CARNET DE BORD D'UN PASSEUR FATIGUE MAIS EVEILLE...QUI NE VEUT PAS MOURIR (TROP) IDIOT.
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" Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile."
[Thucydide]---------------------
" Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti " [A.Camus]
Et pourtant ils lisaient... Dans les tranchées, à l'arrière. Partout où ils pouvaient. Malgré les conditions souvent décrites par Barbusse, Genevoix,Jünger, et les autres, malgré le froid, la pluie, la maladie, la vermine, la faim, les 800 morts en moyenne par jour pendant de si longues années. Dans ce désastre mangeur d'hommes, usant et démoralisant, le désoeuvrement passager ou durable, l'éloignement des proches, à quoi se raccrocher? Dans la guerre au quotidien, pendant les périodes d'attente ou de repos, dans ces combats de position épuisants, on ne faisait pas qu'écrire (parfois journellement) et lire le courrier. L'Etat-major y veillait, pour le moral, régulièrement mis à mal par le feu et l'assaut, souvent inutile. Il fallait bien tuer l'ennui, oublier un peu la mitraille, faire mentalement quelques parenthèses dans cette boucherie inédite, retrouver un mince contact avec le monde extérieur. Ils lisaient énormément, moins analphabètes qu'on le croit. Des journaux tiraient en 1900 à plus de quatre millions d'exemplaires. Un adulte sur deux lisait un journal. Ils lisaient tout ce qui pouvait tomber entre leurs mains, journaux et feuilletons, livres d'aventures ou patriotiques (comme Nos diables bleus), mais pas toujours. Certains osaient une littérature moins conventionnelle. C'était si facile à emporter et à prêter, un livre. Malgré les contrôles (imparfaits, même en 1917), la propagande de guerre véhiculée par la presse recommandée qui s'autocensurait le plus souvent, comme le Petit Parisien, sauf quand quelques Albert Londres décrivaient sans fard la réalité de Verdun, tout, ou presque, pouvait arriver jusqu'aux premières lignes, même le Canard enchaîné. Sauf Jaurès. Entre 1914 et 1918, 450 journaux, parfois éphémères, sont nés dans les tranchées, commeLe Canard du Biffin. On bricolait aussi, en dehors des tâches imposées, on sculptait parfois, on dessinait, naïvement ou savamment. La caricature de l'ennemi devenait de moins en moins crédible au cours du temps.
La lecture n'eut aucun pouvoir subversif. Elle fut juste récréative, si l'on peut dire, du moins pour ceux que les événements dépassaient, noyés dans le séisme. La superficialité anecdotique, la censure, le conformisme militaire, l'unanimisme patriotique, la peur rendaient toute colère, toute contestation de la guerre, parfois éruptive, marginale, intime et secrète. Le harassement submergeait tout. Survivre devenait le plus souvent la hantise dominante. _____ * Les carnets de guerre de Louis Barthas * Le blog de guerre de H. Flamant * Vivre et mourir dans les tranchées * C'était l'époque des moissons _________________
Barbier dans une tranchée française, source Wikimedia Commons
Un ami qui nous veut du bien Qui a su trouver les mots pour parler si admirablement de l'amitié. Une amitié profonde et désintéressée, basée sur l'admiration, notamment celle qu'il voua à La Boétie, l'auteur corrosif de la servitude volontaire. Parce que c'était lui.... Montaigne ressort régulièrement d'une poussière qu'on croyait définitive, lui qu'on a parfois du mal à classer comme philosophe, parlant de lui comme représentant plus que lui-même, lui si peu systématique, ondoyant et divers, à la pensée parfois difficile à saisir, du fait d'une langue qui ne nous est plus familière, qu'il faut adapter. Beaucoup de grands penseurs l'ont rencontré et n'ont pu l'abandonner, comme Nietzsche. Plus tard, Zweig. On découvre une autre manière de philosopher, faussement simple et souriante, engagée et distante. On peut être rebuté par Kant ou Heidegger. Il est difficile de ne pas s'attacher à Montaigne quand on a fait les premiers pas avec lui. On peut y passer plus d'un été. Le lire et le relire, en survolant ce qui est trop anecdotique et digressif. Une méditation sur l'inconstance de l'homme, lucide et parfois pessimiste, mais jamais désespérée, malgré les temps troublés que vit l'auteur. Une pensée en perpétuel suspens. Le Que sais-jesous-tend toute sa pensée. Un scepticisme de bon aloi, fait de lucidité et de modestie, piqure de rappel contre tout dogmatisme, religieux surtout, dont il voit les dérives parfois meurtrières. Pascal s'en souviendra, pour un autre projet. Les paradoxes ne manquent pas dans cette pensée novatrice, notamment quand il aborde le problème de la barbarie, à cette époque de découvertes de nouvelles contrées et de nouvelles formes insoupçonnées d'humanité. Levi-Strauss saura s'en inspirer. Un humaniste, au sens fort, exigeant et lucide, qui parle de lui-même pour mieux parler de nous. Un amoureux de la vie ...Je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance
dépend du plus ou moins d'application que nous y prêtons. Principalement
à cette heure que j'aperçois la mienne si brève en temps, je la veux
étendre en poids; je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la
promptitude de ma saisie, et par la vigueur de l'usage compenser la
rapidité de son écoulement; à mesure que la possession de vivre est plus
courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine...
