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lundi 12 septembre 2011

La santé a un prix

Progrès à rebours

La santé sera-t-elle bientôt un luxe?

__La question peut sembler incongrue, mais elle est d'actualité.
C'est déjà le cas pour des couches de plus en plus larges de la population, qui n'ont pas les moyens financiers de s'offrir une mutuelle, qui ne peuvent payer les dépassements d'honoraires, qui ne peuvent changer de lunettes quand il le faudrait, qui ne soignent plus leurs dents, qui ne passent plus par le stade prévention, etc...
_Ce n'est pas l'opposition qui le reconnaît, mais Mme Bachelot , qui pointe le problème des "inégalités devant la santé": "La France se trouve dans une situation paradoxale. L'espérance de vie à la naissance est parmi les plus élevées d'Europe pour l'ensemble de la population, mais les inégalités entre catégories sociales sont parmi les plus importantes". Ainsi "à 35 ans, l'espérance de vie d'un homme cadre supérieur est supérieure de 7 ans à celle d'un ouvrier". Or, 60% des décès survenus avant 60 ans sont dus à des facteurs qui seraient simplement modifiables par la prévention."
"39% des français ont renoncé aux soins qui leur étaient prescrits pour des raisons financières", constate les Secours Populaire.
Le "trou de la sécu" a bon dos..
On assiste en fait à un processus de petits pas vers la privatisation...conforme à l'esprit de la libéralisation des services et à une course vers d'absurdes concurrences.
On peut même se demander si depuis quelques années ne se met pas en place la stratégie du pire:

"Révélés par la Cour des comptes, jeudi 8 septembre, les déficits de la Sécurité sociale sont à ce point colossaux qu'on peine à imaginer qu'il y a derrière cette catastrophe financière et sociale une stratégie secrète. Tout juste est-on enclin à penser que la crise a tout bonnement fait sentir ses terribles effets et que, par incompétence ou par négligence, le gouvernement a laissé filer les déficits au fil de l'eau, au point qu'ils atteignent maintenant des niveaux historiques. Et pourtant tout est là... Sans doute le gouvernement manifeste-t-il beaucoup d'indifférence coupable ou d'incompétence dans ce dossier de la Sécurité sociale, comme il en manifeste plus généralement dans le dossier des finances publiques (lire Austérité et Grand Guignol).

__Il reste qu'il a, envers et contre tout, en ce domaine un cap très précis. Et ce cap, on devine de plus en plus nettement ce qu'il est : c'est celui, à terme, d'une privatisation de la Sécurité sociale. En clair, si le gouvernement s'accommode de déficits à ce point abyssaux, c'est qu'ils servent un dessein même s'il n'est pas encore publiquement assumé : celui du basculement vers le privé d'un immense système solidaire qui, depuis la Libération, a échappé au lobby de l'assurance privée et que celui-ci cherche à grignoter progressivement, dans l'espoir, pour finir, d'un gigantesque « big bang » social...___Le rapport de la Cour des comptes.. montre méticuleusement que la crise n'y est pas pour grand-chose. En clair, la récession a certes fait le lit du chômage et pris la Sécurité sociale en tenailles, en générant des prestations en hausse et des cotisations en baisse. Mais en vérité, ce n'est pas cela qui est à l'origine de cette implosion de la « Sécu », et la Cour des comptes l'explique sans détour : « Le niveau exceptionnellement élevé des déficits ne s'explique que partiellement par la crise économique. Les facteurs structurels expliquent environ 0,7 point d'un déficit du régime général qui a représenté 1,2 point de PIB en 2010. » En résumé, la crise n'explique pas même la moitié de cette dérive financière....

_Implicitement, il s'agit donc d'une mise en cause très grave du gouvernement. D'autant plus grave que, dans un autre dossier, celui des déficits budgétaires, le gouvernement joue de cette carte pour essayer de faire accepter par l'opinion son plan d'austérité : si des mesures difficiles doivent être prises, c'est que la conjoncture a piqué du nez, argue-t-il. Or, on sait, là aussi, que la croissance a bon dos : si la France a des comptes budgétaires dégradés, c'est d'abord parce que les gouvernements successifs, de gauche d'abord, de droite ensuite, ont multiplié tout au long des années 2000 les baisses d'impôt (lire Ces dix années de cadeaux fiscaux qui ont ruiné la France)....____Il faut donc bien finir par regarder les choses en face et se poser la seule question qui vaille : mais au fait, ces déficits ne font-ils pas les affaires du gouvernement ? Ne préparent-ils pas une véritable implosion du modèle social à la française, avec la perspective, ultérieurement, d'un système reconstruit en grande partie autour non plus des logiques collectives de la solidarité, mais celles, très profitables, de l'assurance privée ?

