de Juillet 1995 du Monde Diplomatique) cite ainsi un cas de déformation tout à fait éloquent : "Dire, comme ce fut le cas par exemple, que tel candidat est à " 30 % d'intentions de vote contre 18 % seulement pour son adversaire, lorsque 50 % seulement des enquêtes ont répondu de façon ferme, c'est donner une représentation inexacte de la réalité ; les véritables scores n'étant en fait que de 15 % et 9 % respectivement."Le journaliste qui occulte ou minimise l'importance du taux des indécis commet trois fautes professionnelles
  • d'abord il sous-entend que les indécis se répartiront dans les mêmes proportions que ceux qui se sont déjà exprimés fermement (ce qui est dénier au réel la possibilité de créer de la nouveauté !)
  • d'autre part, ce mode de calcul fausse la représentation de la situation politique en surévaluant dans l'esprit du Public les intentions de vote déclarées
  • le plus grave étant que "ces enquêtes ( pourtant en elles -mêmes peu instructives sur les chances réelles des candidats pressentis) influencent largement la façon dont les journalistes vont s'intéresser aux différents candidats et donc le temps de parole et de visibilité qui leur sera offert. Voir à ce propos notre résumé de l'analyse de Pierre Bourdieu Sur la télévision....

C'est au cours des années 60 que la précision croissante des sondages a permis aux sondeurs d'imposer leur définition de l'opinion publique : une définition qui se veut objective parce que parfaitement exprimable sous forme chiffrée. Pour connaître ce qu'ils appellent l'opinion publique, ils multiplient les micro-référendums sur tous les sujets qui font problèmes. Les instituts de sondages ont importé dans leurs enquêtes la logique politique du vote, mais à l'échelle réduite d'une simple échantillon de population (1000 personnes le plus souvent). Par les mêmes les sondeurs ont put prétendre être les témoins et les gardiens impartiale de la volonté populaire.Des sociologues comme Pierre Bourdieu ont montré depuis que les sondages d'opinion tels qu'ils sont pratiqués et tels qu'ils sont utilisés se prêtent particulièrement aux impositions de problématiques (ce qui est d'ailleurs inhérentes à la formulation de toute question notamment avec la technique des "questions fermées"). Quant à l'interprétation des réponses, elle peut aisément donner lieu à des détournements plus ou moins conscients.La confusion sur la valeur des sondages d'opinion réside en partie dans le fait que toutes les enquêtes réalisées par les instituts de sondage ne sont pas des enquêtes d'opinion (bien que souvent les journalistes les rangent indifféremment dans cette catégorie) : nombre d'enquêtes visent seulement à saisir des comportements ou à mesurer des pratiquesMais les politologues des instituts de sondages ont réussi (du moins provisoirement ! ) à convaincre les milieux politiques et journalistiques que "l'opinion publique" était bien ce qu'ils mesuraient par leurs enquêtes et qu'il était désormais possible d'en suivre les fluctuations avec précision mois après mois ; ce qui nous vaut les dérapages bien connus !.."

"Les sondages qui sont commandés par les responsables politiques et par les médias visent, en effet, moins à connaître " l'opinion publique" qu'à savoir, à des fins essentiellement de marketing, ce que le public (ou l'électeur) aime voir ou entendre dans le but de fabriquer des programmes (politiques ou de télévision) ajustés à ses attentes ainsi construite (Sur la façon dont les attentes sont suscitées par les questionnaires et insufflées par la diffusion des "slogans", voir notre analyse de la communication publicitaire et de ses jeux avec nos représentations). Autrement dit, la presse et les politiques commandent et publient des sondages pour mieux se vendre et pour mieux répondre aux demandes les plus immédiates du public et des électeurs.-Les instituts de sondages, dont l'activité première, et aussi de loin la plus importante, était et reste le marketing économique, ont en fait transposé subrepticement leurs méthodes à la politique, faisant de l'homo politicus un consommateur d'idées, de slogans ou d'images politiques. La politique, à travers la technique du sondage, tend à être traitée et perçue à travers les schèmes de l'économie : les hommes politiques sont (aussi) des "produits" ayant une "image de marque" souvent élaborée par des spécialistes en communication issus de la publicité, et les thèmes des campagnes électorales sont souvent choisis après avoir été "testés" auprès de "panels" d'électeurs." (Patrick Champagne)...

