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samedi 1 février 2025

Une mémoire sélective?

_____________ L'anniversaire de la Shoah ne doit pas faire oublier que les camps de concentration et plus tard d'extermination ne furent pas seulement un drame absolu pour nombre de Juifs, même s'ils y furent largement majoritaires. Ils furent destinés d'abord, sous une forme destinée à évoluer, aux opposants politiques, au Tsiganes aussi, aux homosexuels, à certains résistants étrangers.... On l'oublie trop souvent.                               La mémoire est souvent trop courte. La persécution des Roms est souvent éclipsée par celles des victimes juives. On oublie trop souvent la catégorie de ceux qui aujourd'hui sont encore mal acceptés dans certains pays. Le déni n'est pas loin. L'histoire si complexe des "Zigeuner" l'atteste. Une errance parfois longue et parfois tragique...et le piège final. 


                                                                       
"...La perception d’un danger étranger était héritée de la période impériale. Le recensement de 1886, demandé par Bismarck en Prusse, avait montré que les Tsiganes locaux étaient en majeure partie sédentaires. Pourtant la directive du ministre de l’Intérieur de Prusse, Die Bekämpfung des Zigeunerunwesens (la lutte contre le fléau tsigane), du 17 février 1906, dressait la liste des accords bilatéraux signés par de nombreux États pour se prémunir d’une invasion errante . La conférence de Munich, ZigeunerKonference, en 1911, se réunit pour établir une agence centrale sur la question de la nationalité et mit en discussion la déportation des Tsiganes apatrides dans les colonies allemandes. Faute de régler les questions d’identification, les Tsiganes ambulants devenaient un danger international de plus en plus menaçant. Pour lutter contre les « excès de ces hordes errantes » , des plans radicaux d’extirpation circulaient dans certains réseaux internationaux avant la Première Guerre mondiale. Le développement de l’ICPC, l’ancêtre d’Interpol, illustre bien le modèle théorique d’internationalisation des fonctions policières d’inspiration webérienne proposé par Mathieu Deflem. Ces idéaux dévoyés de la « sûreté publique » ont aussi contaminé toute l’Europe démocratique, car la généralisation des études de criminologie a alimenté la volonté policière de s’affranchir des contraintes nationales;                                                                                                                            "Un film américain de 1947, les Anneaux d’or, réalisé par Mitchell Leisen, montre deux agents de l’Intelligence Service qui, au début de la guerre, sont à la recherche de la formule d’un gaz terrifiant mis au point par les Allemands. Arrêtés par la Gestapo, ils s’évadent. L’un d’eux rencontre une bohémienne un peu magicienne qui l’aide à échapper à ses poursuivants. C’est le seul film qui rend compte de la condition des Tsiganes dans l’Allemagne du IIIe Reich, bien qu’il prête aux Tsiganes des possibilités de résistance qu’ils n’avaient déjà plus.                      La prépondérance des représentants de l’Europe de l’Est dans le modelage du discours autorisé sur le samudaripen, – l’holocauste tsigane selon un terme forgé en langue romani – a des raisons historiques. Par exemple, l’un des premiers congrès tsiganes internationaux de lutte contre la discrimination s’est tenu à Sofia, en Bulgarie, le 19 décembre 1905 . Il s’élevait contre une loi d’amendement à la loi électorale du 31 mai 1901 qui excluait du droit de vote les Tsiganes non chrétiens ou nomades, alors que la Constitution des États bulgares prévoyait que tous les individus majeurs pouvaient être électeurs. Rien d’étonnant à ce que la rencontre récente ait eu lieu à Sofia ; elle fut animée par des descendants de ces familles d’intellectuels romani qui avaient engagé le combat pour l’émancipation depuis la fin du xixe siècle. Comme l’a montré le sort tragique de la Yougoslavie, les liens entre les recensements, les procédures électorales et la manipulation politique ont pu transformer la « cascade de mépris », habituelle dans ces contrées, en principe d’épuration ethnique .     
Le souvenir du génocide est aussi présent dans l’action des réfugiés politiques. Ainsi, Josef Krasznai, porte-parole des Roms de Zamoly et président de l’Organisation indépendante des Roms du département de Fejér, déclarait douloureusement en août 2000 : « Nous avons accepté pendant des siècles le rôle de citoyens de second ordre, en nous contentant de notre situation de misère. Nous ne pouvons pas permettre ce que nos aïeux ont permis en 1944, nous n’entrerons pas dans les chambres à gaz pendant que l’hymne hongrois retentit ». En juillet 2000, un groupe d’une cinquantaine de personnes menacées de mort, Tsiganes en provenance de Zamoly (Hongrie), est arrivé à Strasbourg, aidé par Katy Katz, Israélienne issue d’une famille hongroise exterminée, Michel Warchawsky, Israélien militant pour la paix, et George Federman ; leur combat les a conduits au succès. Les roms de Zamoly ont obtenu pour la première fois depuis la chute du mur de Berlin un statut de réfugié politique en venant d’un pays intra-européen. Dans leur lettre de soutien adressée au journal Le Monde, Georges Federmann, Pierre Mertens, Véronique Nahoum Grappe, Jean-Marc Turine et Pierre Vidal-Naquet faisaient référence aux persécutions communes : « Le temps est peut-être venu pour les communautés juives d’Europe de se souvenir publiquement qu’à Treblinka, Chelmno, Birkenau, Majdanek, dans les ghettos de Varsovie ou de Lodz et dans d’autres camps en Hongrie, en Serbie, en Autriche ou en Allemagne les Roms ont subi une entreprise d’extermination comparable à celle menée contre les Juifs. Il faut protéger le peuple rom, lui accorder une citoyenneté européenne, lui donner un statut, une réelle identité ».    _________________

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