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mardi 16 janvier 2024

Une forêt (vraiment)vierge?

On a cru longtemps au mythe de l'"enfer vert"

                                        Un monde de forêts denses, mystérieuses, dangereuses, inhabitables; sauf par de rares petits groupes en voie de régression, marginalisés et dispersés, que Lévi-Strauss avaint étudiés de près.                               C'est aujourd'hui la fin d'un mythe."...C’est ainsi que s’installe le mythe durable de l’Amazonie : celui d’un enfer vert, d’une région à l’état de nature, où nul ne peut vivre car les sols y sont trop acides, les ressources en protéines insuffisantes, les transports trop difficiles et les maladies débilitantes. L’autre mythe, apparemment opposé, mais qui revient au même, est celui véhiculé dès l’origine par Christophe Colomb qui, arrivé à l’embouchure de l’Orénoque, au Venezuela en 1498, clame qu’il a découvert le « paradis terrestre ». C’est la notion d’une Amazonie pareille à un éden vert, où habitent quelques « bon sauvages » dans un dénuement béat, vivant peu nombreux et parcimonieusement en harmonie avec la nature, un éden certes rude, mais magnifique. Des cités perdues.


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Aujourd’hui, ces mythes donnent des maux de tête aux scientifiques qui les ont mis à bas depuis une bonne vingtaine d’années. « Malgré des découvertes archéologiques majeures, et des avancées considérables dans les domaines biologiques et anthropologiques, on continue de se battre contre l’histoire officielle et le refus d’accepter qu’on s’est trompés, ou plutôt que l’on a pas assez regardé, depuis 500 ans », se désole Bruna Rocha, une jeune archéologue de Santarem. Dans des dizaines de sites comme celui de Monte Alegre, des archéologues ont mis au jour autant de découvertes qui démontrent que non seulement l’Amazonie était peuplée, mais qu’elle était densément habitée, cultivée, exploitée, que les tribus communiquaient et échangeaient des biens sur plusieurs centaines de kilomètres et que des ébauches d’États administrés avaient commencé à émerger avant 1492.     Ces découvertes ont pu avoir lieu grâce à de nouvelles techniques comme l’imagerie par satellite, mais aussi en raison, tristement, de la déforestation galopante de la forêt, qui a révélé des sites autrefois inaccessibles. Parmi les plus importantes, citons :– l’apparition d’une révolution néolithique indépendante, c’est-à-dire la naissance de l’agriculture, séparée de celle qui s’est déroulée au Proche-Orient vers 14 000 avant J.C. ;– l’accent mis sur la culture des arbres, une agroforesterie radicalement différente des agricultures européennes, africaines ou asiatiques. « Les gens qui visitent l’Amazonie aujourd’hui sont toujours surpris qu’on puisse se promener dans la forêt et manger quantité de baies et de fruits que l’on trouve sur son chemin, s’amuse Javi Eduardo, un docteur en botanique de l’université de Manaus. Mais c’est parce que ces arbres et ces buissons ont été plantés là il y a plusieurs milliers d’années. Les gens ne se promènent pas dans la forêt vierge, mais dans de très anciens vergers »  À la veille de l’arrivée des Européens, de cinq à dix millions de personnes vivaient en Amazonie                        contrairement à ce qui a été longtemps raconté, la culture du maïs était développée en Amazonie, et pas seulement dans les Andes, à côté de celle du manioc, permettant un régime céréalier riche ;– l’existence de la « terra preta », une « terre noire » unique au monde et d’une fertilité incroyable qui contient bien plus de nutriments que les terres alentour. Cette terra preta est le résultat d’un processus humain mélangeant le brûlis, l’agglomération de déchets végétaux et organiques. Alors que les premiers colons de l’Amazonie pensaient que rien ne poussait sur ces sols de latérite acides, presque tout pousse sur la terra preta, qui est aujourd’hui vendue sous forme de terreau sur les marchés de Santarem ;– la mise au jour de champs surélevés, de routes, de canaux, d’étangs, de monticules de chaque côté des rivières indiquant la présence de ponts… Par exemple, au début des années 2000, les archéologue Heckenberger, Petersen et Neves ont découvert autour du Rio Xinghu un réseau de 19 villages reliés par de larges routes, des ponts, des canaux, des digues, etc., qui témoignent, selon eux, d’une société « très élaborée et organisée ». Par ailleurs, en de multiples endroits de l’Amazonie, les chercheurs ont révélé des dizaines de monticules de terre contenant des centaines de milliers de fragments de poteries, attestant de populations extrêmement nombreuses et – relativement – prospères.                                                                   