.
Pour moi donc, j'aime la vie... ___________
Un passé qui n'est pas (encore) passé Un jeune noir est mort. Courant. Un jeune noir tué par la police, dans des circonstances qui accablent celle-ci, ça arrive trop souvent là-bas. Comme un volcan explosif, certains événements mettent soudain et brutalement à jour un problème oublié ou supposé réglé. Si, après de longues luttes, le racisme institutionnel semble réglé, il existe toujours une ségrégation sociale et économique dans certains Etats américains, malgré l'égalité formelle des droits.. Surtout là ou la population noire est majoritaire, sans être vraiment représentée, se détournant d'un système qui semble ne plus la concerner, là où elle subit de plein fouet, plus que d'autres, les effets dévastateurs d'une pauvreté qui s'approfondit, sur fond d'inégalités croissantes. Saint-Louis représente un centre urbain particulier où cette irruption donne à penser que les deux communautés ne vivent pas tout à fait dans le même monde. (*) Mais on oublie que " les années 90 sont aussi entachées de soulèvements particulièrement
sanglants. Comme en 1991 à Crown Heights, un quartier de Brooklyn, où la
mort d’un enfant afro-américain, renversé par un véhicule conduit par
un rabbin, mène à quatre jours d’émeutes. Un an après, les émeutes de Los Angeles en 1992 embrasent les
quartiers pauvres de la ville. Elles seront particulièrement violentes,
faisant 59 morts et quelques milliers de blessés. Une bavure policière est encore à l’origine de l’escalade des
tensions : quatre policiers accusés d’avoir battu Rodney King, un jeune
Noir, sont acquittés en avril 1992..." Comme l'écrit la très américanophile Nicole Bacharan, chercheur à la Hoover Institution à l’Université Standford en Californie, ce drame, qui fait écho à l’affaire Trayvon
Martin de 2012, fait ressurgir les tensions raciales qui persistent aux
Etats-Unis. La justice fonctionne souvent à sens unique et la police, mal formée, de plus en plus militarisée, voire même souvent surarmée, parfois corrompue, renforçant protestations et mobilisation . Dans les prisons, la surreprésentation de la population noire est bien connue.
