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vendredi 8 janvier 2021

Comme dans une république bananière?

         Ebranlement au coeur (notes à chaud)

      Comment trouver encore les mots justes pour qualifier le tremblement de terre de Washington, l'agression du Capitole, événement redouté mais stupéfiant. Un événement entretenu par un Président irresponsable jusqu'au bout. Ses "gars" sont venus de partout, pour contester la chute de leur idole.       Une "farce tragique" pour reprendre un titre de presse, dont les conséquences politiques seront marquantes. Sans doute pour longtemps.     

          Une triste fin de barnum, où se côtoient le grotesque et le tragique, qui s'est terminé par un Go home tardif etpitoyable.. Une sédition bouffonne, qui frappe au coeur des institutions du pays, des institution malades, dont la réforme s'impose urgemment, comme le système électoral. Il n'y a pas de précédent d'une telle sédition. "...Selon les historiens, la dernière attaque contre le Capitole remonte à 1814, quand les soldats britanniques, qui avaient envahi Washington lors de la guerre de 1812, l’ont incendié. Ce 6 janvier 2021, il n’y a point eu d’incendie, mais quatre morts – une femme touchée par balle au torse dans l’enceinte du Capitole et une femme et deux hommes aux alentours. Au total, 52 personnes ont été arrêtées dans la capitale, a annoncé mercredi soir la police de Washington. De nombreux blessés et des images qui en disent long sur l’état des États-Unis en 2021, celles de parlementaires terrifiés allongés sur le sol avant d’être évacués par la police, des agresseurs qui se baladent avec le drapeau confédéré, symbole de la sanglante guerre civile de 1861, dans les couloirs du pouvoir…"                                                                                                                                                    En dehors de l'événementiel, une fois encore, se pose la question de la démocratie aux USA, ou plutôt d'une ploutocratie divisée, qui risque d'en rester une fois de plus à la stupéfaction, à la moralisation sans fin. Rien ne se perd, rien ne crée: l'élection de Trump ne tient pas de l'accident, sa fin bouffonne pouvait être anticipée. Ses soutiens resteront , tant que dureront les maux d'une Amérique de plus en plus inégalitaire et ses germes de violence. Les protestations morales se heurteront toujours à un réel dénié.      Que l'équipe de Biden s'en souvienne....