Grâce à ces découvertes – on peut en lire davantage dans les ouvrages 1491, de Charles Mann (Albin Michel), ou Amazonie, les douze travaux des civilisations précolombiennes, de Stéphen Rostain (éditions Belin) –, les spécialistes estiment qu’à la veille de l’arrivée des envahisseurs en 1492, de cinq à dix millions de personnes vivaient dans la forêt amazonienne, soit davantage qu’aujourd’hui (en excluant la population des villes modernes, bien entendu). Selon plusieurs estimations, de 12 % à 25 % de l’Amazonie était anthropogène, c’est-à-dire qu’elle était façonnée par les activités humaines...."....                                                                                                                       Non, l'Amazonie ne fut pas toujours cet "enfer vert souvent évoqué. Une vraie révolution dans nos conceptions simplistes..                                                                                                                                                    C'en est fini de certains fantasmes concernant cette immense forêt, qui ne fut pas toujours si vierge. Ce ne fut pas toujours l'enfer vert.
              Les déforestations ont parfois un côté inattendu, en permettant des découvertes improbables..
  L'Amazonie est en train de perdre son aura de mystère et de devenir un terrain de recherches infini, ouvrant la porte à l'exploration de nouvelles civilisations passées.
   La photographie aérienne a fait beaucoup évoluer les découvertes archéologiques.
      Le poumon de la planète n'a pas fini de nous étonner.
   Plusieurs millions de personnes vivaient dans cette contrée, avant l'arrivée des conquérants européens, depuis 10000 ans sans doute, le plus souvent sédentarisées, à la culture élaborée.
Levi-Strauss ne pouvait s'en douter.
 Les microbes européens ont eu raison des populations qui vivaient dans cette vaste contrée, de manière très organisée.
    Il reste beaucoup à découvrir et à connaître dans l'univers amazonien (pas celui-ci, l'autre...)
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                ".... William Woods, géographe à l'Université du Kansas, au sein d'une équipe étudiant les géoglyphes d'Acre, estime que « si l'on veut recréer l'Amazonie précolombienne, la plupart des forêts doivent être enlevées et remplacées par des habitats et des cultures intensives. Je sais que cela passera mal auprès des fervents écologistes... mais que peut-on dire d'autre ? »
Les géoglyphes, motifs géométriques gravés dans la terre, sont devenus de plus en plus visibles avec la déforestation de l'Amazonie, New York Times, 2012, DR.
   Denise Schaan, archéologue à l'Université fédérale du Pará au Brésil, a dirigé des recherches sur les géoglyphes et procédé à des tests au radiocarbone. Elle a ainsi mis en lumière que leurs constructions remontent de 1000 à 2000 ans, parmi lesquels certaines pourraient même avoir été reconstituées à plusieurs reprises au cours de cette période.
    Dans les années 2010, les chercheurs en sont venus à penser que ces géoglyphes avaient une importance cérémonielle, sans pouvoir établir aucune certitude cependant. Le mystère est d’autant plus profond que ces géoglyphes n’ont pas de rapport évident avec les autres colonies pré-colombiennes découvertes ailleurs en Amazonie. Et de grandes lacunes touchant aux peuples autochtones de cette aire géographique persistent.
    Dans un article du New York Times daté du 14 janvier 2012, le paléontologue brésilien Alceu Ranzi compare ces réalisations aux célèbres lignes de Nazca dans le sud du Pérou (note). Ces découvertes viennent remettre en question la version d’une Amazonie peu habitée, confirmant du même coup les thèses du journaliste américain Charles C. Mann.