L'ancien conservateur Paul Craig Roberts souligne sans détours la brutalité d'un système répressif, que la loi traite avec trop d'indulgence. Il va jusqu'à écrire que "Tant que les États-Unis demeureront entre les mains des pouvoirs établis
les commissions d’examen de la police resteront sans effet. Wikipedia
rapporte qu’en 2006, il y a huit ans, la commission d’examen des
plaintes civiles de New York à reçu 7699 plaintes dont environ 6%
aboutirent en « plainte fondée. » En d’autres termes, 94% des cas
n’aboutirent nulle part. La police a été lâchée sur nous par des conservateurs très « loi et
ordre » et sous prétexte de « guerre contre le terrorisme ». La police
nous fait bien plus de mal que ne le font les criminels et les
terroristes. Il reste à voir si les Américains survivront à leur police..." Presque desscènes de guerre... AvecObama,qui disait,.dans son discours de campagne sur la question raciale, en invoquant William Faulkner,«Le passé n’est pas mort et enterré. Il n’est même pas passé», les Noirs ont cru que ça allait s’améliorer. Il n'est pas près de passer, tant que durera un système que condamne un nombre croissant de citoyens américains. _______ (*) "... Ferguson est une ville de
banlieue située au nord de Saint Louis, une métropole du Missouri, au
centre des États-Unis. La majorité de la population du comté de
Saint Louis est blanche, tandis que 63 % de la population de Ferguson
est afro-américaine. Le degré de séparation et de ségrégation entre
Blancs et Noirs s’est accentué dans cette zone, comme en témoigne cette étude de l’Université de Brown. Depuis dix ans, des familles blanches ont progressivement quitté Ferguson pour rejoindre d’autres banlieues plus blanches. Les forces de police, quant à elles, sont restées en majorité
blanches. La ville compte 53 officiers : 50 Blancs et trois
Afro-Américains. 92 % des arrestations effectuées par la police
concernent des Afro-Américains. Comme l’indique ce schéma du New York Times, la ville n’est pas particulièrement violente, elle l’est même moins que les petites villes environnantes. « C’est le sud du pays, la frontière entre les races, les
gens de couleurs différentes, est encore extrêmement marquée. Les
Afro-Américains ne sont pas intégrés », résume Elijah Anderson,
sociologue à l’université de Yale, spécialiste des dynamiques urbaines
et des relations interraciales aux États-Unis. Le chercheur précise : « Il y a des situations similaires dans bien d'autres endroits aux États-Unis. » Si la tension monte, « c’est
aussi que nous sommes en présence d’une pauvreté structurelle dans le
pays, et que cette pauvreté ne fait qu’augmenter ». Selon les données du think-tank Urban Institute, une famille
blanche moyenne dispose aujourd’hui de six fois plus de richesse qu’une
famille moyenne noire. Parmi les 44 millions d’Afro-Américains, plus
d’une personne sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. D’un fait divers, l’affaire Michael Brown devient donc le symptôme
d’un problème plus large. Elle relance non seulement le débat sur les
brutalités policières mais aussi sur les discriminations et les
inégalités auxquelles sont confrontés les Afro-Américains. Et ce, comme
de nombreuses autres affaires précédentes. La dernière en date étant
l’affaire Trayvon Martin, du nom de ce jeune Afro-Américain abattu par
un vigile en 2012. L'acquittement de ce vigile, à l’été 2013, provoqua
une série de manifestations à travers le pays..." (Mediapart) _______ - Depuis 2008, la situation des Noirs ne fait que stagner ou se détériorer - Ferguson et la nouvelle condition noire aux USA - Il y aura d'autres affaires Michael Brown - Aux Etats-Unis, la longue histoire des brutalités policières _____________________
Et maintenant? Bush et les lobbies pétroliers texans l'avaient décidé, par un C. Powel interposé et manipulé: il fallait attaquer l'Irak, l'axe du mal, citadelle prétendue d'Al Qaida. Immense et tragique mystification, aux intérêts pétroliers à peine masqués. Mais toute propagande passait aux USA, après le traumatisme du WTC et l'ébranlement des esprits. La baudruche s'est depuis bien dégonflée. Colin Powel lui-même est passé aux aveux et la presse à la critique C'était l'époque de la doctrine de ladestruction créatrice, chère aux néo-conservateurs, chargée de construire une nouvelle donne politique au MO, conforme aux intérêts de Washington. Il importait, faisant fi de la complexité du terrain et de la société irakienne, de faire table rase de l'ordre existant et d'installer, manu militari, une démocratie aéroportée. La tabula rasa, on voit ce que ça donne en Libye... Résultat: beaucoup d' Irakiens, autrefois relativement prospères, maintenant ruinés, disent aujourd'hui être passés d'un dictateur à une multitude de tyrans. Au MO, les USA n'ont produit que du chaos. L'intention de Tony Blair était d'ailleurs, durant l'embargo, de ramener le pays à l'âge de pierre. Résultat: "Les
forces américaines quittent un pays qui n’est guère plus qu’une épave.
