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lundi 15 février 2021

Le facteur et le chronomètre

Algorithmes et rentabilité.   ____Du facteur à l'opérateur postal.

                     3 heures 43 minutes et 59 secondes...C'est le chiffre ubuesque de durée d'une tournée moyenne, fixé par ceux qui "pensent" dans leurs bureaux....                                       Où est passé le facteur qui prenait le temps de faire son métier, tout en n'oubliant pas de dire bonjour à ceux qui n'étaient pas encore des "clients" et de s'enquérir de la santé de tel ou tel? Je ne parle pas du facteur de Mr Tati ou de celui chanté par Y. Montand. Non plus celui de Dany Boon. Non, le facteur "normal". Celui qui dans les villages surtout avait une fonction sociale certaine, surtout pour les plus isolés.          __Aujourd'hui,  en voiture ou à vélo électrique, il file en regardant sa montre. Il ne connaît plus personne et parfois ne reste que quelques mois. Les stagiaires, les intérimaires se succèdent, inconnus de tous, ils ne connaissent que des n° de maisons.     On est passé du facteur (terme dépassé) à l'opérateur postal. Plus pressé et plus stressé que jamais. Un chronomètre dans la tête. Son secteur de distribution change régulièrement et il n'a pas moins de courrier, même si on écrit moins. Les produits publicitaires et les petits colis se sont multipliés.

         La poste n'est plus ce qu'elle était. Elle est passée du statut de service public( notion archaïque!) à une société anonyme chargée de vendre des produits rentables. Le prix du timbre s'est envolé. Il y a les nouveaux bureaux hi-tech où on est prié de faire soi-même une partie du travail et il y a la face cachée de la poste. Celle qui échappe à nos yeux.         "....Dans son dernier livreLe Caché de la Poste, le chercheur, qui a travaillé auparavant sur une ethnographie des beaux quartiers vus par des étudiants d’origine populaire ou sur l’emploi de travailleurs sans papiers dans le BTP, y raconte les difficultés croissantes auxquelles font face les facteurs.   Il observe surtout au plus près les mécanismes et les effets des « réorganisations » constantes que subissent les centres postaux : tous les 18 à 24 mois, la direction de l’entreprise publique impose de réduire le nombre de facteurs, et donc augmente le périmètre des tournées.      L’argument au cœur de cette logique paraît simple : en douze ans, le nombre d’« objets distribués » a été divisé par deux. Mais cette argumentation oublie de signaler que le nombre de boîtes aux lettres desservies augmente sans cesse, et que le nombre de recommandés et de petits colis distribués par les facteurs grimpe en flèche chaque année.  Sur notre plateau, le sociologue discute avec Brahim Ibrahimi, facteur, syndicaliste Sud PTT dans les Hauts-de-Seine et acteur de toutes les luttes à La Poste. Ensemble, ils dévoilent un autre secret de fabrication de La Poste : les calculs, en apparence scientifiques, grâce auxquels ont été établies les tournées des postiers pendant une quinzaine d’années se fondaient sur des chronométrages et des mesures… dont l’entreprise a perdu toute trace il y a des années...."                                                                      La Poste n'est pas le seul ci-devant service public qui ait subi une mutation. Un changement de statut contesté. Depuis l'ouverture du capital, selon l'expression pudique employée dans les années 90. Le risque de finir comme France-téléphone est envisagé ça et là.   "...La loi de régulation postale de mai 2005 a ouvert la porte à une dégradation sans précédent du service public postal. Le contrat de service public signé en juillet 2008 entre l’État et la Poste reprend les critères retenus dans cette loi. Le gouvernement a mis en place une stratégie de défaisance qui l’a amené à soutenir la dernière directive postale en 2007. Pour compenser la perte de monopole, il a pris des mesures d’économies qui ôteraient tout « handicap concurrentiel » à la Poste. Il faut que celle-ci se mesure aux autres entreprises du secteur ! Et la mission de relève, de traitement et d’acheminement du courrier est, jusqu’au 1er janvier 2011, financée par le monopole pour les plis de moins de 50 grammes. Le cahier des charges qui prévoit la réduction des délais d’attente, par exemple, est une garantie bien limitée ! Si la porte est déjà ouverte, l’introduction de capitaux privés, même minoritaire, conduirait immédiatement à imposer de façon plus radicale la logique de rentabilité : l’ensemble des activités sera jugée sur des critères de rentabilité capitaliste : comparaison avec d’autres entreprises privées, ratios de charges de personnels et d’investissements... L’entrée en Bourse constituerait un pas supplémentaire, les résultats économiques et financiers des entreprises étant regardés du point de vue du cours de l’action et de la capacité à produire du dividende. Cela a des implications sur les stratégies d’entreprises, les choix d’investissements, l’emploi, les conditions de travail… L’expérience montre que la délégation de service public est totalement inopérante avec les grandes firmes privées. L’eau est un bon exemple. Cela tient à ce que les pouvoirs publics locaux, et même nationaux, n’ont pas les moyens de contraindre ces firmes à agir selon un autre objectif que le leur : profit maximum le plus vite possible..." ____________________

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