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samedi 3 mars 2018

SNCF: tuer le malade?

Au train où ça va..
                         ...Ça peut dérailler.
     Le train des réformes fonce à Très Grande Vitesse.
        Pour produire un effet de sidération?
                          Demain, l'usager ne sera plus qu'un client, au coeur d'un système purement marchand.
                                   Si le TGD (Très Grand Démantèlement) va à son terme..
               Bruxelles exige!  On ne discute pas.. C'est i-né-luc-table, ânonne le Monde... il s’agit de transposer le 4e paquet de directives européennes ordonnant la privatisation des chemins de fer en Europe, et l’ouverture à la concurrence des transports de passager ; La suite des 3e paquet (mise en concurrence du transport international) et 2e paquet (mise en concurrence du fret). Des directives adoptées en 2016 avec le soutien du gouvernement Hollande Macron, des directives écrites par l’ultra droite européenne...
      Pour l'instant, le discours officiel est prudemment dans l'ambiguïté: la refondation officiellement annoncée cache mal la privatisation masquée.
   Malgré les démentis habituels, il s'agit bien d'une privatisation à grande vitesse qui ne dit pas son nom:
       "Il n’y a pas de quoi s’étonner, si on écoute Guillaume Pepy lorsqu’il affirme son attachement à la politique « low-cost » : « Je suis persuadé que le low-cost va être un très grand succès dans le ferroviaire  ». «  Nos clients se fichent pas mal de savoir dans quel mode de transport ils voyagent : ils veulent du prix, du prix, du prix, de la simplicité et que ça soit fluide. Après, si c’est écologique c’est mieux. Donc nous on ne fera jamais d’avion  ». Au-delà du fait qu’il relaie l’écologie au second plan, l’utilisation du terme client cristallise encore une fois la rupture avec l’idée de service public. En ce sens, on pourrait ironiser et se demander pourquoi ne pas relancer la troisième classe et les wagons à bestiaux, si le seul objectif est de faire du bas prix. Avec cette logique, la qualité du service et la sécurité des millions de travailleurs qui prennent les transports chaque jour sont évidemment relayées au second plan."
   Une privation déjà partiellement entamée.
     Que certaines réformes aient tardé, cela ne fait pas de doute.
     Qu'on ai vu trop grand, trop vite, pour les TGV, sans doute.
    Que certains investissements n'aient pas été faits à temps, cela va de soi. C'est toujours plus cher après. Comme dans la banlieue parisienne.
     Qu'il y ait trop de personnels administratifs et dédiés à la seul com', on l'admet.
     Que le fret ait été un échec, ça va de soi, etc...
          Mais la privatisation en vue ne règle rien, aggrave les choses et revient finalement plus cher. On le voit dans tous les projets privés-publics.
     Ce qui se passe dans ces cas là, on le voit ailleurs , c'est que... de grandes firmes s’installent en oligopole, pour se partager ce nouveau marché en position de rente, sur le dos des consommateurs. C’est ce qui est arrivé hier à la téléphonie avec France Télécom, ou à l’aviation civile avec Air France. C’est ce qui est en cours avec La Poste. Maintenant c’est votre tour, pour transformer le rail en grand marché, là encore livré à un oligopole de grandes firmes privées sur le dos des consommateurs – nous tous.
   Pourtant ça ne va pas si mal que certains le prétendent : La SNCF a triplé son bénéfice net en 2017 et peut restaurer une gestion plus saine moyennant quelques réformes intelligentes. Quand on veut tuer son chien...
    Questions à se poser:
-Qui sont les plus privilégiés? voire les assistés?
-Que représente la dette par rapport aux 60 milliards qui manquent à la France tous les ans.
-Que vaut l'argument de Gérald Darmin?
 -Que valent les propositions du rapport Spinetta?
-Que signifient les tirs de barrage médiatiques, après le rapport téléguidé pour justifier le démantèlement de la SNCF. (*)
 -Le statut de cheminot (on peut parler d'agent du rail, si le terme a le don de hérisser) est-il vraiment si scandaleux au regard d'autres corps de métier? On ne parle pas du statut d'autres agents de l'Etat, dans la haute fonction publique, l'armée, la police,etc...
  - Faut-il s'en remettre à bla bla car pour les déplacements locaux?