La société, l’économie et même les paysages irakiens ont été dévastés
par trente ans de guerre, de sanctions et d’occupation. Les Irakiens ont
été submergés par une interminable série de désastres depuis 1980 avec
la guerre Iran-Irak, qui a duré huit ans, la défaite au Koweït en 1991,
les soulèvements chiite et kurde réprimés dans le sang la même année,
les sanctions des Nations unies qui, en 13 ans, ont ruiné l’économie et
fait voler en éclats la société irakienne sans oublier l’invasion
américaine de 2003, la guerre menée par les sunnites contre l’occupation
de 2003 à 2007 et simultanément, la guerre civile entre chiites et
sunnites...(C.Cockburn) -"En
détruisant le régime de Saddam, les États-Unis ont ouvert une boîte de
pandore. Ce n’est pas une surprise car même aux États-Unis, des voix
critiques s’étaient élevées contre l’aventure de George W. Bush en
affirmant qu’il n’y avait pas vraiment de plan clair sur l’après-Saddam.
Dit moins poliment, la conquête de l’Irak avait pour but de redonner
aux États-Unis le contrôle de ce pays riche de pétrole et aux confluents
du Moyen-Orient et de l’Asie, et non de rétablir la démocratie." (P.Beaudet) L'Irak a été abandonné au chaos, malgré le vernis de pouvoir imposé, au bord de l'implosion. Les pompiers pyromanes s'agitent, l'Oncle Sam ne veut et ne peut plus y remettre les pieds. Obama, plus qu'équivoque, déclarant finalement que « Au cours de la décennie écoulée, les
troupes américaines ont consenti de grands sacrifices pour donner aux
Irakiens une chance de construire leur propre avenir. » intervient aujourd'hui par la bande. L'éclatement en cours du pays n'a pu profiter qu'à des groupes les plus extrêmes, en lutte pour un projet aussi délirant qu'archaïque. La nature a horreur du vide et les oppositions exacerbées pendant des décennies produisent cruellement mais logiquement leurs effets. Les calculs autocratiques de M. Al-Maliki ont accéléré le processus de dissolution, sur fond de tensions interconfessionnelles instrumentalisées. Les Kurdes d'Irak ont bondi sur l'occasion et nous en profitons pour les armer dans l'urgence, afin de neutraliser la menace. Mais il est bien tard et il y a des risques, car nous ne contrôlons ni les objectifs, ni le déroulement des événements. Lepétrole reste encore et toujours l'acteur principal dans la tragédie qui continue. Les puissances occidentales suivront-elles le conseil de Stephen M. Walt : « Les Etats-Unis ont passé une bonne partie de ces dix dernières
années à traquer cet insaisissable Graal, et le résultat en a justement
été le genre de chaos et de rivalités religieuses à l’origine de cette
toute dernière crise.
Nous avons peut-être la possibilité de faire un peu de bien aux
minorités en danger, mais, par-dessus tout, qu’on ne fasse pas davantage
de mal, ni à la région, ni à nous-mêmes. »? On peut en douter...même si le pape s'en mêle. ________________________
Si Dieu s'est absenté de notre culture, comme on dit, il revient en force sous d'autres formes et en d'autres lieux. Chacun tire la (divine) couverture à soi. Question de prestige! Mais le grand Manitou n'en a cure. Il se rit de la folie des hommes, barbus ou non. Au nom de Dieu, que ne fait-on pas! Il n'en finit donc pas de mourir, nonobstant Nietzsche. On peut toujours avoir un doute. D'abord très léger,envers et contre (presque) tous, même dès l'enfance, quand on récite par coeur et mécaniquement les formules du catéchismes, puis de plus en plus insistant, marqué. Puis il se confirme et prend corps, mais il faut du temps, car le doute est supposé être la pire offense, comme il apparaît dans le Nom de la Rose. Mais il est libérateur. Il est des passeurs. Lucrèce et Spinoza, entre autres, qui peuvent donner un coup de main, faciliter le passage, le franchissement d'une limite libératrice.. 'Il devient alors vain de s'adresser à un fantôme. Pourtant certains s'y essaient encore, mais avec une saine dérision amusée, comme pour conforter leur nouvelle certitude, en envoyant, par exemple, uneLettre ouverte à Dieu, qu'aucun facteur céleste n'acheminera jamais... On peut toujours écrire, ça ne mange pas de pain (béni), mais le Créateur est en RTT perpétuel et son humourdépasse un peu notre compréhension... _____________________
Obstination Donc, ce sera: pas de changement de cap... Et pourtant, le capitaine de son second devraient voir venir le gros temps. Incompétence? Non, impuissance assumée, servilité, aveuglement. L'aiguille de la boussole est dirigée obstinément vers les marchés financiers et leurs objectifs court-termistes, peu soucieux (c'est un euphémisme), d'économie réelle et de réalité sociale. Les gendarmes veillent... Avec un déficit à 4,3% du PIB et une dette à 93,5%, on peut dire
que la France peut à tout moment se retrouver sous la pression des
marchés financiers. Elle s’en est sortie jusqu’à maintenant parce que la
seule véritable alternative des investisseurs est la dette de l’Italie,
pays dont l’économie est également mal en point. Mais, c’est une évidence, la France n’est pas en situation de renier ses engagements européens.