"l'opinion publique" est une expression ambiguë :
(nous résumons les propos de Patrick Champagne lors d'une conférence ,16/10/1996, Documentation Pédagogique, Grenoble.)L'opinion publique peut toujours être alléguée comme fondement immédiat de légitimité politique. L'homme qui s'en recommande y verra l'expression la plus fidèle de la "volonté du peuple".Mais cette opinion étant celle du plus grand nombre, du "vulgaire" voire de la populace : elle est volatile, inconstante, ignorante. "Les hommes politiques doivent alors moins la suivre aveuglément que s'en accommoder et tâcher de la guider, la convaincre, l'éduquer" [Nous ajoutons : afin que la démocratie ne soit pas "la tyrannie de l'incompétence" comme le dénonçait Platon dans la République...]Dans un article célèbre Pierre Bourdieu va plus loin dans la critique : "L'opinion publique n'existe pas" et ce, essentiellement, pour trois raisons :Tout le monde ne possède pas un niveau de connaissance assez élevépour être capable de se prononcer sur des sujets politiques précis. Tout le monde n'est pas capable d'émettre une opinion.

  • En ce sens toutes les positions, et tous les discours ne se valent pas.
  • Mais il faut aussi souligner que tous les questions n'interpellent pas les individus de la même façon. Chaque question n'a pas la même importance pour tous les individus, il n'y a donc pas d'accord du public sur les questions qui lui sont posées.-La soit-disant ''opinion publique" n'est donc qu'un instrument politique, un étandard-caméleon que brandissent les groupes d'intérêts (partis politiques, médias, corporations) en donnant l'impression qu'ils s'y soumettent alorsqu'ils participent de façon non négligeable à sa construction dans l'élaboration des questionnaires, le traitement des réponses, et l'exploitation médiatique des "résultats"." Le sondage d'opinion est dans, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; sa fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles [... Or la ] compétence politique n'est pas universellement répandue. Elle varie grosse modo comme le niveau d'instruction. Autrement dit, la probabilité d'avoir une opinion sur toutes les questions supposant un savoir politique est assez comparable à la probabilité d'aller au musée'..."
-Observatoire des sondages:
"Les sondages sont censés exprimer l’opinion publique. Quand celle-ci est sinon souveraine du moins obsessionnellement invoquée, il faut bien s’interroger sur la nécessité d’un contrôle. La croyance optimiste en un progrès indéfini est paresseuse. Elle est pourtant à l’œuvre dans la célébration d’une sorte de démocratie immédiate voire directe qui s’exercerait grâce aux sondages. S’il est quelques raisons de ne pas exclure par principe des progrès techniques, il en est d’autres qui mettent sérieusement en doute une augmentation de leur fiabilité. Leur place croissante dans les luttes politiques favorise par ailleurs des usages manipulatoires contre lesquels il serait très optimiste d’imaginer que la clairvoyance du public est un solide antidote....
L’invocation d’une sorte de sagesse ordinaire ou de compétence spontanée des citoyens est commode mais démentie à la fois par l’ignorance commune sur la technique et la propension très compréhensible à apprécier la valeur des sondages au regard de ses désirs : mauvais s’ils contrarient, bons s’ils satisfont. Le piège le plus efficace des sondages est bien de les prendre au sérieux en fonction de leur utilité tactique ou psychologique et non de leur fiabilité.Un contrôle scientifique irrégulier a parfois alimenté la polémique. Il est cependant trop peu soutenu pour limiter les dérives productivistes et manipulatoires des sondages. Les scientifiques ont le devoir d’exercer une vigilance épistémologique et critique à la fois sur les sondages et sur leurs usages. Ils sont aussi concernés parce que les sondeurs invoquent une autorité scientifique qui met en jeu leur propre crédit. Ils ne sont ni les praticiens ni les bénéficiaires de cette activité économique et politique mais ils en subissent aussi les effets.-L’Observatoire des sondages exerce une veille scientifique sur les différentes facettes des sondages, non seulement les aspects méthodologiques des enquêtes et des statistiques mais aussi sur leur publication, leurs usages confidentiels et les commentaires politologiques ou journalistiques qui en sont faits quotidiennement...
-Faire parler le peuple
-Qu’est-ce que l’opinion ?
-Le grand ratage de la vie privée
-Comment Opinion Way truque un sondage
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-La construction de l'opinion publique
-Opinion publique - Wikipédia
-Faire l’opinion - Vox populi, d'ici et d'ailleurs.

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