  - Et que valent les les idées reçues sur le sujet?
               Quelques éléments à rappeler:
      *Non, le train ne sera jamais rentable et ne l'a jamais été. 
   *Oui l'Etat devra être toujours contributeur. En Angleterre, il continue à le faire, comme en Allemagne
      *Oui, le sabotage du système semble bien en vue. La région Nord prend les devants. Cela coûtera cher, forcément cher.
       *Oui, l'ouverture à la concurrence est une aberration et certains espèrent se régaler, comme ici.
     *Au Royaume-Uni, la privatisation des chemins de fer déraille, après un démantèlement et un rachat partiel: " le prix moyen des billets de train augmente deux fois plus vite que l'inflation. Résultat, les Britanniques déboursent chaque mois six fois plus que les Français simplement pour se rendre sur leur lieu de travail. 14% de leur revenu mensuel, très exactement, contre 2% pour les usagers de l'Hexagone."  Macron va-t-il répéter les mêmes erreurs que les Britanniques ? 
        * La dette, fluctuante, a existé depuis les origines.
        * En Allemagne, l'Etat a participé au rachat de la dette.
                    "Le professeur de droit du travail Alain Supiot a largement documenté le fait que les services publics constituaient la caractéristique la plus forte du modèle social français. Il en a par exemple fait le constat, le 29 novembre 2012, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France. Et ce qu’il disait à l’époque prend de nos jours une résonance encore plus forte.
   « Si le droit du travail contemporain, expliquait-il, trouve ses racines doctrinales en Allemagne, c’est au Royaume-Uni en revanche qu’a été conçu le second pilier de l’État social moderne : l’instauration d’un système universel de sécurité sociale. Autant les Britanniques se sont peu souciés de conceptualiser leur droit du travail (…) autant ils ont été pionniers en matière de sécurité sociale. Il n’y a là aucun paradoxe : c’est parce qu’ils pensaient que les “relations industrielles” relevaient d’un marché du travail autorégulé par les employeurs et les syndicats que les Britanniques se sont toujours défiés de l’intervention de l’État en ce domaine. Et c’est pour la même raison qu’ils ont conçu un système universel de sécurité sociale, glissé comme un plancher sous l’économie de marché afin d’en faciliter le fonctionnement harmonieux. »
   Et d’ajouter : « C’est en France en revanche qu’a été édifiée la théorie des services publics, où l’on peut voir le troisième pilier de l’État social. L’un de ses principaux artisans fut Léon Duguit. Très influencé par Émile Durkheim, Duguit voyait dans la solidarité sociale une norme objective, qui s’imposait aux gouvernants, et dont l’État n’était qu’un mode de réalisation. Ainsi conçu, l’État trouvait dans le service public à la fois le fondement de sa légitimité et la limite de ses prérogatives. Une telle conception s’inscrivait dans la tradition française des grands serviteurs de l’État, de cette “noblesse d’État” mise en lumière il y a plus de quarante ans par Pierre Legendre dans son Histoire de l’administration. »"
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Point de vue: un rapport téléguidé:
           "...Le rapport met un point d’honneur à recycler toutes les vieilles lunes qui traînent sur la SNCF. Fin du service public, ouverture à la concurrence, transformation de la SNCF en société anonyme, fin du statut des cheminots, éclatement de gestion du réseau, filialisation avant privatisation du fret… Toutes les idées brassées depuis des années par l’institut Montaigne (voir ici), le Medef sur les régimes spéciaux, certains rapports parlementaires ou de la Cour des comptes, s’y retrouvent.
Quand on veut tuer son chien...