Elle a promis de ramener son déficit sous 3% du PIB en 2015. Certes cet
objectif paraît désormais inatteignable, mais à ce jour, il n’a pas été
renié publiquement. Et comme la Commission n’a pas dit qu’elle
tolèrerait un nouveau dérapage, la France doit montrer qu’elle garde au
moins le cap. Coincée entre le diktat des marchés financiers et la ligne européenne dogmatique de rigueur budgétaire, la politique économique manque de marge de manoeuvre ou plutôt de courage novateur. Et c'est toute l'Europe qui tend à dériver... Même le NYTimes s'en étonne: un comble! Il y a quelque chose d'aberrant dans la ligne suivie en Europe, dans ce qu'il est convenu d'appeler la crise. Certains appellent cela langueur... Le vocabulaire médical est décidément bien sollicité. La bonne médecine est pourtant à portée de main. " L’économie de la zone euro a cessé de croître depuis six mois et se
retrouve confrontée au spectre de la déflation, promesse de souffrances
supplémentaires. C’est la seule région du monde qui conjugue
des déséquilibres financiers dangereux, une production stagnante et un
chômage de masse. Nombre d’économistes, dont quelques Prix Nobel -
Stiglitz, Krugman, qui ne sont pas des populistes échevelés -, l’avaient
prédit ; le FMI a fini par le reconnaître : il était destructeur
d’ajouter au cilice d’une politique monétaire restrictive le carcan de
l’austérité budgétaire... Les incantations. et les incitations verbales ne suffiront pas à sortie du marasme, comme le reconnaissent beaucoup d'économistes et une partie de l'opposition socialiste. Pour les deux tiers des entreprises françaises, le problème ce n’est
pas la compétitivité, c’est l’effondrement de la demande, consécutif
aux trois années de crises que nous avons vécues en Europe. La politique de l'offre, ça ne marche pas et le pacte de compétitivité, ce mantra, n'est qu'une formule et une feuille de vigne. L'avenue de Bruxelles est un cul-de-sac Il fut un temps où 'le futur président se posait en rempart. Il
promettait aux Français de résister, à la finance et à l’Europe. Il
s’engageait à renégocier le Traité européen en exigeant un volet social
qui donnerait du pouvoir d’achat aux peuples, en relançant
l’investissement. À peine élu Hollande fit les gros yeux, mais pas à Bruxelles. Il
désigna les Français. Au nom de la règle des 3 %, il se lança dans une
politique de réduction des déficits qui associait l’augmentation de
l’impôt et la réduction des crédits, un cocktail d’autant plus sévère
que le CICE (crédit impôt compétitivité emploi) amputait le budget d’une
vingtaine de milliards et que la croissance était (déjà) en berne.