    Dans son livre, 1491, Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb (note), issu des recherches scientifiques sur l’Amérique précolombienne, il explique que certaines parties de l'Amazonie étaient « beaucoup plus peuplée qu'on ne le pensait » et que « ces gens ont volontairement modifié leur environnement de façon durable ».
Des artefacts précolombiens, trouvés près de certains des géoglyphes de l'État d'Acre, offrent des indices sur leur origine, New York Times, 2012, DR.   Il semble maintenant probable que l’arrivée des Européens a aussi provoqué une multiplication des conflits. Que ce soit pour fuir les Blancs et les risques d’esclavage ou pour s’en rapprocher afin de contrôler l’accès au commerce, les Amérindiens de la région semblent être devenus plus nomades qu’avant, d’autant que les agglomérations les plus importantes, le long de l’Amazone, ont été les plus touchées par le choc microbien et ont totalement disparu.
Un autre élément a joué un rôle essentiel dans ces transformations : l’introduction du métal. Les outils de pierre étaient peu efficaces pour déboiser, ce qui aurait plutôt incité les habitants de la région à exploiter les parcelles de manière prolongée, au prix d'importants efforts collectifs.     Les haches en métal, au contraire, ont permis à des populations décimées par le choc microbien de pratiquer les cultures sur brûlis qui ne seraient donc pas à interpréter comme une technique immuable mais au contraire comme une innovation technologique et agricole majeure. Le contrôle des approvisionnements en métal auprès des Blancs devient alors un enjeu essentiel qui engendre des tensions et affrontements.
    Toutes les certitudes sur le régime alimentaire et l’agriculture précolombienne ont été remises en cause et avec elles, celles sur le rapport des habitants et de leur environnement. Alors qu’on considérait jusque-là que le manioc constituait la nourriture de base de l’ensemble des habitants de l’Amazonie, l’absence de toute trace de sa production (alors que sa préparation nécessite de nombreux outils) sur la plupart des sites découverts a contraint à remettre en cause cette certitude : il était bien cultivé par divers groupes, mais non par tous, de loin           
    L'abondance des plantes domestiquées en Amazonie prouve l'existence de la grande variété des régimes alimentaires entre les tribus. Ainsi, des arbres fruitiers ont été sélectionnés et croisés entre eux, comme le palmier-pêche, extrêmement prolifique. Ananas sauvage, noix diverses, baies… ont aussi été plantés pour permettre de nourrir les populations et vont à l'encontre de l'idée reçue d’une « générosité » spontanée de la forêt.     La densité de la forêt amazonienne, comparable à celle des forêts européennes, semble du reste s'accroître dans les zones peuplées par les populations précolombiennes, où l'on retrouve des espèces cultivées en abondance. De plus, cette forêt est traversée de nombreux chemins, routes, canaux, de sols surélevés dans les zones inondables, ainsi que de nombreux aménagements et terrassements, qui n’ont pour certains été que très récemment été identifiés comme étant le fruit de l’action humaine. Leur ampleur demeure largement méconnue : il reste encore à repérer les structures érigées par l’homme.                                     S’il est encore impossible de proposer une description précise des modes de vie, lesquels ont du reste varié pour s’adapter aux changements de la végétation dus aux évolutions du climat, la diversité linguistique et culturelles ne doit pas être sous-estimée : certaines tribus vivaient au sein de véritables villes alors que d’autres étaient des chasseurs-cueilleurs, et d’autres encore semi-sédentaires...    Désormais, considérer que la région amazonienne aurait été un « enfer vert » où des populations auraient péniblement survécu au sein d’un écosystème qui les aurait dépassés, pourrait relever de l'aberration. Pour vivre et se pérenniser, elles ont dû s'adapter aux évolutions et changements récurrents de leur environnement.      Mais que la forêt amazonienne ne soit pas aussi primitive et intacte qu’on le croit volontiers n’implique naturellement pas qu’elle soit moins précieuse pour l’avenir de l’humanité.."      (Merci à Hérodote. net)
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