   La privatisation qui arrive est la phase finale d’un long cycle. Elle a été méthodiquement planifiée et conduite avec patience depuis plus de deux décennies. Personne n’est pris par surprise. La seule surprise, c’est que rien n’ait été organisé pour résister ou allumer des contre-feux. Rien de plus que les manifestations dans chaque pays à un jour différent, les délégations ou les rassemblements auxquels j’ai participé de façon solidaire et disciplinée.Entre deux décisions bruxelloises il y avait un épisode français de répression des cheminots qui luttaient contre. Avec à chaque épisode les mêmes calomnies, les mêmes bobards sur la « prime charbon » (supprimée depuis 1970), le privilège des vacances des cheminots (un jour de repos compensateur de plus qu’un salarié du privé aux mêmes horaires). Les mêmes omissions, les mêmes mensonges sur la vie réelle des cheminots, sur leurs astreintes, sur leurs responsabilités sous payées et ainsi de suite. Tous les torchons de presse papier et audiovisuelle ont donc recommencé leur sale besogne pour exciter les uns contre les autres. Encore une fois le prétendu « service public de l’info » et ses stars gorgées d’argent et de privilèges vont plaindre les passagers « pris en otages » par les « privilégiés » du rail et ainsi de suite. La même comédie depuis plus de vingt ans. Pendant ce temps, plus les réformes s’appliquaient plus tout allait de mal en pis pour tout le monde, cheminots usagers et finances publiques. Les déficits et les dettes se sont accumulés mais les patrons n’ont jamais été punis de leur bilan, ni les ministres. Au contraire. Plus ils ont détruit, plus ils ont été côtés, plus les « journalistes » à gage ont été payés plus cher.Dans tous les pays du monde dévastés par les trouvailles des néolibéraux, on doit recréer des voies de chemin de fer. Des régions renaissent alors grâce au désenclavement et aux emplois ainsi créés. En France, des incapables qui ont tout ruiné vont encore supprimer 9000 km de voies, augmenter le prix des billets et ainsi de suite. Revoila le vol en réunion qui se reproduit. Avec les mêmes refrains de « modernité », « courage », « réformes » et « lutte contre les privilèges ».Jusqu’à l’absurde le plus ridicule comme lorsqu’on lit sur BFM « la SNCF coute 1000 euros à chaque Français même s’il ne prend pas le train ». Outre que c’est faux puisqu’aucun d’entre vous ne se souvient qu’on lui ait demandé 1000 euros pour la SNCF, la remarque est aussi absurde que celle qui chiffrerait le coût par Français de chaque enfant en classe primaire « même s’il n’a pas d’enfant ».       Ces gens-là ont oublié jusqu’au souvenir de la définition du service public. Pourtant, certains d’entre eux, les journalistes en particulier, coûtent des milliers d’euros à chaque Français. Car les Français paient à leur place, non seulement le prix de leurs mensonges, mais aussi celui des millions d’aide à la presse et les millions de leurs dégrèvements d’impôts sur le revenu ! Sans aucune justification ni utilité sociale.
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      Selon Philippe Mühlstein, ingénieur de la SNCF à la retraite, ancien rapporteur du Conseil supérieur du service ferroviaire...:
P.M.: Oui, tu revenais de Suisse, et déjà, à l’époque, on se disait qu’en la matière, on pouvait s’inspirer du modèle suisse. Là-bas, l’Etat fait du financement intermodal : il taxe les modes de transports polluant et néfastes, comme le transport routier et poids-lourds, pour financer le mode de transport préféré, le train et le ferroutage.
F.R.: Et c’est en ce sens que s’orientent les décisions de Macron ?
P.M.: Pas du tout. Ils veulent tuer la SNCF.
Macron est énarque, et c’est un vieux rêve des énarques, tuer la SNCF. A la sortie de la guerre, déjà, en 1945, quand l’ENA est créée, le rail est déjà perçu par cette élite comme appartenant au passé. Pour eux, c’est le moyen de transport du XIXe siècle. Et mieux vaudrait se tourner pleinement vers l’avenir, la route, en finir avec la SNCF. L’occasion est parfaite : la moitié du réseau est déjà détruite, il suffit d’achever le boulot !
Sauf que pour reconstruire le pays, il faut transporter des matériaux partout en France, et le fret ferroviaire se révèle indispensable à cette tâche. Le réseau sera donc reconstruit et même étendu. La SNCF sera principalement un transporteur de fret, jusqu’aux années 1970, avec un pic du fret en 1974. A ce moment-là, en revanche, la SNCF est en perte de vitesse sur le trafic voyageurs, qui stagne ou qui diminue.