L’idée, d'ailleurs répétée par les gouvernements de droite depuis 2002,
était que les allègements de charges relanceraient automatiquement
l’économie en libérant les énergies. Cette politique, amplifiée par le Pacte de responsabilité, et
dénoncée par le Front de gauche aussi bien que par la gauche du PS,
vient de prouver son « efficacité ». La France est désespérément
embourbée. L’inversion de la courbe du chômage n’est pas venue, et ne
viendra pas l’année prochaine. Croissance zéro au second trimestre, après une croissance nulle au
premier. C’est le moment choisi par Michel Sapin, tel Archimède en sa
baignoire, pour pousser son « Eurêka », ou le « Bon sang, mais c’est
bien sûr » de l’antique commissaire Bourrel, l’homme des Cinq Dernières Minutes… Il faudrait demander des comptes à l’Europe… La changer radicalement, et ne plus se conformer à ses dogmes ! Évoquant le risque de déflation, Michel Sapin propose ainsi de « promouvoir
une politique en faveur de l'investissement privé et public par la
mobilisation des outils existants et par la mise en œuvre de moyens
nouveaux ». Comme Hollande avant l’Élysée, il s’écrie qu’il y a « urgence à agir ». Et il conclut son manifeste par cette revendication : « L'Europe
doit agir fermement, clairement, en adaptant profondément ses décisions
à la situation particulière et exceptionnelle que connaît notre
continent. La France pèsera en ce sens. » L'Allemagne, comme prévu, commence à connaître les effets de la récession: Il se trouve que la croissance de l’Allemagne devait s’envoler cet été : « La croissance économique de l’Allemagne accélérera cette année et encore plus l’année prochaine »,
déclarait le 15 avril dernier le ministre de l’économie d’Angela
Merkel, Sigmar Gabriel, pieusement repris par la presse économique. Au second trimestre 2014, après une mauvaise année 2013, l’Allemagne a
fait encore moins bien que la France : contraction de 0,2 % de son
PIB ! La locomotive a enclenché la marche arrière, et pourtant des
orateurs, notamment, à l’UMP, décrètent qu’un échec continental se
réduirait à un problème hexagonal, et qu’il faudrait aller encore plus
loin dans « les réformes », c’est-à-dire dans l’austérité, pour sortir
du marais dans lequel s’enfonce la zone euro, Allemagne comprise. _______________
Reconstruire, disent-ils Après avoir tant détruit et mis en place un système si corrompu... A quel coût? E-xor-bi-tant! Dans ce pays qui a connu une 'instabilité chronique à partir de 1919, sous la pression d'intérêts étrangers, anglais, puis soviétiques, de 1979 à 1989, enfin talibano-pakistanais et finalement américains, jusqu'à un retrait incomplet, qui ont contribué à installer depuis 2004 à la tête du pays un pouvoir contesté pour son inefficacité et sa corruption, malgré quelques tentatives de redressement du pays. Une guerre douteuse a ruiné tout développement autonome. Déjà, en 2006, l'impasse apparaissait. En 2012, l'échec était patent. Tout se perd, rien ne se crée... L'aide américaine, sans doute très intéressée, se perd comme l'eau dans les sables du désert .... Les USA ont produit eux-mêmes un rapport accablant sur le sujet. La corruption gangrène toujours le pays, où domine la narco-économie. Alors que les richesses potentielles ne manquent pas: Un sous-sol prometteur. De vastes réserves de gaz naturel et de pétrole, qui n'ont pas manqué d'attirer l' attention de multinationales US. Un potentiel énorme. Les investisseurs étrangers se bousculent, les Chinois en particulier. Mais l'instabilité reste un frein important à un développement qui, enfin maîtrisé, dans un contexte politique rénové, pourrait faire de ce pays un pôle de développement exceptionnel, loin des malédictions qui pèsent encore sur lui. _______________
Sainte mais grande piraterie Qui compromet un peu plus l'avenir de ce pays, qui n'avait pas besoin de cela. Il est parfois des banques qui ne sontsaintes que de nom... C'est toujours la tourmente et l'hémorragie sociale à Lisbonne. Au-delà de la paupérisation et de la souffrance sociale d'un pays,
c'est l'exode massif de sa population qui traduit tout le mal-être de la
société portugaise face à l'austérité. Soixante-dix mille Portugais
quitteraient le pays chaque année pour l'OCDE, 120 000 pour le
gouvernement. Quelle que soit l'origine des chiffres, ils font état
d'une véritable hémorragie, signe que le pays se vide de ses forces
vives. Un exode qui n'est pas sans rappeler celui des années 70 sous la
dictature lazariste, un traumatisme encore présent dans tous les
esprits. Au total, on estime entre 300 000 et 700 000 le nombre de
Portugais qui auraient émigré depuis 2011. Une hypothèque sur l'avenir
d'un pays qui voit partir toute une génération de jeunes, le plus
souvent diplômés. La rigueur se porte bien, l'évasion fiscale mieux encore.. Plus dure sera la chute...si chute il doit y avoir encore. L'Esprit (Espirito) n'a pas inspiré l'élite portugaise et la sainteté (Santo) n'est pas d'actualité... On est plus proche de la finance criminogène que de la saine gestion bancaire, qui ne fait pas que dysfonctionner... De
l’évasion fiscale à grande échelle en somme, qui puise son modèle dans
les méthodes de la célèbre banque suisse UBS. D’anciens cadres de
l’institution helvète se retrouvent d’ailleurs à la tête du réseau
portugais, Michel Canals en particulier, en charge du convoi des fonds.