__De nombreux indices suggèrent en effet que cette interprétation est la bonne. Dès 2007, après la victoire de Nicolas Sarkozy, les lobbys patronaux, et tout particulièrement ceux de l'assurance privée, se sont beaucoup activés en coulisse pour que la nouvelle majorité dynamite le modèle social construit à la Libération, en application du programme du Conseil national de la résistance (lire Vers une privatisation de la Sécurité sociale). C'est le patron du groupe de réassurance Scor, Denis Kessler (ancien numéro deux du patronat, ancien président de la Fédération française des sociétés d'assurances), qui, dans une déclaration tonitruante au magazine Challenges, le 4 octobre 2007, avait lancé la première charge : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d'importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme... A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »__Tout est dans cette déclaration. « Défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance »... Dans la bouche d'un assureur, tout le monde a compris ce que cela voulait dire : s'attaquer en priorité au projet social phare contenu dans ce programme du CNR. A savoir, précisément la création de la Sécurité sociale.

__Et de la parole aux actes ! Le Medef n'a cessé, depuis, de donner des coups de boutoirs supplémentaires. Le projet secret qu'il a mis au point pour l'assurance-maladie dans la perspective de 2012 et que Mediapart a révélé le 15 décembre 2010 (lire Le plan secret du Medef pour dynamiter la Sécu) en est la dernière illustration en date. On y découvre en effet ce dont rêvent les assureurs privés. Il s'agirait pour l'essentiel d'organiser une véritable partition de la Sécurité sociale, avec d'un côté un système qui resterait solidaire et qui aurait la charge des risques lourds, ceux notamment des maladies longues et coûteuses, et de l'autre côté un système d'assurance privé couvrant les petits risques, beaucoup plus solvables. En résumé et en caricaturant à peine, les maladies graves sur lesquelles les assureurs ne savent pas comment gagner de l'argent seraient à la charge de la collectivité tandis que les soins plus légers, sources de profits formidables, relèveraient de l'assurance individuelle. Vieux principe ! Les déficits seraient socialisés, et les profits privatisés...

_____La couverture sociale ne cesse de se dégrader. Il n'existe pas encore de statistiques récentes pour 2010 mais celles de 2009 étaient éloquentes : depuis 2004, ce que les experts appellent le « reste à charge » pour l'assurance-maladie – c'est-à-dire ce que ni la « Sécu » ni les mutuelles ne remboursent et ce que l'assuré social doit donc débourser de sa poche pour ses dépenses de santé – ne cesse de nouveau de progresser pour atteindre 9,4% des dépenses de soins en 2009 (voir le tableau ci-contre ou les statistiques de l'Insee qui sont ici). Compte tenu du nombre croissant de pauvres en France (plus de 8,2 millions de personnes, selon le dernier décompte de l'Insee), on devine sans peine le lot de souffrance sociale qui est induit par ces statistiques. L'envolée du « reste à charge » ou la dégradation de certaines prestations, tout particulièrement des prestations retraite, constituent donc une très forte pression sur les assurés qui, faute d'une bonne couverture sociale, sont de plus en plus invités à recourir à l'assurance individuelle..." (Laurent Mauduit)

-La fiscalité régressive, le système redistributif à l'envers mis progressivement en place n'est pas pour rien dans la dégradation des comptes... Une marche vers une privatisation de la santé, avec la bénédiction de Bruxelles? Oui, s'il n'y a pas de résistances.

On arrive même à des situations ubuesques, lorsque les cliniques privées attaquent l'État pour atteinte à la libre concurrence._______________

- L'appel des 123 pour une santé plus juste
-Taxer la maladie? On marche sur la tête
-L’hôpital sud-francilien fait les frais de la privatisation

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