F.R.: Jusqu’à l’arrivée du TGV…
P.M.: Oui, voilà. Et c’est cette année-là, d’ailleurs, en 1974, qu’est prise la décision de construire la ligne TGV Paris-Lyon. Elle est à moitié en service en 1981, et entièrement en 1983. Le TGV change les mentalités de l’énarchie : ça démontre que le rail est un mode de transport d’avenir, moderne. C’est le TGV qui sauve la SNCF.
Là où ça coince, en revanche, c’est sur le financement. Certes, les premières lignes de TGV (vers l’ouest, vers Marseille) sont extrêmement rentables, mais ça demande un fort investissement. Et l’Etat n’investit jamais, jamais, dans les lignes TGV. La SNCF doit donc s’endetter pour construire les lignes : c’est de là que vient l’essentiel de sa dette.
C’est doublement injuste.
D’abord, parce que l’Etat paie, et sans compter, pour les infrastructures routières, pour les autoroutes, etc.
Surtout, parce que c’est l’Etat, les politiques, qui décident des créations de lignes. Et tous les élus locaux veulent leur TGV ! Le TGV Est, par exemple, qui dessert Strasbourg, la SNCF savait qu’il ne serait jamais rentable. Tours-Bordeaux ça se fait via un PPP, un partenariat public privé, avec une filiale de Vinci, ça a creusé le déficit de la SNCF. La gare de Lille, comme Pierre Mauroy, le maire, est un copain de Mitterrand, c’est la SNCF qui règle la note. Et en même temps on a l’Eurostar et le tunnel sous la Manche…
F.R.: Arrivent les grèves de 95.
P.M.: Oui, et c’est la deuxième fois que Chirac et Juppé doivent affronter les cheminots, la première c’était en 1988. Là, en décembre 1995, c’est un mouvement géant.
Après ça, la droite va prendre sa revanche. Ils vont utiliser une directive européenne de 1991, qui demande l’ouverture à la concurrence, ils vont utiliser ça pour séparer le train et le rail, pour en faire deux sociétés différentes. La directive ne réclamait pas ça, seulement une séparation comptable. Eux vont plus loin. Leur idée, c’est de casser le métier, de casser l’unité. Et ça marche. Je veux dire, ça marche politiquement. Sur le terrain, c’est la confusion la plus totale, les gens ne savent plus pour qui ils travaillent, ça donne lieu à des tas de litiges entre les deux entités. Il faut des centaines de personnes, et pas des petits salaires, des cadres, pour gérer les contentieux, toute une bureaucratie de la concurrence…
F.R.: Mais en 1997, la “gauche plurielle” revient aux affaires ?
P.M.: Mais ça ne change rien. Dans l’opposition, ils étaient contre. Mais une fois au pouvoir sous Jospin, ils laissent faire.
Le gros de la dette, 20 milliards d’€, est alors transféré vers RFF, Réseau Ferré de France. Il en reste 7 à charge de la SNCF, qui va décroître d’ailleurs, puisqu’aujourd’hui SNCF Mobilités n’a plus que 4 milliards d’€ sur le dos. C’est tout à fait dans les clous.
A l’inverse, RFF est créée, d’emblée, en situation de quasi-faillite. Et ça ne va faire que s’aggraver, avec plus de 45 milliards aujourd’hui. A cause du TGV, pour une large part, à cause d’une politique de prestige. Tandis qu’on laisse tomber les petites lignes, qu’on n’effectue plus les travaux : sur 28 000 kilomètres de rail, on compte aujourd’hui 5 500 kilomètres de ralentissement ! Presque un quart du réseau ! Jusqu’aux années 2000, c’était très peu.
F.R.: Tout est de la faute du TGV, alors ?
P.M.: Non. D’abord, je vous l’ai dit, les premières lignes se sont avérées rentables, et dans une péréquation, comme c’était le service public, elles ont servi à financer d’autres lignes, plus rurales, moins fréquentées.
Surtout, un réseau ferroviaire n’est jamais rentable, il ne l’a jamais été, en France ou ailleurs, il ne le sera jamais. Il faut toujours le financer publiquement. C’est pareil que la route, ou même les canaux, c’est l’Etat qui paie tout ça. Mais on crée une exception pour le rail: à lui de s’auto-financer, et donc de s’auto-endetter. C’est une manière de le condamner.
On marche sur la tête : c’est le moyen de transport le moins nocif pour l’environnement qui est pénalisé…
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