Un long voyage. De Lisbonne à Zurich, Genève puis au Cap Vert où
l’argent arrivait sur un compte de la banque BPN (Banco Português de
Negócios) avant d’être rapatrié au Portugal sur les comptes d’une autre
banque, la BCP. D’importants mouvements, dans différents établissements
qui n’ont curieusement pas immédiatement éveillé les soupçons des
autorités de régulation. Une affaire grave et sans précédent Aujourd'hui,
il est difficile de connaître l'impact que les prochains scandales à
propos de la gestion de la banque auront sur l'économie portugaise. Néanmoins, cité par I,
l'analyste Pedro déclare : "Une situation de
ce type dans une entreprise cotée en Bourse – la BES a été la plus
grande banque du pays en terme de capitalisation boursière cette année –
affecte l'image de toutes les autres entreprises." Après l'annonce de
la hauteur des pertes de la BES, le titre a perdu 26,6% dans la matinée,
devenant ainsi la plus grande chute de tous les temps d'une action à la
Bourse de Lisbonne. C'est bien sûr l'Etat qui va opérer le renflouement, pour éviter l'effondrement de ce qui reste de l'économie nationale, voire la contagion aux autres pays. Mais quelles poches l'Etat va-t-il faire? La nouvelle Bad Bank va-t-elle laver plus blanc? "...Les actionnaires et créanciers non prioritaires de Banco Espirito Santo seront appelés à « assumer les pertes » découlant « d'une activité bancaire qu'ils n'ont pas suffisamment contrôlée », a prévenu dimanche le ministère des finances du Portugal. Parmi les actionnaires figure, avec une part de 14,6 %, le groupe français Crédit agricole, qui devra dévoiler l'ampleur des dégâts lors de la présentation de ses comptes mardi..." There is no alternative, disent-ils... Comme disait un ancien directeur de la Banque Mondiale: "Les
banques sauvées grâce à l'argent public se retournent vers ceux qui les
ont sauvées en disant: payez vos dettes! Leur arrogance est
inacceptable " (J Stiglitz) Plus que des ravalements de façade, on attend encore une Nuit du 4 Aout dans le domaine des féodalités financières. ______ -L'avis d'un banquier -Finances et relations politico-médiatiques au Portugal
________________ -Relayé par Agoravox ____________________
Quelques notes sur un éclaireur et un lanceur d'alerte. Le premier qui dit la vérité...♪♫♪ La première victime d'une guerre, c'est la vérité. C'est le propre de tout homme d'exception de devenir peu à peu une sorte d'icône abstraite, désincarnée, objet de récupération, d'instrumentalisation et de mise en valeur de toutes sortes d'idéologies parfois contradictoires. Les célébrations officielles ont souvent comme effet de statufier une pensée vivante, hors du contexte de son temps, de la fossiliser en la dénaturant.
