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mercredi 5 juin 2013

Vous avez dit « gouvernance » ?

 Un brave new word pour un brave new world?
______________________________________Il faut parfois se méfier des mots. 
Certains ne sont pas  tout à fait innocents et leur emploi à tout propos, dans certains domaines, doit engendrer la suspicion.
Orwell nous a là-dessus mis en garde.
L'inflation de la notion de gouvernance notamment, surtout depuis les années 80, pose problème.
___Selon A. Deneault, "Dans les années 1980, les technocrates de Margaret Thatcher ont habillé du joli nom de « gouvernance » le projet d’adapter l’État aux intérêts et à la culture de l’entreprise privée. Ce coup d’État conceptuel va travestir avec succès la sauvagerie néo­libérale en modèle de « saine gestion ». Nous en ferons collecti­vement les frais : dérèglementation de l’économie, privatisation des services publics, clientélisation du citoyen, mise au pas des syndicats... ce sera désormais cela gouverner.
Appliquée sur un mode gestionnaire ou commercial par des groupes sociaux représentant des intérêts divers, la ­gouvernance prétend à un art de la gestion pour elle-même. Entrée dans les mœurs, évoquée aujourd’hui à toute occasion et de tous bords de l’échiquier politique, sa plasticité opportune tend à remplacer les vieux vocables de la politique..une « révolution anesthésiante »..."
Un changement sémantique qui n'est donc pas sans conséquences politiques, malgré son apparente banalité, mais qui renvoie à la conception politique du néolibéralisme:
" L'application des techniques managériales d'efficacité, de productivité et d'utilité à la chose publique par le thatchérisme cherchait tout simplement à évacuer le politique de la vie sociale. Il n'y a plus de démocratie, de vie politique, mais tout simplement une gestion rigoureuse et efficace des affaires publiques - lesquelles rigueur et efficacité se mesurent à l'aune de la qualité de leur «système de gouvernance». La philosophie politique ultralibérale à laquelle adhérait Margaret Thatcher ne lui permettait pas de concevoir la société comme rien d'autre qu'un amalgame de divers acteurs privés. En ce sens, l'État n'est plus l'organisation politique d'une société ou d'un peuple, constitué de diverses institutions, mais un ensemble d'organisations publiques qu'on doit soumettre aux mêmes «règles de gouvernance» que les organisations privées. Le gouvernement est alors «restreint lui-même au simple rôle de partenaire dans l'ordre de la gouvernance, n'encadre plus l'activité publique, mais y participe à la manière d'un pair» (p.81).
La vie politique se soumet, dès lors, aux règles du management et de la gestion efficace - et, ultimement à celles de la concurrence. On met en concurrence les diverses composantes de l'administration publique avec les entreprises privées, forçant les organismes gouvernementaux non seulement à singer la logique du secteur privé, mais surtout à les coincer dans un double rôle insoutenable: adopter les règles du privé tout en continuant à servir l'ensemble de la communauté et à préserver le bien commun. Aporie insoluble - le langage lisse et neutre de la gouvernance évacuera en douce la véritable vie politique de nos sociétés.
Évacuer le politique de la vie publique implique une annihilation radicale de la dissidence et de la pensée critique - les dogmes de la gouvernance revêtant des «airs de pensée critique...» 
______Un mot qui traîne encore dans le vocabulaire de nos politiques du jour.

 _-De quoi la gouvernance européenne est-elle le nom?
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