Le monde a observé ces images consternantes de fanatiques de Donald Trump, suprémacistes et membres de QAnon semant le chaos dans le Capitole à Washington. On relate 4 morts.
Contexte : de nombreux appels à l'insurrection avaient été lancés sur les réseaux de l'extrême droite américaine avec un rassemblement prévu devant le Capitole. Ce jour n'a pas été décidé par hasard. Ce 6 janvier, le Congrès devait valider l'élection de Joe Biden officiellement. La présence d'une masse de partisans radicaux de Trump n'a donc rien de surprenant. Étrangement, la sécurité était inexistante. À titre de comparaison, quand Black Lives Matter a manifesté pour les droits des minorités, l'armée était présente en grand nombre devant le Capitole, comme en attestent les archives.
Quelques heures avant la déferlante, Donald Trump a tenu un discours particulièrement virulent, réfutant une fois de plus sa défaite, accusant son rival d'un vaste complot électoral et promettant "une surprise" pour ce 6 janvier. À l'exception de ces fans radicalisés, Donald Trump est pourtant bien isolé. Tous ses alliés d'hier ont quitté le navire devant ses discours de plus en plus délirants et dangereux. Car il s'agit bien d'un appel à l’insurrection qu'a proféré le président à demi-mot avant l'attaque du Capitole. Il est désormais critiqué autant par les organisations conservatrices que par ses amis de la finance qui le défendaient encore hier. Ce qui n'aura pas empêché le président de faire quelques cadeaux d'adieu à l'industrie pétrolière en allégeant encore un peu plus des réglementations environnementales cette semaine.
Après le fiasco médiatique, le décès d'une femme, et ces images consternantes de fanatiques brandissant des drapeaux confédérés, Gadsden Flag (Tea Party / Libertariens), des sigles QAnon et énormément de slogans pro-Trump, comment vont-ils faire pour retomber sur leurs pattes ? La solution a été rapidement trouvée, une fois encore, dans une théorie du complot alambiquée distillée peu de temps après sur les réseaux sociaux. On en trouve des traces jusque sur le web français. Entendez : "C'est une machination des Antifa et de l’État profond" peut-on lire ici et là sans aucun élément factuel. Mais qui s'en soucie ? Le but est de faire émerger le doute. Pas de chance pour ces complotistes, la plupart des attaquants ont le visage découvert ce qui permet de retracer rapidement leur identité. En tête du cortège, on trouve Q Shaman (Jake Angeli), un pro-Trump radical très actif et connu des autorités, également très actif dans le mouvement conspirationniste QAnon. On observe également Matthew Heimbach, Néo-nazi américain notoire également connu des autorités. De nombreux fakes et intox circulent déjà partout pour brouiller les pistes et éviter de perdre l'opinion.
Les faits sont pourtant tenaces et tristement banals. Des milliers de sympathisants de Trump se sont rassemblés devant le Capitol suite au discours et aux Tweet menaçants du président. Des appels à l'insurrection se sont multipliés sur les réseaux pro-Trump qui refusent la défaite. Devant l'absence de sécurité (toujours sous administration Trump) et devant les discours belliqueux de meneurs identifiés avec haut-parleur, le mouvement a dégénéré. La véritable question, c'est de savoir pourquoi un bâtiment si important où un évènement politique majeur se produisait n'a pas été sécurisé sérieusement alors même que les appels à prendre le pouvoir par la force étaient légion depuis plusieurs jours...
On finira par une note globale sur la pensée manichéenne qui gangrène de plus en plus d'esprits et fonctionne comme ceci : "Si tu es CONTRE Trump, alors tu es POUR l'élite mondialiste (placer ici un mot qui fait très peur)". En fait, le monde est légèrement (beaucoup) plus complexe que ça. Un individu est totalement libre d'être opposé aux idées de Trump ET opposé aux idées de Biden dont le caractère démocrate relève plus d'un conformisme mou avec le capitalisme qu'autre chose. L'esprit humain est pourtant possible de tellement d'imaginaires, de possibilités. En Amérique comme en Europe, il n'y a pas de réelle opposition au système économique. Qu'une seule vague droite, avec des valeurs plus ou moins conservatrices ou progressistes (mais pas trop!), selon. Quand un candidat est trop "à gauche" (au sens de la lutte des classes, pas juste de discours progressistes de surface), il est éliminé du débat public. Pas touche aux marchés.
Les citoyens sont enfermés à vie dans un jeu de ping-pong entre "un peu de capitalisme non-assumé" et "du bon vieux capitalisme à l'ancienne". On se retrouve à devoir subir le moins pire. En nous forçant à choisir un camp, on abandonne également les luttes de fond : parler des structures de la société, le cadre fonctionnel, le grand tableau. Certes, les démocrates ont bien tenté d'instaurer un semblant de sécurité sociale. Dans les faits, énormément d'américains souffrent aujourd'hui pendant que d'autres s'enrichissent outrageusement. C'est un Casino géant a ciel ouvert où les perdants sont broyés par le système. Il y a quelques jours, une mère expliquait comment, après quelques jours à l’hôpital avec ses bébés prématurés, elle avait été facturée d'un montant tellement hallucinant qu'elle devrait travailler jusqu'à sa mort dans la précarité pour espérer pouvoir en payer le dixième. Déjà oublié le Joker, et sa critique en demi-teinte d'un modèle qui méprise les faibles au risque de tout faire un jour péter.
Si on devait repartir d'une page blanche et proposer ce modèle de société profondément injuste à un peuple, personne n'en voudrait. La triste vérité, c'est que nous sommes tous les esclaves d'un modèle économique sans partage, sans opposant, sans alternative autorisée. Et que ce modèle, certains s'acharnent à l'instaurer chez nous, si ce n'est pas déjà fait. Qui peut vraiment croire aujourd'hui qu'un Trump ou un Biden va changer ça ?

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