Le mythe a parfois submergé la réalité historique, pas seulement à Carmaux. Robespierre n'a pas échappé à la règle. Jaurès non plus. Plus tard, De Gaulle. C'est étonnant comme tous deviennent jaurèsiens, jusqu'au ridicule, parfois la drôlerie. Il n'est jamais trop tard pour relire Jaurès, celui qu'on peut considérer comme un visionnaire à plus d'un point de vue. Mais le relire sans idéalisation ni déformation, dans son enracinement d'époque et dans ce qui reste d'universel dans son message. "Il ne s’agit pas d’idéaliser Jaurès pour l’iconiser et le mieux
enterrer, comme s’efforcent de le faire ceux qui déforment son bilan,
qui en nient les aspects contradictoires ou qui exploitent ses
faiblesses pour farder de rose ou de rouge leur reniement du socialisme... Il ne s’agit pas non plus de dénigrer
l’action de haute tenue que Jaurès avait engagée pour lier
dialectiquement la classe ouvrière française à la nation, au principe
laïco-républicain et à l’engagement humaniste : non pour faire l’union
sacrée avec la grande bourgeoisie, mais pour dénoncer cet impérialisme
dont Jaurès, comme Lénine ou Luxemburg, avait perçu les lourdes
tendances exterministes..." Le tribun socialiste qu'il fut, si lucide sur les événements à venir, s'attira beaucoup de haine, jusqu'à l'assassinat Pourquoi? Oui, pourquoi? On comprend un peu mieux quand on lit ce qui suit, quand l'union tout autour se faisait sacrée, quand l'égarement gagnait les esprits, quand Sarajévo s'annonçait: DeLe 12 juin 1913, dans L'Humanité, Jean Jaurès écrit sous le titre : Sinistres leçons : « Si
chauvins de France et chauvins d'Allemagne réussissaient à jeter les
deux nations l'une contre l'autre, la guerre s'accompagnerait partout de
violences sauvages qui souilleraient pour des générations le regard et
la mémoire des hommes. Elle remuerait tous les bas-fonds de l'âme humaine, et une vase sanglante monterait dans les coeurs et dans les yeux ». Anatole Franceavait parfaitement
entendu son ami Jaurès, et avait saisi que la guerre est la défaite de
la lutte des classes face à l’impératif de la résignation. « Travailleurs,
Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux
proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors
la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs,
veillez ! ». Avec peut-être encore davantage de lucidité et de force, il finit par déclarer : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ! » (*1) (2) (3) Le désastre s'annonçait. ____________ Son dernier discours, le 25 juillet 1914 à Vaise: Citoyens, Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que
jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus
menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la
responsabilité de vous adresser la parole. Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau,
je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la
nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie
nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et
je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le
conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je
dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes
à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il
faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité
suprême qu’ils pourront tenter. Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de
menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains,
si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une
partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent
une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie
entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la
Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la
Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et
l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si
le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie
s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs
de bataille à ses côtés. Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre
l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais
dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France
et la Russie dira à la France : “J’ai contre moi deux adversaires,
l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous
lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés.” A
l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où
l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne
se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le
monde en feu. Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous,
pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement
les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste
devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions
annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les
armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et
des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous
qui avions le souci de la France. Voilà, hélas ! notre part de responsabilités. Et
elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la
Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la
Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la
Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui
opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc
et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en
pardonnant les péchés des autres. Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : “Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc” et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : “Tu
peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à
l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité.” Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh
bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne
cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le
devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la
diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie
russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes
contre l’Autriche et qui vont dire : “Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie.”
Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie
est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une
Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur
elle, elle a dit à l’Autriche : “Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine.” L’administration,
vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où
l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine,
elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses
intérêts. Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu
avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à
l’Autriche : “Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à
condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à
proximité de Constantinople.” M. d’Ærenthal a fait un signe que la
Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à
prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est
entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : “C’est mon tour pour la mer Noire.” – “Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout !“,
et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre
M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et
M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la
Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de
Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les
Slaves de Serbie. C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est
maintenant. Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de
la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y
aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale
Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir
par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a
soulevé le mécontentement de ces peuples. La politique coloniale de la France, la politique sournoise
de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer
l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans
un cauchemar. Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans
l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux
prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en
raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la
dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons
pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait
aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne. Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a
succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux,
une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle
laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins
ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes
sur trois cent mille. Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne
serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille
hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel
massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la
nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore
que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons
le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les
dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose,
s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour
prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades
socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de
l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est
convoqué. Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une
sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de
meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et
le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes
ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais,
Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers
d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte
l’horrible cauchemar. J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul
qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire
électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements.
Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous
tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes
avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure,
sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un
rétablissement de la paix. Jean Jaurès _______________________