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samedi 13 juillet 2019

Une Allemagne au carrefour

Nuages et excédents commerciaux
                                       Comme sa chancelière arrivée en fin de course, l'Allemagne arrive à la fin d'un cycle, politiquement et économiquement, dans un climat d'incertitude qui en inquiète plus d'un.
   Fortement exportatrice, elle fait aujourd'hui l'expérience de sa relative fragilité, à l'heure des turbulences des marchés internationaux. A tel point que la croissance française devance cette année celle de sa voisine. L'Europe "allemande" connaît un début d'incertitudes majeures. La Deutsche Bank continue sa chute et licencie massivement. (*)
        "...Souvent citée comme un exemple en France, l’Allemagne connaît elle aussi ses mauvais jours. La Bundesbank a fortement abaissé vendredi ses prévisions de croissance, tablant désormais sur une progression de 0,6% du produit intérieur brut (PIB) allemand en 2019, soit bien en dessous de sa précédente prévision d’une croissance de 1,6% donnée en décembre et que les + 1,5% de 2018 (selon Eurostat)....  « L’économie allemande connaît actuellement un ralentissement marqué », a indiqué la banque centrale à l’occasion de l’actualisation biannuelle de ses projections. « C’est principalement dû à un ralentissement dans l’industrie, où la faible croissance des exportations se fait sentir », ajoute la Bundesbank...."
          « L’économie allemande est massivement orientée vers les exportations. Elle est donc très dépendante du contexte économique international, rappelle Oliver Holtemöller. Or depuis quelques mois, les risques augmentent. Si les tensions avec les États-Unis devaient s’accroître et si le ralentissement économique de la Chine devait se poursuivre, les conséquences seraient importantes pour le pays. »À cela s’ajoute l’incertitude liée au Brexit...."
        Il n'y a pas de mystère...Au sein des échanges commerciaux avec une monnaie unique (non pas commune), le bonheur de l'un entraîne  le malheur de l'autre.  Ou plutôt de la prospérité de l'un entraîne la stagnation ou la régression de l'autre.


   Dans une Europe en mode libéral concurrentiel et financiarisée, la sacro-sainte convergence  ne peut s'opérer, bien au contraire. L'harmonisation n'est qu'une incantation, ou ne se réduit qu'à des normes juridiques et réglementaires.
     C'est ce que reconnaît même l'OFCE (*)
Une Europe victime de la baisse des importations; 
     La locomotive allemande ne joue pas son rôle. Les excédents allemands inquiètent même la Commission européenne. 
    Le problème n'est pas nouveau.    Guillaume Duval avait analysé le phénomène très pertinemment dans son étude sur le système très partiparticulier de la production allemande, Made in Germany, étude jamais contestée.
      Les intérêts allemands ont changé depuis l'époque Schröder, qui a vu l'émergence d'une patronat à la mode anglo-saxone, moins soucieux de l'intérêt global de l' Union, jouant à fond l'exportation mercantiliste, avec un euro-mark taillé à la mesure de ses intérêts, comme une camisole de force.
   Elle devient un problème pour ses partenaires, ne jouant plus dans la même cour.
     Les banques allemandes sont au centre du jeu. _On peut affirmer que la zone euro marche sur la tête.
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...Le commission européenne considère que  des excédents commerciaux régulièrement supérieurs à 6% du PIB sont dangereux pour la stabilité et a exhorté Berlin à favoriser les investissements pour doper les importations.... 
____(*) Plus dure sera la chute pour la Deutsche Bank.  Quels remèdes?
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(*)Analyse de l'OFCE": 
                                      "...La monnaie unique aboutit à ce que la situation et la politique économiques de chaque pays puissent avoir des conséquences sur ses partenaires. Ainsi, un pays dont la demande est excessive (du fait de sa politique budgétaire ou d’une exubérance financière aboutissant à un excès de crédit privé) connaît de l’inflation (ce qui peut induire une hausse du taux d’intérêt de la BCE), creuse le déficit extérieur de la zone (ce qui peut contribuer à la baisse de l’euro), oblige ses partenaires à le refinancer plus ou moins automatiquement (en particulier via Target 2, le système de transfert automatique entre les banques centrales de la zone euro) ;  son endettement peut alors devenir problématique.
Ceci amène à deux réflexions :
1. Plus un pays est grand, plus il peut avoir un impact nuisible sur l’ensemble de la zone mais plus il est aussi davantage en mesure de résister aux pressions de la Commission et de ses partenaires.
2. La nuisance doit être effective. Ainsi, un pays qui a un déficit public important ne nuira pas à ses partenaires, bien au contraire, si ce déficit compense une défaillance de sa demande privée.
Imaginons qu’un pays de la zone euro (mettons, l’Allemagne) se lance dans une politique de recherche de compétitivité en bloquant ses salaires ou en les faisant progresser nettement moins vite que la productivité du travail ; il gagne des parts de marché qui lui permettent d’impulser sa croissance grâce à sa balance extérieure tout en bridant sa demande intérieure, ceci au détriment de ses partenaires de la zone euro. Ceux-ci voient leur compétitivité se dégrader, leur déficit extérieur se creuser, leur PIB se réduire. Ils ont alors le choix entre deux stratégies : imiter l’Allemagne, ce qui plonge l’Europe en dépression par un déficit de demande ; soutenir leur demande, ce qui aboutit à creuser un fort déficit extérieur. Plus un pays réussit à brider ses salaires, plus il apparaît gagnant. Ainsi, le pays trop excédentaire peut-il se vanter d’obtenir des très bonnes performances économiques sur le plan de l’emploi, des soldes public et extérieur. Comme il prête aux autres pays membres, il est en position de force pour imposer ses choix à l’Europe. Un pays qui accumule les déficits se heurte tôt ou tard à la méfiance des marchés financiers, qui lui imposent des taux d’intérêt élevés ; ses partenaires peuvent refuser de lui prêter. Mais rien ne fait obstacle à un pays qui accumule les excédents. En monnaie unique, il n’a pas à craindre une appréciation de sa monnaie ; ce mécanisme correctif est bloqué.
    Ainsi, l’Allemagne peut jouer un rôle dominant en Europe sans avoir la politique   économique qui corresponde à ce rôle. Les Etats-Unis ont joué un rôle hégémonique à l’échelle mondiale en ayant un fort déficit courant qui compensait les déficits des pays exportateurs de pétrole et des pays d’Asie à croissance rapide, en particulier la Chine ; ils équilibraient la croissance mondiale en jouant le rôle de « consommateur en dernier ressort ». L’Allemagne fait l’inverse, ce qui déstabilise la zone euro. Elle devient automatiquement le « prêteur en dernier ressort ». Le fait est que l’accumulation d’excédents allemands doit se traduire ailleurs par l’accumulation de dettes ; elle est donc insoutenable.
    Pire, l’Allemagne veut continuer à être excédentaire tout en demandant aux pays du Sud de rembourser leurs dettes. Cela est logiquement impossible. Les pays du Sud ne peuvent rembourser leurs dettes que s’ils deviennent excédentaires, que si l’Allemagne accepte d’être remboursée, donc devenir déficitaire, ce qu’elle refuse aujourd’hui. Voilà pourquoi il est légitime que l’Allemagne soit soumise à une PDM. Et cette PDM doit être contraignante..."
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